Passer de « gagnant sans travail ni risque » à « tous perdants »?

octobre 26, 2008 on 7:46 | In Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, La Cour des Mécomptes | Commentaires fermés

L’observation de la débâcle financière mondiale montre que, souvent, de très grosses pertes ont été subies par des institutions dont le tort a été de croire qu’elles pouvaient gagner de l’argent sans contrepartie, sans risque ni travai.

Ainsi des municipalités anglaises ont-elles prêté cinq milliards de livres à des banques islandaises, qui payaient des taux d’intérêts plus élevés que des emprunteurs traditionnels. Ces dépôts sont maintenant gelés, au grand dam des autorités britanniques qui crient au scandale. Que croyaient-elles, que les taux d’intérêts très élevés qu’elles encaissaient étaient dus à la proximité de l’Islande, pays du Grand Nord, avec la résidence du Père Noël? Eh bien, elles ont perdu, car c’est en Finlande que réside le Père Noël, et le risque qu’elles ont pris se révèle perdant…

Ainsi les adeptes de l’arbitrage (hedge en anglais), qui ont notamment joué à l’amusant jeu du « carry trade ». Le carry trade consiste à emprunter dans une devise dont les taux d’intérêts sont bas, soit, souvent, le yen japonais, pour reprêter le montant emprunté dans une devis dont les taux d’intérêts sont plus élevés, soit, souvent, le dollar. Et le hedge fund ou la banque qui joue à cela d’encaisser un sympathique différentiel de taux entre ses revenus en dollars et ses coûts en yen. Jusqu’à plus de 4% en base annuelle. Quand on pense que les sommes en cause atteignent selon les estimations deux à trois cent milliards de dollars, cela fait huit à douze milliards de dollars de profits de profits sans beaucoup se fatiguer. Sauf que, malheureusement, le yen vient de s’apprécier brutalement de quelques 20% contre le dollar, donc les emprunteurs perdent 20% en quelques semaines là où ils en gagnaient 4 en un an. Mal joué!

Ainsi les compagnies d’assurance qui « rehaussaient » la notation de crédits hypothécaires américains « subprime », (de mauvaise qualité). Une signature de l’assurance en bas d’un contrat, et le paquet de crédits subprime, assurés par un grand nom bien noté devient un bon risque. Ce risque est revendu à un acheteur qui fait confiance à la signature de l’assureur, lequel touche une bonne grosse commission pour cette opération. Sauf que, quand les propriétaires immobiliers n’ont pas pu payer des mensualités de crédit dopées par la hausse des taux d’intérêts, la réassurance lucrative s’est transformée en machine infernale. C’est comme cela qu’AIG, première compagnie d’assurance mondiale, et la plus rentable aussi, a explosé en vol.

Ainsi toute la chaîne des acteurs de la construction et de l’immobilier en Espagne, qui misaient sur la poursuite sans fin de la hausse des cours. Les banques accordaient des prêts hypothécaires jusqu’à 50 ans -et en taux flottant, s’il vous plaît!-, qui n’avaient quasiment aucune chance d’être remboursés en l’état. Mais la hausse de la valeur de l’immobilier permettait de revendre le bien ou de le refinancer, alors un éventuel problème, ce serait pour plus tard, alors que la commission, c’était pour tout de suite. Tant et si bien que le bâtiment et l’immobilier ont représenté la moitié de l’ensemble de la croissance du PNB espagnol pendant 10 ans. On imagine l’ampleur de la gueule de bois d’aujourd’hui .

Ainsi les spéculateurs qui ont joué la hausse continue des matières premières ont-ils pu gagner, sur papier, des montants énormes à mesure que le pétrole a flambé pour atteindre 147$ le baril. Imités en cela par ceux qui ont joué le prix du gaz, du minerai de fer, et autres ressources naturelles. Sauf qu’il est à espérer pour eux qu’ils ont soldé leur position avant que le pétrole n’entame sa vertigineuse chute de 50% de trois mois. Gare à ceux qui ont cru que les arbres montaient jusqu’au ciel.

On peut se demander aussi qui donc a gagné en étant la contrepartie de ces pertes abyssales. Car quand on gagne en bourse, c’est que quelqu’un perd. Et donc l’inverse semble logique. Mais toutes les pertes n’ont pas généré de gagnants. Quand l’immobilier baisse, il n’y a pas forcément de gagnant. Quand Lehman fait faillite, il n’y a pas forcément de gagnant.

JusMurmurandi trouve même que nous sommes dans une période où nous sommes tous perdants…

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