Mais pourquoi est-il si méchant ?

juillet 4, 2008 on 10:46 | In France | Commentaires fermés

JusMurmurandi aimerait rendre hommage à la qualité de l’Education nationale qui allie merveilleusement enseignement de l’illettrisme avec un talent probablement jamais égalé dans l’histoire et embrigadement citoyen dans le cadre d’un projet éducatif que l’on devine d’une objectivité à toute épreuve. L’hommage que souhaite rendre JusMurmurandi est adressé à la glorieuse « communauté éducative », dont chacun se rappelle les autodafés par milliers du livre de Luc Ferry, autodafés pratiqués devant les « apprenants », dans un merveilleux dessein pédagogique qui n’était autre que celui de reconstituer de visu, dans un louable souci d’édification, les horreurs barbares de la Seconde Guerre mondiale. Et si tel n’était pas le dessein de ladite communauté éducative, quelque chose dut échapper à JusMurmurandi…

 

L’objet de notre hommage consiste aujourd’hui à saluer l’initiative, citoyenne, cela va sans dire, de l’école Claude Nougaro à Albi, où les élèves devaient illustrer des sentiments et des émotions ; passer de l’abstraction d’une humeur à sa figuration concrète dans un visage, telle était la belle initiative, pleine de charme d’une professeurE des écoles du Tarn. Ou pour le dire avec les termes choisis de notre époque, « cela devait permettre de conclure un travail d’art plastique et d’expression corporelle se rapportant aux sentiments et expressions du visage. »[1] Rappelons qu’il s’agit d’une classe de CM1, mais après tout le ridicule, pardon, le talent n’attend plus le nombre des années.

 

Fatalement, l’une des humeurs à illustrer dans le cadre de cette performance ouvrant sur les possibles d’une expression corporelle libérée était celle de la « méchanceté ». Et un petit apprenant, doué de parents certainement très citoyens, eut l’idée d’apporter une photo de Sarkozy. Visage réjoui de la maîtresse, qui s’empresse de coller la photo sous le thème sur des affiches dont le Post nous apprend qu’elles étaient « épinglées sur le mur du deuxième étage de l’école »[2] Joie de l’école, mais mécontentement de certaines personnes qui, pour une raison incompréhensible, s’émeuvent de ce militantisme citoyen. L’inspecteur s’en mêle et demande que soient retirées les affiches ; émotion en retour de la cgt qui crie à l’ingérence présidentielle et donc au musellement de l’opinion, ainsi que de la jamais décevante fcpe, trouvant l’enquête académique démesurée.

 

Au-delà des réactions de ceux pour qui le militantisme et l’embrigadement des plus jeunes signifient l’exercice de la liberté, il est amusant de regarder cette rhétorique enfantine envahir chaque jour un peu plus le champ adulte : « non aux méchants » disait déjà, en 2002, la pancarte de petites filles défilant contre le très méchant Le Pen, sous l’œil attendri de parents et de professeurs fiers de voir tant de conscience et de réflexion politiques dans les yeux d’un enfant. Par un hoquet dont elle est coutumière, l’histoire charrie les mêmes mots afin que la binarité inaboutie du vocabulaire enfantin s’hypostasie en dénonciation vertueuse et citoyenne d’un Président dont tant n’ont toujours pas admis l’élection : « Sarkozy est méchant, il a la tête d’un méchant », disent les enfants embrigadés, avec leurs mots simples et touchants ; nonobstant, le drame est peut-être moins cet embrigadement que le fait que bien des adultes – y compris de prétendus intellectuels – seraient incapables d’analyser et de décrire plus intelligemment et plus subtilement que ces enfants, cet homme qu’ils abhorrent. Que disent au fond tant de détracteurs sinon que le Président est méchant avec les clandestins, les chômeurs, et les homosexuels ? Intellectuellement, rien. Ou si peu. Le si peu étant la dénonciation des gentillesses de Sarkozy pour TF1. Dilemme cruel…

Déterminations univoques, vocabulaire basique, manichéisme intégral, le fonctionnement de l’enfant définit aujourd’hui le cadre de pensée de nos intellectuels de plateaux et de nos socialistes de téléfoot.

 

L’esprit réduit à l’état de gramophone, regrettait Orwell ; l’esprit revenu en maternelle pourrions-nous regretter aujourd’hui.


[1] Le Post, 3 juillet 2008

[2] Ibid.

 

 

 

 

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