De Marx en Astérix

décembre 17, 2008 on 8:22 | In Best of, France, Incongruités, Insolite | 6 Comments

Longtemps la gauche française a été marxiste. Le passé trotskyste de Lionel Jospin, la déclaration de François Hollande qui « n’aime pas les riches », le refus, seul en Europe, du PS de voter le sauvetage des banques françaises montrent assez les sources d’inspiration du Parti Socialiste. Et son affaiblissement idéologique coïncide avec l’effondrement de la crédibilité du modèle étatique que le PS a élevé au rang de parangon.

On aurait pu penser que la crise brutale d’un système financier international qui a poussé trop loin la création et l’usage d’instruments de transfert du risque, et qui en a profité pour transgresser trop de règles de prudence avait de quoi requinquer la base idéologique du PS. Il n’en est rien, car, après Marx, c’est chez Astérix que celui-ci va chercher son inspiration.

Ainsi Bertrand Delanoë est-il seul contre tous à augmenter les impôts -et le Maire de Paris n’y va pas avec le dos de la cuiller quand il applique une hausse de 9% plus une nouvelle taxe de 3%- quand tous les autres, Etats et régions, misent tout sur la nécessaire relance.

Alors, bien sûr, il peut être tentant d’adopter la position du village d’Astérix le Gaulois, entouré de camps romains, et qui leur résiste vaillamment. Oublierait-il au passage que, face à une crise de la demande, maintenir l’orthodoxie financière est la recette des plus libéraux, donc de la droite « dure », et non de la gauche, acquise depuis 70 ans à la relance keynesienne. Amusant, quand même, de voir le Maire de Paris plus à droite que la si orthodoxe Angela Merkel. Et qu’Astérix, pour résister aux Romains, bénéficiait avant tout, outre son courage, de la célèbre potion magique. Qui, si Bertrand Delanoë en disposait, lui eût permis d’éviter la double défaite de la candidature de Paris aux Jeux Olympiques et de la sienne propre au premier secrétariat du PS.

Autre exemple: la loi sur la suppression de la publicité dans l’audiovisuel public. Voilà a priori un texte que la gauche eût du elle-même promouvoir. La sortie des chaînes publiques du carcan de l’audimat, du corset de la publicité, de la tyrannie du marché eût du être chantée par Jack Lang, encensée par Ségolène Royal, démontrée par Martine Aubry, haranguée par Arnaud Montebourg, théorisée par Michel Rocard, et votée par Jean-Marc Ayrault. Notamment pour trois raisons. Le retour de l’Etat face aux intérêts privés de l’actionnariat et des annonceurs. Le retour de la qualité face à la télé-poubelle de l’audimat. L’indépendance des chaînes publiques, gage de pluralité. Sans compter l’exemple remarquable de la BBC britannique, à la fois populaire et de qualité.

Et que voit-on? La gauche dépose 4000 amendements contre ce texte. Le coeur de sa préoccupation? Que la suppression de la publicité sur les chaînes publiques représente une absence de celles-ci sur le marché publicitaire, qui sera de fait exclusivement au bénéfice des chaînes privées, à commencer par TF1. C’est le célèbre « cadeau à son ami Bouygues ». Une incroyable contorsion idéologique pour refuser de reconnaître que, pour une fois, la droite porte un texte en accord avec les idées de la gauche. Et, du coup, une posture en accord avec les pratiques de Berlusconi, qui veut diluer le service public italien dans les intérêts de marché pour mieux les privatiser.

Comment ne pas voir le service public s’affranchir de contraintes qui ne lui correspondent pas au travers de cette décision , et porter enfin une politique éditoriale alternative à celle que dicte la maximisation de l’audience l’équivalent de nos Gaulois qui ligotent et bâillonnent leur barde Assurancetourix en lui disant « non, tu ne chanteras pas! »?

Oui, mais voilà, Astérix, c’est une bande dessinée et pas une politique. Les Romains ont gagné contre les Gaulois, notamment, comme le note César, en raison des divisions de ceux-ci (encore une leçon que n’a pas retenue le PS, alors même que Benoît Hamon, licencié en histoire eût pu les en aviser). Et l’Europe ne s’est pas si mal portée de leur apport de civilisation dans tous les coins de l’Empire.

Tiens, c’est curieux. Le moment où le PS, normalement très européen, prend modèle sur les tribus gauloises est justement celui où Sarkozy, précédemment frileux sur ce terrain comme il est de règle pour le parti gaulliste, peut se targuer d’avoir véritablement remis l’Europe en marche au pas de charge.

Alors qu’attendent les socialistes pour traiter Sarkozy de nouveau César?

6 commentaires

  1. Quand Albanel dit que la reforme de la télé qui va octroyer deux pages de pub pendant les films va permettre à TF1 de rediffuser des films et qu’elle se rejouit que ça permettra à cette chaine de passer des films de Fellini, avouez que c’est à mourir de rire.
    Maintenant, vous dites que le vil Delanoe augmente les impots à une époque où il faut laisser filer le déficit pour ne pas peser sur les ménages. mais la suppression de la pub, c’est quoi ??? Des taxes pour compenser.

