Les infirmières sont-elles des sorcières, et les docteurs des loup-garous?
janvier 5, 2009 on 10:21 | In Coup de gueule, France, Incongruités, Insolite | Commentaires fermésJusMurmurandi se souvient du grand courant de sympathie qui avait saisi l’opinion publique lors de la grande grève des infirmières, destinée à leur valoir une meilleure rémunération. Voilà une profession qui requiert de longues études, qui expose ses personnels à des heures de travail longues et à un risque permanent d’erreur aux graves conséquences, et qui est, globalement, mal payée.
Mais quand un enfant est mort à l’hôpital d’avoir reçu par erreur une perfusion à la place d’une autre pour soigner son angine, l’infirmière, pourtant très bien notée, a été immédiatement suspendue et mise en examen. Ce avant que l’enquête ne montre que la perfusion qu’elle a prise par erreur n’avait pas à se trouver là où elle était, avait été livrée et rangée là par erreur et ressemblait à s’y méprendre à celle qu’elle eût du administrer. Où donc était le moindre courant de sympathie pour cette infirmière-là?
Ce tragique décès a agi comme le premier souffle d’un vent mauvais. La deuxième rafale a été celle d’un homme décédé de problèmes cardio-vasculaires après avoir attendu des heures que des régulateurs lui trouvent un lit dans un service d’urgence en région parisienne. Le rapport du parquet indiquant que l’autopsie a montré que cet homme n’eût probablement pas survécu à son accident circulatoire même en étant admis immédiatement a été accueilli avec les sarcasmes réservés aux tentatives maladroites d’auto-disculpation.
Troisième rafale, une femme de 82 ans est décédée, qui avait été renvoyée dans sa maison de retraite la veille par un hôpital où elle avait été admise pour des symptômes de déshydratation et de difficultés respiratoires. Les causes de la mort ne sont pas connues, mais l’avocat de la famille indique qu’il va mettre en cause Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé, car la vieille dame serait, aux dires de sa famille restée 8 heures sur un brancard sans qu’un médecin la voie. L’hôpital a une version très différente, affirme qu’infirmières et médecin ont vu et soigné la patiente qui, en outre, a été vue après son retour en maison de retraite par le médecin de celle-ci, lequel n’a rien signalé ou jugé bon de faire. Qu’importe! La famille, sûre qu’il y a eu faute, porte plainte, et les média de relayer abondamment cette « série noire »
Soyons clair, tout décès entraîne la douleur de la famille, et la demande de celle-ci de savoir si tout a été fait est tout-à-fait légitime. Ainsi que celle de tout faire pour qu’une erreur, voire une faute s’il y en a eu ne puisse être répétée au détriment d’un autre patient.
Il est clair aussi que la profession médicale a eu tendance à se réserver le bénéfice des enquêtes sur des « incidents » de ce genre, et à en exclure les non médecins, ce qui a permis dans certains cas, de nier abusivement toute faute. Les scandales du sang contaminé ou de l’hormone de croissance sont des exemples de ce refus de transparence et de responsabilité.
Mais là, où va-t-on? Si quelques heures sont trop longues pour admettre un patient aux urgences, quel est le délai admissible? 30 minutes? 60? Si le patient meurt en 45 minutes, est-ce la faute de l’hôpital?
Sans oublier que, derrière la peine des familles éprouvées se profilent des revendications financières ou politiques. Les médecins urgentistes réclament plus de postes et la revalorisation de leurs revenus. Les familles veulent des indemnités pour faute. L’opposition dénonce ces décès comme le résultat de la politique d’économie du gouvernement.
Que veulent les Français? Si le seul résultat acceptable de l’hôpital est « zéro mort », il va y avoir des conséquences. D’abord financières, car le coût du zéro-mort est extravagant. Redondance généralisée des moyens, multiplication des examens, assurance hors de prix, entre autres. Une recette dont les Etats-Unis donnent un avant-goût, ruineuse en termes de coût sans pour autant donner de meilleurs résultats sanitaires. Un bon exemple est celui d’une personne qui ferait un accident de santé sur la voie publique: aux Etats-Unis, tout médecin qui lui porterait secours, et qui ne disposerait pas, à l’évidence, de détails sur sa condition médicale, s’exposerait à des poursuites par la famille et leurs avocats requins payés à la commission en cas de problème. Alors que font-ils, ces médecins? Ils changent de trottoir, tout simplement.
Mais après tout, si tel est le choix éclairé des Français, pourquoi pas? Le problème est ce qu’on observe en gynécologie-obstétrique, et qu’une telle attitude généraliserait. Les grossesses ne sont jamais tout à fait sans risques. Les médecins, à force d’être attaqués en justice quand l’une d’entre elles ne va pas à un terme heureux, sont confrontés à un coût d’assurance qui peut dépasser 30% de leur chiffre d’affaires, ce qui est évidemment insupportable. Le résultat est simple: il n’y a quasiment plus de sage-femmes, et le nombre de médecins accoucheurs ne cessera de baisser vu que cette spécialité n’attire plus personne en raison de son rapport risque-rémunération désastreux. Et ceci n’a rien à voir avec une quelconque politique d’économies de santé, ces praticiens ressortant du secteur privé.
Si bien qu’en fait, à force de tenir les gynécos pour responsables de tout ce qui peut mal se passer, il n’y en aura plus du tout. JusMurmurandi doute que ce soit vraiment à l’avantage des femmes et des parents.
Alors peut-être faut-il raison garder, et ne pas brûler les infirmières et les médecins que nous avons tant aimés. Qu’il faille s’efforcer de minimiser les décès évitables, bien sûr. Mais, de même que notre société croyait que le progrès avait vaincu les crises économiques et que celles-ci ne pouvaient plus arriver, avant d’être durement démentie par l’actualité des derniers 12 mois, nous voudrions croire que la mort n’est plus que la fin après une vie toujours longue, très longue. Le fait est que tous les jours cet espoir est cruellement démenti. Soit parce que certains d’entre nous sont moins bien lotis dès la naissance, soit parce que d’autres rencontrent la fatalité, que ce soit sous la forme d’un accident de voiture ou d’un accident médical.
De même que nous n’interdisons pas toutes les voitures parce que certaines ont des accidents même mortels, n’interdisons pas nos médecins et nos infirmières même quand ils sont simplement des êtres humains, souvent merveilleux, pas toujours irréprochables.
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