Courage, ou camisole de force?

octobre 30, 2008 on 6:40 | In Best of, Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, International, La Cour des Mécomptes | Commentaires fermés

L’Islande est en faillite. Malgré des plans de soutien d’envergure internationale, les banques de cette île avaient vraiment poussé le bouchon trop loin. JusMurmurandi vous a déjà narré comment le morceau de glaçon est devenu le Titanic du 21e siècle. Résultat: les taux d’intérêt sont de 18% pour soutenir une monnaie qui a déjà perdu 50% de sa valeur. Ce qui est un cercle vicieux, parce que toute baisse de la monnaie fait gonfler la valeur locale d’un endettement en devises, dont l’augmentation fait baisser la monnaie. Conséquence: le gouvernement prévoit une baisse de PNB de l’ordre de 10%. On imagine la brutalité d’un tel « ajustement », ou effondrement, comme on voudra.

Mais l’Islande n’est pas seule. La Hongrie ne va guère mieux, quoique pour des raisons différentes. Son problème n’est pas que ses banques, par ailleurs essentiellement entre des mains étrangères, aient perdu toute mesure, mais que son déficit budgétaire considérable l’oblige à emprunter beaucoup. Comme les marchés de crédit ne disposent plus d’assez de capitaux, les prêteurs font les difficiles et recherchent avant tout des emprunteurs de qualité, plutôt que des républiques de l’Est européen surendettées et en déficit. Résultat: le gouvernement hongrois, pour obtenir un total de 25 milliards de dollars de prêts, s’est engagé à un plan de « stabilisation », ou d’amaigrissement qui ramènera le déficit budgétaire de 9,2% du PIB aujourd’hui à 5,6% l’année prochaine, puis 2,8% en 2010. On imagine la brutalité d’un tel « ajustement », ou effondrement, comme on voudra.

Vous me direz, l’Islande, la Hongrie, ce sont des Etats mineurs et notoirement risqués. Rien à voir avec le coeur de l’économie mondiale, et les grandes puissances, dont la France sarkozyenne. Vraiment? Car la France aborde cette période de crise avec un déficit public déjà proche de 3%, et des perspectives carrément sombres si l’on tient compte que la démographie plombe chaque années le système de retraites et que nul ne s’est avisé de mesures qui interrompraient la croissance vertigineuse des dépenses de santé.

S’ajoute à cela que la crise va gravement amputer les recettes fiscales prévues, aussi bien que celles des régimes sociaux. Moins de cotisants au travail, et plus de chômeurs à indemniser… Plus encore, s’y ajoutent les fonds qu’il va falloir injecter dans le système financier. Mais cette situation exige davantage, notamment pour le soutien à l’économie, ce qui excite la fibre interventionniste très gaullienne de Nicolas Sarkozy. Maintenant qu’il est débarrassé du corset du plafond de déficit public fixé à 3% du PIB par le traité de Maastricht, il promet plans de relance, plans d’aide et fonds souverains, qui, tous, vont faire gonfler un déficit déjà abyssal.

Il est véritablement à craindre qu’un tel dérapage ne transforme la France en Hongrie-bis, et n’oblige à recourir bientôt à un prêt du Fonds Monétaire International pour remplacer des prêteurs effrayés par notre incurie financière. Mais on verrait alors la camisole de force du FMI remplacer, en beaucoup plus sévère, le corset de Maastricht. Même si Nicolas Sarkozy peut compter sur son directeur actuel, Dominique Strauss-Kahn, qui lui doit beaucoup, pour ne pas trop serrer les sangles du dispositif.

Non, la question que se pose JusMurmurandi est celle-ci. Cela fait, disons, 15 ans que la France court après des déficits considérables et une dette qui enfle. Aucun gouvernement n’a pris le taureau par les cornes, chacun espérant qu’une vague de croissance prochaine vienne restaurer un équilibre durable. Et chacun s’empressant de dépenser à l’avance les recettes futures (35 heures, CMU, RMI, RSA ont été autant de chèques en blanc tirés sur l’avenir).

Mais, si la Hongrie, bien obligée, peut en 2 ans réduire son déficit de 9,2% à 2,8% du PIB, et ce en période de crise économique, la France, plus riche et moins profondément déficitaire ne peut-elle pas en faire autant? Car, avec 6,4 points de PIB de déficit en moins, il y a de quoi revenir à l’équilibre tout en finançant force « plans ». Evidemment, un tel « ajustement » se situe quelque part entre le profondément douloureux et le cruel. Mais il règle d’un coup le problème. L’alternative est une asthénie prolongée de dizaines d’années, comme l’a montré le Japon, qui n’a pas voulu de remède de cheval pour sortir de la crise des années 80.

Et, curieusement, il y a maintenant une vraie opportunité historique d’appliquer ce traitement de choc. La crise est réelle, profonde, internationale, sans précédent, et les Français savent déjà, car ils sont plus intelligents que les politiques ne le pensent, qu’ils vont devoir se serrer la ceinture. Alors qu’en temps plus cléments, un plan « dur » serait perçu comme peut-être évitable. Accessoirement, l’UMP et le Président ont cet avantage que l’opposition socialiste est en pleine déconfiture, allant à son congrès de Reims voter sur des textes, programmes, et promesses écrits avant la crise financière et donc déjà totalement dépassés.

L’élection de Nicolas Sarkozy, né de père hongrois, a eu une résonance particulière dans ce pays. Il y a même eu des journalistes hongrois facétieux pour proposer en 2007 aux Français de troquer leur Président nouvellement élu et alors populaire contre leur très impopulaire Premier Ministre, Ferenc Gyurcsany. Peut-être, vu le courage de ce dernier, faudrait-il leur dire aujourd’hui « chiche »?
Nicolas Sarkozy

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