    Enfin, moi, ça m’emmerde puisque je ne regarde pas cette merde et que je vais devoir la financer avec l’abonnement servant à lire votre blog ! ca fait quand même chier.

    Commentaire by Flegmon — 17 décembre 2008 #

  2. Le budget de la ville de Paris étant de quelque 7 milliards d’euros, la hausse de 9%+3% imposée par M. Delanoë pèse quelques 800 millions d’euros.
    Soit plus du double, pour le seul Paris, de la taxe dont vous parlez qui vaut pour toute la France. Merci de donner à JusMurmurandi l’occasion de souligner à quel point cette hausse d’impôts est énorme et à total contre-temps.

    Commentaire by JM2 — 18 décembre 2008 #

  3. Et donc vous préconisez du déficit pour financer les projets à venir. Avec un peu de chance, vous n’habiterez plus Paris dans 4-5 ans, et c’est donc les petits copains qui épongeront les trous. Qu’est ce qu’il est malin ce Jujumorandini.
    Bon je suppose qu’il vaut mieux emprunter maintenant quand le cout de l’argent est bas. C’est le seul argument que je vois mais vous ne l’évoquez pas.
    Sinon, je vous signale que des augmentations d’impôts locaux de l’ordre de 10%, c’est la norme pratiquement partout depuis 2-3 ans, hormi Paris.
    Dans les autres départements, vous cumulez un coup de massue chaque année quand vous ouvrez votre avis d’imposition, tout en sachant que votre collectivité locale fait du déficit à tire larigot.
    A priori, à Paris, vous allez avoir le 10% mais sans le déficit. C’est quand même pas mal.

    Commentaire by Blop — 19 décembre 2008 #

  4. Quand Bertrand Delanoë choisit l’impôt massif plutôt que le déficit pendant une année de crise très dure, c’est un choix singulier mais pas infamant, cher Blop. Cela fait de lui un Maire plus « conservateur » ou « orthodoxe » que tous les politiciens keynesiens qui relancent à tout va, et donc plus conservateur que la très conservatrice Angela Merkel, et donc a fortiori que Nicolas Sarkozy. On comprend que cette image puisse gêner un peu les supporters d’un homme qui a peut-être payé d’un poste de Premier Secrétaire du PS le seul fait d’avoir écrit dans son livre qu’il se sentait « libéral », étiquette infamante au parti socialiste.
    Si le Maire de Paris fait ce choix, c’est parce qu’il a pendant son premier mandat très fortement augmenté les dépenses en créant plus de postes en 6 ans à Paris que toute la ville de Lyon n’en emploie. Ceci a été financé par les recettes de transactions immobilières exceptionnelles du fait de la bulle. Recettes exceptionnelles finançant des dépenses ordinaires, on connaît les limites de la méthode, et la hausse des impôts était dans les cartes. La question à se poser est la suivante: les Parisiens, qui vont souffrir de payer ce surcoût dans une année qui s’annonce très dure (ainsi que les suivantes, bien sûr), peuvent-ils dire que leur qualité de vie s’est améliorée du fait de la forte augmentation du nombre de fonctionnaires de la Ville de Paris?

    Commentaire by JM2 — 20 décembre 2008 #

  5. Delanoe a bénéficié de la bulle immo, donc on peut imaginer que les gens capables de mettre 450 000 euros dans un F3 merdiques peuvent foutre 500 euros d’impots. Certes, ça fait toujours chier d’en payer, mais bon, ce n’est pas pire que de les confier à Madoff.
    Y a peu de salariés de Flins ou de Guyancourt à Paris … peut être votre copain Goshn ! Vous savez la crise ne touche pas tout le monde, le bobo parisien semble peu atteint.

    A priori, les parisiens ont réélu Delanoe, encore plus largement cette fois ci, validant son action.

    Vous êtes le premier à râler des grévistes, des raleurs qui gueulent après Sarko démocratiquement élu. Faites vous petit 5 ans, et on annonce Fillon comme candidat UMP la prochaine fois, ça devrait vous plaire.

    Commentaire by Blop — 20 décembre 2008 #

  6. Delanoë a été facilement réélu, vous avez raison cher Blop, ce qui comme vous le dites « valide son action » passée. Comme celle de ne pas avoir augmenté les impôts (dixit vous-même), de ne pas avoir construit de tours, de ne pas avoir trempé dans les vilaines affaires qu’il reprochait à son prédécesseur. Le problème, c’est que, maintenant, il augmente les impôts, il construit des tours, et son équipe se trouve impliquée dans des affaires qui rappellent fortement ce que Delanoë lui-même a vertement critiqué.
    Vous me direz, seuls les idiots ne changent pas d’avis, n’est-ce pas? Ce qui permet d’expliquer comment Sarkozy que beaucoup décrivaient comme ultra-libéral fait dans le keynesianisme pur jus pour tenter d’atténuer puis de sortir la France de la crise.

    Commentaire by JM2 — 21 décembre 2008 #

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