La matelas et le ressort

janvier 10, 2009 on 8:08 | In Best of, Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, International | 4 Comments

On le sait, pour qui veut bien dormir, un bon matelas est indispensable. Mais à quoi sert un bon matelas sans un bon sommier? Et notamment, parmi les meilleurs, un sommier à ressort?

Avec cette entrée en matière, JusMurmurandi serait-il devenu soit marchand de sommeil, soit Webmarchand en périodes de soldes? Ni l’un ni l’autre, puisqu’il s’agit en fait de crise économique, plutôt du genre à vous faire perdre le sommeil.

Ce qui est intéressant, dans le genre glauque, c’est de constater que l’économie américaine a détruit, en 2008, la bagatelle de 2,6 millions d’emplois, le pire chiffre depuis 1945, et un cauchemar pour Barack Obama. Pendant ce temps, le chômage remontait à 7,2%, son plus haut niveau depuis 1993.

Pendant ce temps-là, en France, le chômage est repassé au dessus de la « barre » des 2 millions de chômeurs. Or, en 1993, le compte était à 3 millions. Faut-il en déduire que la France fait mieux, beaucoup mieux que les USA en termes de chômage, alors qu’on pense couramment le contraire?

En fait, l’économie française n’a pas encore commencé à détruire des emplois en masse. Les délais légaux de communication aux comité d’entreprise, de négociations obligatoires, de recours innombrables font qu’il s’écoule au moins 6 mois entre la décision et les licenciements. Et que ceux-ci sont assortis de préavis et d’indemnités qui allongent encore de nombreux mois le moment où le chômeur sera face à une pénurie de revenus. Pénurie atténuée par des versements d’allocations très supérieures, sauf exceptions, à celles en vigueur aux Etats-Unis.

La vague qui a frappé les USA est donc en avance sur la nôtre sur ce plan, mais nous ne l’éviterons pas. Notre système de délais sert de matelas amortisseur, comme aussi nos nombreux millions de fonctionnaires et autres employés de services publics et para-publics réputés intouchables. Alors que les Etats-Unis sont en récession depuis la fin 2007, la France aborde 2009 en l’ayant non pas évitée, mais retardée.

Et quand on regarde ce qui s’est passé entre 1993 et 2008, il est clair que les Etats-unis ont passé beaucoup plus de temps en plein emploi, avec des taux de chômage de moins de 5%, que la France, qui n’y est jamais parvenue depuis les années 60, et où la lente décrue du chômage est en partie due à une démographie en baisse.

Donc, avant de dauber sur les problèmes de l’économie américaine à l’aune de leurs déboires, qui sont réels et massifs, de ricaner sur la fin du leadership américain dans une forme de schadenfreude (joie trouble provoquée par les difficultés des autres) à la française, et de gloser sur la supériorité de notre matelas, gardons-nous de sous-estimer le ressort américain, qui leur a si souvent permis de sortir d’une crise plus vite et plus fort.

Car un matelas qui n’est pas couché sur un sommier avec du ressort devient vite mou et inerte. Le sommeil du dormeur s’y révèle inconfortable, et celui-ci a bientôt du mal à s’en extirper. C’est la langueur japonaise des années 80 et 90. Sauf que le dormeur japonais qui n’a certes pas de ressort pour se redresser, n’a pas, avec son futon, de matelas non plus pour amortir sa chute.

En attendant, les employés des hôpitaux, non contents d’avoir la sécurité de l’emploi, avantage dont on verra en 2009 tout le prix, demandent sans vergogne à Sarkozy plus de fric au motif que, s’il a aidé les banques, il peut bien aider aussi les personnels hospitaliers.

Ils ont aussi peu de chance d’être entendus par un Etat français qui n’a justement plus d’argent pour eux, ni pour d’autres d’ailleurs, au motif qu’ils ne sont pas les plus à plaindre et qu’il fallait absolument sauver les banques, pour irresponsables qu’elles aient été, que de voir voir le Prince Charmant réveiller la Belle Endormie.

Tiens, c’est de saison, il y a justement de la neige dehors, et tout est blanc.

4 commentaires

  1. Les USA ont aussi un traitement du chomage basé sur la prison … puisque 2% de la population active s’y trouve. Vous ajoutez que l’armée recrute aussi le reste des bras cassés pour aller se faire tailler en pièce en Irak.
    Voilà une façon de s’occuper du chômage des mals formés.
    De plus vous le dites, vous même, être aux chômages aux USA ne donnent pas droit à des aides importantes, voire aucune. Donc certains ne se font pas connaitre puisque cela ne sert à rien.

    Ceci dit, nos chiffres français étant aussi trafiqués en divisant les chomeurs en 7 catégories et en publiant qu’une seule sorte.

    Il est donc bien difficile de savoir qui bosse dans nos deux pays.

    Et vous, ça va ? La crise, vous pensez la surmonter ? Je me fais du soucis.

    Commentaire by Blop — 10 janvier 2009 #

  2. L ‘ Etat n ‘ a plus d ‘ argent ??? Mais il vient de
    renflouer mon banquier … et moi qui voulait deman-
    der une aide personalisée de solidarité pour payer
    mon paquet de gris hebdomadaire , que vais-je faire ?
    Au secours , cher Jus !!!

    Commentaire by jerome — 10 janvier 2009 #

  3. Cher Jérôme, l’Etat n’a plus d’argent justement parce qu’il vient de renflouer les banquiers. Ce n’est pas juste, je sais, car les banquiers, loin de mériter ce renflouement, n’ont eu à mettre en avant, que l’immensité de leurs besoins, et l’incapacité de notre société de se passer de ses banques, en tout point comparable avec l’incapacité de nos banques de se passer de cette aide.
    Ce faisant, l’Etat a procédé non suivant la formule capitaliste « à chacun selon ses mérites », mais bien suivant la formule communiste « à chacun selon ses besoins ».
    Et les Français sont appelés à payer suivant l’autre moitié de cette formule communiste : »de chacun selon ses capacités ».
    En l’occurrence, on pourra parler ici de Sarkommunisme.

    Commentaire by JM2 — 11 janvier 2009 #

  4. Cher Blop, vous avez raison, une comparaison directe des chiffres du chômage entre la France et les Etats-Unis ne serait pas totalement pertinente. C’est pourquoi je m’étais bien gardé de la faire, préférant comparer les données du chômage dans ces 2 Etats différents en 1993 et en 2008, comparaison qui, elle, est représentative.
    Quant à savoir qui bosse, je vous ferai la réponse de Robert Mc Namara, secrétaire américain à la Défense pendant la présidence Kennedy. Des journalistes à qui il faisait visiter le Pentagone lui demandaient combien de gens y travaillaient, chiffre alors tenu secret. Il a répondu: « oh, à peu près un tiers du personnel, je pense »

    Commentaire by JM2 — 11 janvier 2009 #

Désolé, les commentaires sont fermés pour le moment.