Qui connaît Bernard Tapie?

juillet 14, 2008 on 1:53 | In Best of, Elections présidentielles 2007, France | Commentaires fermés

Qui se souvient de Bernard Tapie? L’homme d’affaires français le plus flamboyant des années 80-90. Le champion de la reprise d’affaires en difficulté (Testut, Terraillon, La Vie Claire, Wonder, enfin Adidas). Un homme dont l’équipe cycliste (La Vie Claire) gagne le Tour de France avec Bernard Hinault, et dont le club de football (l’OM) gagne la plus prestigieuse des Coupes d’Europe. Un homme si irrésistible que la télévision lui offre des soirées de prime time pour donner aux Français le goût d’entreprendre, et que François Mitterrand et Pierre Bérégovoy lui offrent un fauteuil de ministre.

Mais il y a d’autres raisons aussi de se souvenir de Bernard Tapie. Les entreprises qu’il a reprises n’ont pas prospéré, c’est le moins qu’on puisse dire, sauf quand elles ont été redressées par d’autres. Sa holding, Bernard Tapie Finance, a coulé. Il a été condamné pour avoir participé à des trucages de matches de football. Il a écopé d’une énorme ardoise fiscale qui l’a plongé en faillite personnelle. Il a connu le carré VIP de la prison de la Santé après les lambris dorés de l’Elysée.

Sauf que, dernier avatar de la singulière histoire de ce singulier personnage, il vient de gagner son procès contre le Crédit Lyonnais, ou plutôt la structure d’Etat qui gère tant bien que mal les restes des aventures scabreuses du Crédit Lyonnais, banque française dont le scandale faisait référence jusqu’à l’entrée en scène tonitruante du duo tragi-comique Bouton/Kerviel.

De quoi s’agit-il? Bernard Tapie, négociateur extraordinaire, avait réussi à convaincre les actionnaires de la célèbre marque sports Adidas de la lui céder. Ce qu’il finance grâce à un prêt du Crédit Lyonnais. Mais Adidas va mal, et le redressement promis par Tapie n’arrive pas, ce qui le met dans l’incapacité de rembourser comme convenu la banque prêteuse. Laquelle banque l’oblige, sous peine de faillite, à vendre Adidas. Un acheteur se présente, l’affaire est conclue, et la banque est pour partie remboursée.

Sauf que. Sauf que l’acheteur qui se présente, c’est la banque elle-même, affublée de quelques faux nez issus de paradis fiscaux. Laquelle banque se retourne et revend fort peu de temps après la même société Adidas au redresseur d’entreprise Robert Louis-Dreyfus. Mais elle la revend beaucoup plus cher, faisant au passage une jolie plus-value. Et Robert Louis-Dreyfus mène un redressement exemplaire d’Adidas, laquelle vaut aujourd’hui une fortune.

Et Tapie, sans vergogne, explique que, si tout s’était déroulé comme il l’avait prévu, cette fortune devait lui revenir. Oubliant au passage de mentionner, par pudeur sans doute, les prêts non remboursés, les amendes fiscales, les matches truqués, les mois de prison et toutes les casseroles qu’il a accumulées. Dont on peut penser qu’elles avaient largement de quoi l’empêcher de mener à bien quoi que ce soit.

Oui mais voilà, la justice a tranché. Le Crédit Lyonnais, en oubliant au passage de mentionner, par pudeur sans doute, à Bernard Tapie qu’elle se vendait Adidas à elle-même, a commis une faute. Faute qui va coûter aujourd’hui 285 millions d’euros à l’Etat et au contribuable, et renflouer Bernard Tapie. Il est à noter que l’Etat a déjà refusé dans le passé de transiger avec Tapie, qui y était prêt, sur des montants bien moins élevés…

Cette histoire a 2 morales, toutes 2 immorales.

La première est que, comme toujours en France, l’ardoise finit au pied du Cocu Magnifique, j’ai nommé le contribuable. Car qui le défend, lui, contre la cascade de décisions lamentablement mal avisées qui ont conduit à devoir payer le maximum?

La seconde, c’est que si, comme Bernard Tapie, vous vous êtes mis en difficulté par vos manœuvres pas jolie-jolies, il vous reste une solution pour vous en sortir en sentant la rose et le jasmin. Trouvez plus voyou que vous. Sa propre turpitude efface la vôtre, et, de voyou, vous devenez un sauveur, vous savez, comme ces chiens de montagne avec leur tonnelet de rhum qui sauvent les randonneurs et skieurs en détresse. Comment les appelle-t’on déjà, ces sauveteurs?

Ah oui, des Saint-Bernard…

Bernard Tapie

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