Quand l’Etat dit: « Le Roi, c’est Moi! »

octobre 16, 2008 on 6:22 | In Economie, Europe, France, Incongruités, International | Commentaires fermés

Tous les enfants de France apprennent ce mot célèbre de Louis XIV: « L’Etat, c’est Moi! ». Cela illustre l’absolutisme du pouvoir qui finira tragiquement après 1789. Bien entendu, il ne saurait en être question dans nos société mondialisées, démocratiques, complexes, régies par des constitutions soucieuses de séparation des pouvoirs.

Vraiment? Ce n’est pas l’impression que donnent ces dernières semaines. Quand il a fallu trouver des solutions pour éviter que le monde ne bascule dans l’abîme d’un effondrement financier, tout ce qu’a essayé le « marché », c’est-à-dire les mécanismes d’auto-régulation, la concurrence, l’ajustement de l’offre et de la demande par le prix, a été inexistant. Tout ce qu’ont essayé les « institutions », telles les banques centrales, les injections de liquidité, les baisses de taux, n’ont eu aucun effet.

Non, ce qui a rappelé tout le monde à l’ordre, c’est l’intervention massive des Etats. Non pas une intervention au services des banques et des marchés, mais une intervention régalienne, des nationalisations brutales des banques en contrepartie de prises des risques dont plus personne ne voulait.

Ainsi AIG, premier assureur mondial, était-il contraint de donner 80% de son capital au Trésor américain en contrepartie d’un simple prêt, fût-il de 85 milliards de dollars. La majorité du capital en échange d’un prêt reflète une très grande inégalité entre les parties. Subitement les Seigneurs de Wall Street ne font plus le poids. Ils ne sont plus que les valets d’un système qu’ils ont perverti en jouant aux apprentis sorciers. Et le Roi, c’est bel et bien l’Etat, qui les rappelle à leur condition limitée.

Ainsi aux Etats-Unis, les 9 plus grande banques, alors même qu’elles ne sont pas au bord du gouffre, vont quand même recevoir des augmentations de capital de l’Etat en contrepartie de nationalisations partielles, et d’acceptation de multiples contraintes de comportement.

Ainsi en Grande-Bretagne aussi, les dernières grandes banques feront de même. Même Lloyds, historiquement très bien gérée, et qui fut chargée il y a à peine 3 semaines (Dieu! que cela semble déjà loin!) de sauver HBOS passe en si peu de temps du rang de chevalier blanc à celui de mendiant que l’Etat recueille sous son ombrelle de capitaux frais.

On attendrait ceci au pays de l’interventionnisme d’Etat professé et pratiqué depuis toujours, même par un Président censé être à droite, en France. Ou en Chine, où règne sans partage le Parti Communiste. Ou en Russie, où les tentatives d’opposition finissent dans des prisons sibériennes. Pas du tout, cette fin de partie musclée a lieu dans les deux pays où le capitalisme de marché est, ou plutôt était, un dogme quasi sacré. Les Etats-unis et la Grande-Bretagne nationalisant plus que ne le fit en un autre temps François Mitterrand…

Et le plus étonnant, c’est non seulement l’impuissance des institutions en ce temps de crise, c’est aussi que les décideurs se soient affranchis de la myriade de contraintes que le fonctionnement des Etats impose. Quand AIG a été nationalisée, personne n’a parlé de distortion de concurrence, ou d’autorisation de la Commission de Bruxelles, ou de visa de la bourse sur l’augmentation de capital. Quand les plans Paulson, Brown ou Sarkozy ont été annoncés, il allait de soi que les institutions suivraient, les parlements voteraient, les organismes entérineraient, que les critères restrictifs seraient levés. Bref, l’Etat, c’est eux!

Il est dans l’air du temps de parler de changement d’époque et de professer qu’un nouveau système, encore à définir, doit émerger des ruines de l’ancien. Une seule chose est sure. Comme la riche plaine de la Beauce est dominée par la double et haute silhouette des tours de la cathédrale de Chartres, le pouvoir de l’Etat dominera les champs de l’activité économique de l’ordre nouveau

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