La faute aux autres…

novembre 3, 2008 on 10:10 | In Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, Insolite, International | Commentaires fermés

La crise financière révèle une étrange caste, dont les membres transcendent les nationalités, enjambent les frontières entre le public et le privé, entre l’individuel et le collectif, entre clients et fournisseurs, entre dirigeants et censément dirigés. Ce sont les nouveaux irresponsables.

Irresponsable, ce patron de banque (ils sont nombreux) qui reconnaît qu’il avait fini par ne plus comprendre les produits financiers si sophistiqués mis au point par ses cadres si intelligents et si extraordinairement bien payés et si bien vendus par sa banque, au point d’avoir rapporté de si gros profits générateurs de si confortables bonus.

Irresponsable, cet acheteur (ils sont des millions) qui signe un contrat d’emprunt immobilier à taux variable alors qu’il n’a aucune possibilité d’assumer une hausse de remboursements et que les taux d’intérêts sont très bas, donc beaucoup plus susceptibles de monter qu’autre chose. Ils sont nombreux, les emprunteurs insolvables à considérer que c’est la faute des banques.

Irresponsable, ce dirigeant de grande banque faillie qui considère que ce sont les circonstances exceptionnelles qui ont mises à mort sa banque, et non ses décisions de gestion. Ils sont nombreux, les dirigeants en échec qui considèrent qu’ils n’ont pas échoué.

Irresponsable, ce gestionnaire municipal britannique qui à confié ses capitaux à une banque islandaise qui lui verse une plus forte rémunération qu’une banque anglaise, avant que tout ne s’effondre. Il y en a pour 5 milliards de livres, ce qui fait de nombreux irresponsables, qui ne voient pas que leur forte rémunération était lié à un fort risque.

Irresponsable, ce gestionnaire municipal français qui a contracté des emprunts aujourd’hui qualifiés de « toxiques », soit parce qu’ils sont tout simplement à taux variable, auquel cas leur toxicité est très limitée et l’appellation avant tout démagogique, soit parce qu’ils contiennent des « produits structurés » (essentiellement des dérivés, options et autres), et, là, potentiellement très, très coûteux. Sauf que ces produits structurés ont, là aussi, été acquis pour permettre aux municipalités de payer moins cher leur crédit. Un crédit moins cher que le marché, cela veut dire que le risque n’est pas égal. Et un risque, cela peut se révéler toxique. Et maintenant, toutes ces municipalités oublient les avantages qu’elles ambitionnaient pour ne voir que les coûts, et blâment les banques, Dexia en tête.

Pour dire les choses simplement, la capitalisation boursière mondiale a baissé de quelques 30.000 milliards de dollars depuis mai 2008. Ces pertes, il faut bien que quelqu’un les ait subies. Ce sont les fonds de pension, les plans de retraité individuels, les 401K américains ou les PEA français, les portefeuilles des actionnaires de par le monde. Ce à quoi il faut ajouter les pertes opérationnelles des entreprises, banques et compagnies d’assurance en tête, mais pas seulement. Il semble par exemple que 10% des 7000 hedge funds mondiaux ne survivront pas, et que quasiment tous afficheront des pertes substantielles dues à la crise. Comme leur attractivité était fondée sur un rendement important, il faut bien qu’il y ait eu un risque important dans le montage, et ce risque, maintenant, se rappelle au bon souvenir de tous. Il faut enfin ajouter les pertes de tous les propriétaires immobiliers au monde, et, d’abord, ceux qui auront perdu leur maison dans la tourmente, ceux qui sont coincés par des crédits relais ruineux faute de pouvoir vendre leur bien pour refinancer une autre acquisition et tous les autres.

Bref, ces pertes sont proprement immenses. Et personne n’est responsable. Personne sauf « les autres ». Pour une fois, la langue française offre une possibilité unique pour décrire cette situation. Cinquante mille milliards de dollars, perdus à l’insu de leur plein gré…

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