La tornade Confiance (II)

septembre 16, 2008 on 3:59 | In France | 2 Comments

L’effondrement de Lehman Brothers a beau n’avoir que 24 heures, et être la plus grande faillite financière de l’histoire des Etats-Unis -excusez du peu-, qu’une entreprise plus grande vacille et menace de s’effondrer si elle ne trouve pas quelques dizaines de milliards de dollars en quelques dizaines d’heures. C’est l’assureur AIG, parmi les 3 géants mondiaux, et suivant certains classements, peut-être le premier.

Il fut un temps où les assureurs souffraient des grandes catastrophes naturelles ou artificielles. Un ouragan, un accident d’avion. Ce n’est pas ce qui menace AIG aujourd’hui, ou alors c’est que la catastrophe, c’est le passage de la tornade Confiance, déjà meurtrière pour Lehman.

Ce qu’il faut comprendre, c’est l’évolution récente de la finance mondiale. Un assureur en effet fait beaucoup plus qu’assurer des biens. Il gère aussi des capitaux pour des particuliers qui se crééent une épargne, notamment pour leur retraite. Aux Etats-unis, où règle la retraite par capitalisation, ce qui veut dire que les retraites sont fondées sur des capitaux réellement épargnés, et non sur des cotisations à venir des générations futures comme en France, ces capitaux sont énormes, et AIG en est un gestionnaire important.

Et dès lors qu’un assureur combine les métier du risque et le métier de la finance, il a d’autres possibilités. Dont une va peut-être lui coûter son existence. Pour pouvoir faire plus d’affaires, les banquiers ont besoin de fonds propres, car, depuis la crise de 1929, on sait qu’il faut à une banque des fonds propres pour servir de « coussin amortisseur » en cas de crise économique. Alors les banques ont trouvé un nouveau moyen de faire davantage de crédit sans augmenter leurs fonds propres ni violer les règles prudentielles. Dès qu’elles ont fait un prêt, hypothécaire par exemple, elles le « packagent » avec de nombreux autres prêts, et le revendent à une autre institution qui a de l’argent à placer. De ce fait, elles s’en débarrassent et peuvent recommencer à prêter.

Simplement, comme de nombreuses institutions ne souhaitent pas acheter ces packages de prêts de qualité inconnue, elles font appel à un garant, comme un propriétaire immobilier qui a un appartement à louer. AIG, compte tenu de sa taille, de sa solvabilité et de son excellente réputation était un excellent garant. Et c’était une activité très rentable, puisque sa seule signature suffisait à lui valoir une commission de garantie. Une façon de gagner de l’argent sur la seule confiance.

Sauf que, avec la crise, les crédits garantis par AIG sont devenus douteux, et la garantie donnée devient exigible. D’où la chute des cours de l’action et, en parallèle, la chute de la confiance. Laquelle chute de confiance vient de trouver sa traduction concrète aujourd’hui; les principales agences de notation financière viennent de dégrader AIG.

Ce qui veut dire concrètement que la seule signature d’AIG ne suffit plus à garantir ce à quoi elle s’était engagée, et qu’AIG doit trouver des garanties, essentiellement financières, pour remplacer celles que sa signature n’offre plus.

Inutile de dire que, par ces temps de tornade Confiance, trouver ces nouvelles ressources, qui se chiffrent en dizaines de milliards de dollars, n’est pas chose simple. Et que l’Oncle Sam va devoir, une fois de plus, se demander ce qui vaut mieux, sortir AIG de l’ornière avec de l’argent public, ou le laisser couler comme Lehman. Bien sûr, sauver AIG évite un problème à court terme, mais cela représente exactement la même forme de garantie par signature que celle que donnait allègrement AIG. Garantie dont on voit aujourd’hui les conséquences.

Sauf qu’on n’ose à peine imaginer les conséquences si les mêmes agences de notation qui viennent de dégrader AIG en venaient à dégrader la note de l’Etat américain, de très loin le plus gros emprunteur au monde.

Là, les faillites de Lehman et d’AIG réunies feraient par comparaison figure d’aimables plaisanteries…

2 commentaires

  1. Il y a un ancien ministre de l’économie française qui voulait instaurer les crédits hypothécaires rechargeables en France. Heureusement, cet incompétent est devenu depuis président de ce pays, on l’a échappé belle si il avait mis en place ses subprimes à la française !

    Commentaire by Blup — 16 septembre 2008 #

  2. En fait, cher Blup, le problème des subprimes n’a rien à voir, au contraire. Les subprimes sont des emprunts hypotécaires consentis à des gens dont les moyens financiers étaient trop modestes pour financer l’acquisition. Comme en outre ils ont été consentis en taux variable, la hausse des taux américains a fait exploser les remboursements, et les emprunteurs se sont retrouvés en défaut.
    Les crédits hypothécaires rechargeables, au contraire, sont consentis à des gens qui sont déjà propriétaires, donc (relativement) solvables. Et rien ne les empèche d’être consentis à taux fixes pour éviter la spirale infernale de hausse de la dette en cas de hausse des taux.
    S’il y avait un subprime à la française, ce serait le prêt à 0%, qui, lui, est dirigé vers les gens qui sont incapables de trouver du crédit aux conditions du marché, et qui, de cette façon les encourage à prendre des engagements maximum pour accéder à la propriété. Vous voyez, c’est très différent.
    N’importe, cher Blup, vous serez toujours le bienvenu sur JusMurmurandi

    Commentaire by JM2 — 17 septembre 2008 #

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