70 ans et toujours en activité

septembre 4, 2008 on 2:50 | In Economie, France, Incongruités, Insolite | Commentaires fermés

JusMurmurandi croyait que l’âge de la retraite, en France, était au minimum, pour le régime général, de 60 ans et au maximum de 65 ans.

Et bien pas du tout. Les transports en commun lyonnais sont en grève parce que leur opérateur, la société Kéolis, voudrait, d’après les syndicats, remettre en cause la convention collective en vigueur depuis… 70 ans!

Oui, vous avez bien lu, 70 ans. C’est-à-dire depuis 1938, soit avant la seconde guerre mondiale. Tout a changé en 70 ans, notamment dans les transports, mais la convention collective doit rester intacte.

Il est à noter que, bien entendu, les syndicats ont choisi comme jour de grève celui où la ville de Lyon reçoit le jury chargé de désigner la capitale européenne de la culture. Cela rappelle la grève des syndicats d’Air France aux premiers jours de la Coupe du monde de football de 1998.
Il est à noter également que Kéolis a déjà garanti aux syndicats le maintien des 35 heures, la grille de salaires et le 13e mois. Et que la grève intervient avant tout début de négociation, c’est à dire avant que les syndicats puissent voir dans cette remise en cause quelque problème que ce soit.

Mais là où JusMurmurandi hoche la tête, perdu entre incompréhension et ahurissement, c’est en lisant dans Lyon Mag l’interview de Bruno Serpaggi, délégué syndical CFTC, qui dit se plaint notamment de n’avoir pu rencontrer le patron de Kéolis « que » le 1er septembre pour un préavis de grève déposé le 28 juillet. Si Kéolis avait voulu négocier en août, JusMurmurandi voit d’ici les syndicalistes les taxer de mauvaise foi car proposant une date de négociation en pleine période de congés.. Mais ce n’est pas tout. Bruno Serpaggi reconnaît que Kéolis promet de maintenir les points importants mentionnés plus haut, mais ajoute: C’est très flou comme promesse. Bien sûr, la grille des salaires continuera d’exister, mais rien ne nous garantit qu’elle sera revue à la hausse.

En d’autres termes, pour éviter une grève pas encore survenue, mais annoncée pour contrer une négociation pas encore commencée, il faudrait à M. Serpaggi des garanties de hausse de la grille de salaires suivant une convention collective vieille de 70 ans, et dont il reconnaît lui-même qu’elle est plus avantageuse que la convention nationale… Peste! JusMurmurandi savait déjà que la ville de Lyon est réputée pour sa gastronomie, mais le moins qu’on puisse dire est que M. Serpaggi ne manque pas d’appétit.

Cela étant, le plus frappant est quand même la sacralisation de cette convention collective qu’on ne peut que qualifier d’antique. Cela montre à quel point les syndicats de l’entreprise ont pour seule perspective d’éviter tout changement, parce qu’ils imaginent que celui-ci ne pourrait leur être que défavorable. Ce qui, soit dit en passant, est le comportement type de défense des avantages acquis, c’est à dire dont on n’est pas sûr de se les faire réaccorder s’ils venaient à être remis en cause, car leur seule légitimité est qu’ils existent, et non qu’ils sont mérités.

Car, faut-il le rappeler à M. Serpaggi, il y a 70 ans, les Français travaillaient 40 heures, avaient 2 semaines de congés payés, pas de Sécurité Sociale, pas de congés formation, ni de formation d’ailleurs, pas de congés parentaux, etc…

La suite de l’entretien avec M. Serpaggi est de la même eau. En fait, celui-ci redoute que Kéolis veuille renégocier les coûts sociaux à la baisse pour améliorer sa rentabilité, ce qui permettrait d’attirer des candidatures quand le contrat de Kéolis sera remis à appel d’offres, permettant à l’agglomération lyonnaise de partager ce contrat entre plusieurs opérateurs, Kéolis conservant la partie bus qu’elle préfère.

En d’autres termes, Kéolis gagne aujourd’hui si peu, compte tenu des avantages sociaux qu’elle concède à ses employés, qu’il n’y aurait pas foule pour lui succéder sur les mêmes bases sociales. Et ses syndicats, au lieu de lui donner acte de ce traitement de faveur au détriment de ses actionnaires, initient une grève pour lui rendre la vie encore plus pénible et dégoûter les candidats. Sans voir que c’est justement ce comportement qui rend Kéolis désireux de se désengager au moins partiellement.

JusMurmurandi observe que le maire socialiste, M. Collomb, se tient à un silence prudent, coincé qu’il est entre le soutien traditionnel de la gauche aux mouvements sociaux et l’irresponsabilité manifeste d’une grève sans cause qui pénalise les usagers et la ville dans sa candidature européenne.

Heureusement il y a une solution qui ne dépend pas de la fameuse convention collective d’avant-guerre. Une innovation lyonnaise promue par la mairie de gauche et qui enlève aux syndicats des transports lyonnais une partie de leur capacité de prise d’otages.

C’est Vélov’, le vélo en libre-service. Qui n’existait certes pas il y a 70 ans….

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