Quand le Nouvel Obs’ se noie dans son crachat – bis

mai 25, 2008 on 8:55 | In Best of, France, Incongruités | 4 Comments

Au royaume de la résistance citoyenne au Bling-Bling, il ne fait pas bon s’arroger l’exclusivité de la dénonciation. Libération, Le Monde, Marianne, Libération, Télérama, Les Inrocks et toute la gauche qui pense et qui rit n’aime guère qu’un confrère lui vole le scoop, le bon mot, la petite vulgarité du Président.

 

Bien mal en a pris au Nouvel Observateur de rapporter des propos censés être off et retranscrits dans la rubrique « téléphone rouge » où le lectorat se délecte de petites phrases perfides dont il imagine qu’elles constituent l’accès aux secrets des dieux. On imagine aisément la jubilation du Nouvel Obs’ lorsque l’illustre hebdomadaire décida d’inscrire dans sa rubrique off la preuve de la vulgarité du langage sarkozyste grâce aux mots suivants prêtés au Président à l’égard de journalistes venus l’interroger à Bruxelles : Putain les mecs, il fait chaud, on se fout sur la terrasse !» Puis, à l’issue d’une question sur les droits de l’homme en Tunisie, le Président aurait répondu : Rien à foutre, de toute manière, ce ne sont que des connards qui posent des questions à la con

 

Ouaoh ! Jubilation du Nouvel Obs, frustration grimaçante des autres. Après ce petit plaisir du jeudi, Libération riposte dès le vendredi par le truchement de Jean Quatremer : ce dernier, commentant les prétendus propos rapportés par le Nouvel Obs écrit avec une ironie mordante : « Saignant, non ? Sauf que c’est totalement faux. Je le sais puisque, j’étais présent à la différence du Nouvel Obs qui n’était pas invité faute d’avoir un correspondant à Bruxelles. Et je peux vous affirmer que jamais le Président n’a tenu de tels propos. En le disant, je brise le « off » dont nous étions convenus avec l’Elysée, mais c’est nécessaire pour rétablir la vérité. »[1]

 

Et toc ! Nananère ! Vous ne l’aurez pas votre scoop bling-bling et vulgaire, les propos sont erronés ! Il y a eu mensonge ! Et le journaliste de Libé, oubliant son devoir de résistance citoyenne, ne rechigne pas à susurrer une certaine complicité avec l’Elysée, avec qui il convient d’un off, là où le Nouvel Obs’ n’était même pas invité. Et je suis dans les petits papiers du Président, et le Président et moi sommes copains comme cochons, et le Nouvel obs n’a même pas été convié à la petite sauterie, et le Président est un type charmant injustement calomnié par le Nouvel Obs qui est bourré d’a priori, etc. Pour un peu, Libé s’indignerait que l’on accusât le Président de vulgarité, préférant prendre la défense de celui-ci[2] plutôt que de laisser un confrère avoir un scoop de vulgarité bling-bling avec lequel on est prié de ne pas rigoler.

 

Après Libé, Le Monde enchaînait dès son édition du week-end sur l’erreur du Nouvel Obs’ en rappelant dès la première phrase le précédent mensonge du sms. A quand un éditorial postillonné par J. F. Kahn à sa secrétaire appelant à la déontologie et au respect du Président élu par les Français ?

 

JusMurmurandi ne peut que rire de cet épisode grotesque, offert, une fois de plus, par la presse française, pour laquelle il apparaît désormais certain que la seule énergie déontologique déployée n’est autre que celle de la vigilance à l’égard des confrères lorsque le fondamental est en jeu : la vulgarité présidentielle.

 

Nous connaissions le « touche pas à mon pote », la presse française vient d’inventer le « touche pas à mon scoop bling-bling », où chaque organe de presse anti-sarkozyste (pléonasme ?) ne peut souffrir qu’un confrère rapporte des propos vulgaires ou déplacés du Président ; alors là, et là seulement, la presse cherchera à vérifier les sources des confrères en priant pour que le Président soit resté correct et, préférant prendre la défense de ce dernier plutôt que d’admettre qu’elle ait manqué un « sale con » ou un « enculé », elle rapportera d’un air goguenard l’erreur ou la « faute » du collègue, en priant à nouveau que la prochaine (véritable) insulte présidentielle lui soit destinée…



[1] Libération, 23 mai 2008

[2] L’auteur a en effet admis sur son blog que si le Président avait parlé « sans langue de bois », « il n’avait jamais été méprisant avec les journalistes… »

4 commentaires

  1. Pourquoi si peu de commentaires ?

    Commentaire by Anonymatoutou — 26 mai 2008 #

  2. Tout à fait d’accord, on compte sur vous !
    JusMurmurandi

    Commentaire by JM1 — 28 mai 2008 #

  3. Bonjour Jus murmurandi(s)

    il est effectivement amusant que la presse en soit réduite à railler la vulgarité présidentielle; la démocratie est manifestement le gouvernement du peuple pour le peuple, mais pas par le peuple (vulgus)…
    Une question : cette carence de critique sur le fond tient-elle à un accord tacite avec le président ou à une absence de fond politique chez ledit président?
    Cordialement.

    Commentaire by Frédéric — 2 juin 2008 #

  4. Cher Frédéric

    Je crois qu’en fait, c’est la presse qui est devenue incapable de penser la politique pour deux raisons :
    - elle se canard-enchaînise si je puis dire. Elle croit que les petites phrases suffisent à épuiser le sens de la politique
    - Elle est elle-même devenue incapable de penser la politique, car elle suit la pente naturelle de la société.

    Merci pour le commentaire

    JM

    Commentaire by jm4 — 2 juin 2008 #

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