Les armes des faibles

novembre 28, 2008 on 7:40 | In France | Commentaires fermés

Des pirates en Somalie, des élèves aux Etats-Unis, des terroristes en Inde. Quels sont leurs points communs? Des armes, et notamment l’omniprésente Kalashnikov, originale ou de contrefaçon, et la célébrité sur les media du monde entier.

Andy Warhol avait prédit que nous aurions tous nos 30 secondes de notoriété. Il n’avait pas prévu que la Kalashnikov était le moyen le plus rapide pour y parvenir, même quand on est un raté total. Ainsi l’assassin le plus célèbre du XXe siècle, Lee Harvey Oswald, a-t-il pu, en dépit de sa médiocrité, et à l’aide d’une carabine achetée par correspondance, tuer le président américain le plus charismatique.

Cette omniprésence des armes, la facilité avec laquelle se les procurer (il y a plus d’armes à feu aux Etats-Unis que de citoyens), le fait que les media soient assoiffés d’évènements tragiques, la disponibilité d’images sur tout et partout grâce aux caméras numériques et autres téléphones portables forment un cocktail explosif, qui fait qu’il est de plus en plus difficile de trouver un pays de vacances qui n’ait connu aucun acte terroriste, qu’une université de Virginie, une séance de conseil municipal à Nanterre, une traversée maritime au marge de l’Afrique orientale, une chambre d’un hôtel de luxe à Mumbay ne sont plus sûrs. Sans parler du métro de Londres, des trains de Madrid ou des tours du World Trade Centre.

Alors que faire, à part verser des larmes aussi inutiles qu’amères?

Excommunier tous les croyants dans une religion au motif que de nombreux fous meurtriers commettent des attentats en son nom? Ce serait oublier que toutes les religions ont eu, peu ou prou des fous meurtriers qui se sont réclamées d’elles, et que cette folie ne fait pas de tous leurs coreligionnaires des coupables.

Supprimer leur accès aux armes? Ce serait un début, et beaucoup souhaitent que le Président Obama marque sur ce plan-là sa différence d’avec George Bush. Mais quand on connaît la facilité de production et le prix dérisoires d’une copie de Kalashnikov « made in Afghanistan », et les possiblités de transport offertes par le monde moderne, il serait illusoire d’attendre un vrai progrès à partir d’un tarissement de l’offre.

A peu près aussi illusoire que d’espérer vaincre le fléau de la drogue en comptant mettre un terme à la culture de la coca en Colombie et en Bolivie, et du pavot à opium en Afghanistan. Mais, si la drogue est elle aussi une tueuse, il y a une différence majeure avec les armes.

Les utilisateurs de drogue ne recherchent pas la notoriété. C’est pourquoi JusMurmurandi se demande ce qui se passerait si le public cessait de consommer avec frénésie des images d’attentats. Y aurait-il autant de candidats au suicide si ils et elles savaient qu’ils et elles disparaîtraient comme une pierre dans un lac?

Déjà l’anonymat rendrait impossible la diffusion de la terreur, car, la terreur, c’est répandre la peur au delà du cercle des victimes, vers la multitude des victimes potentielles. Or, pour terroriser, il faut que l’information se diffuse. Nous sommes donc, en consommant cette information, les acteurs de notre propre terreur, ce que nous pourrions cesser d’être en décidant d’exclure toute publicité aux terroristes, assassins et autres meurtriers.

Mais pour cela, il faudrait que nous cessions notre intérêt pour tout ce qui est spectacle, y compris celui de la mort et de la désolation. Mais nous en sommes incapables, car nous sommes faibles.

Les armes des faibles, ce sont bien sûr les armes entre les mains des enfants, des ados des gangs, des jeunes endoctrinés par des pouvoirs ou des chefs sans scrupules ni vergogne. Mais c’est aussi notre propre curiosité malsaine.

Excusez-moi, il faut que je termine ce post, ça va être l’heure du journal télévisé, et il faut absolument que je regarde les images de Bombay…. faibles, je vous dis….

No Comments yet

Désolé, les commentaires sont fermés pour le moment.