Ils se battent, combat terrible…

mai 26, 2008 on 9:01 | In C'est ça, Paris?, France, Incongruités | 2 Comments

JusMurmurandi est bien embêté ; animé d’un souci citoyen bien légitime, il se retrouve devant ce qu’il voudrait appeler un « conflit d’action citoyenne », lequel conflit pourrait être résumé rapidement par cette alternative : transport en commun citoyen ou vélib’ citoyen ? JusMurmurandi a lourdement pesé chacun des termes de l’alternative : le transport en commun a ceci de citoyen qu’il suscite le vivre ensemble et la mixité sociale, trésors sociaux constitutifs de notre pacte républicain ; pour sa part, le vélib’ a l’inestimable mérite de ne pas polluer. Hélas, chacun a son désavantage : le transport en commun pollue, tandis que le vélib’ manque de convivialité festive.

Alors, entre les deux, le cœur de JusMurmurandi balançait.

Pour trancher, JusMurmurandi décida de pratiquer un test, c’est-à-dire que JusMurmurandi prit un bus : adoptant la « bus attitude », JusMurmurandi prit soin de ne pas agresser le chauffeur ni les usagers ainsi que le recommandait le code du « voyager ensemble » affiché dans le véhicule, et poussa la citoyenneté militante jusqu’à acheter un titre de transport qu’il composta, acte que, du reste, il fut le seul à accomplir parmi les autres citoyens.

Filant de vive allure dans les couloirs idoines, le bus dut soudain, arrivé rue de Rivoli, nettement ralentir son rythme, non pas en raison d’une circulation intense, mais parce qu’un Vélib’ se plaisait à zigzaguer devant lui. Tentant un, deux puis trois dépassements tous avortés, le bus finit par renoncer et, résigné, se mit à rouler au pas, derrière l’arrogante bicyclette.

Finalement exaspéré, le chauffeur du transport en commun tenta de klaxonner l’usagère du Vélib’ qui, en guise de réponse, offrit audit chauffeur un doigt d’honneur fort réussi, rappelant par ce geste lequel des deux véhicules avait la priorité citoyenne, et renvoyant également le fonctionnaire ératépiste à son statut de pollueur soft. Celui-ci, piteux, ne put que s’écraser, et ordonna la marche de son bus au rythme imposé par la triomphante cycliste.

Un espoir naquit pourtant : alors que la cycliste grilla un feu rouge, probablement distraite par le coup de téléphone qu’elle passait, le bus s’arrêta et, une fois le feu passé au vert, prit un départ fulgurant, bien décidé à doubler la pénible parisienne. C’était sans compter sur l’arrivée d’un second Vélib’ qui, loin de se ranger derrière sa congénère, se plaça à ses côtés, incitant notre bon chauffeur à faire un usage prononcé du frein. Un arrêt particulièrement vif fit chanceler une senior qui se levait pour se diriger vers la porte de sortie ; on s’affaira autour de la vieille vautrée, tandis qu’un vieillard fort digne s’en fut porter ses doléances au chauffeur qui ne répondit rien mais dont on devinait que s’il eût parlé, c’eût été pour hurler. JusMurmurandi regarda la scène, proposa son aide – qui fut déclinée – et sortit du bus, vers la Concorde.

Regardant machinalement sa montre, JusMurmurandi put constater que le trajet de l’hôtel de ville à la Concorde lui avait pris une demi-heure ; trouvant le temps un peu long et inclinant donc vers le Vélib’, JusMurmurandi fut tiré de sa réflexion par un grand cri : un chauffeur de taxi moins patient – et moins citoyen – que celui du bus venait de renverser la cycliste pénible qui prenait plaisir à zigzaguer devant le bus que JusMurmurandi avait emprunté. Cet incident fâcheux eut toutefois un mérite, celui d’arrêter la décision de JusMurmurandi : la voiture !

2 commentaires

  1. Décidemment, la critique est un art…
    Sincères compliments pour ce post qui pose avec acuité le dilemme auquel est soumis tout bon citoyen.
    Je profite de l’occasion pour vous soumettre une information qui va conforter les transportencommunistes: M.Trichet a enfin admis que nous vivions un 3e choc pétrolier…

    Commentaire by Frédéric — 2 juin 2008 #

  2. Merci pour le compliment et l’info cher Frédéric !

    Commentaire by jm4 — 2 juin 2008 #

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