Plus qu’un erreur, une faute!

janvier 15, 2009 on 5:33 | In France | Commentaires fermés

« Plus qu’une erreur, une faute! » Cette phrase est prêtée à Talleyrand quand il a appris l’éxécution du Duc d’Enghien. Une erreur, une faute, quelle différence? En cas d’erreur, il y quelqu’un qui s’est trompé. En cas de faute, il y a un coupable. Ce n’est pas pareil.

Cesare Battisti, condamné par contumace par la justice italienne pour 4 meurtres a trouvé au Brésil un oreille compatissante, et le statut de réfugié politique devrait lui être accordé, au motif que son retour en Italie ne serait pas entouré de toutes les garanties d’impartialité voulues pour une bonne administration de la justice.

Les médecins et pharmaciens français jugés dans l’affaire de l’hormone de croissance ont trouvé une oreille compatissante, et le relaxe générale qui a été prononcée hier laisse peu d’espoir même en appel.

Dans les deux cas, les familles des victimes hurlent de douleur et crient à l’injustice. De plus en plus, toute mort réclame justice par la voix de la famille. Les récents décès à l’hôpital en sont une illustration.

Et, en fait de justice, les victimes réclament une condamnation. Parce que, s’il n’y pas de condamnation, il n’y a pas de coupable. S’il n’y pas de coupable, il n’y a pas de victimes.

Et s’il y a condamnation, mais pas de peine effectuée, comme dans le cas de Battisti, l’équation peine subie par les victimes = peine effectuée par le coupable ne peut se déployer. L’équivalent judiciaire du vieil « oeil pour oeil, dent pour dent ».

Il est évidemment tentant de rapprocher l’affaire de l’hormone de croissance de celle du sang contaminé. Dans celle-ci, la France a été le deuxième pays le plus « rapide » à arrêter l’emploi de produits sanguins non chauffés. Malgré ce qui semble donc montrer une diligence réelle des acteurs français, la justice a condamné. Dans l’affaire de l’hormone de croissance, la France a représenté à elle seule la moitié des malades mondiaux de la maladie de Creutzfeld-Jacob, ce qui semble donc montrer l’inverse, et la justice elle aussi, a fait l’inverse. Ce qui, à défaut de savoir si c’est juste, n’est pas compréhensible.

D’où le criant sentiment d’injustice des familles. Sauf que la mission de la justice n’est pas d’apaiser à tout prix la douleur des familles.

Ce qui nous amène tout droit au sujet à la mode en ce moment, la volonté de Nicolas Sarkozy de supprimer le juge d’instruction, de confier celle-ci clairement au parquet, et de la faire superviser par un juge de l’instruction.

Bien entendu, chacun pourra trouver d’excellents -parce que scandaleux- exemples pour appuyer son soutien ou son opposition à la proposition. Des cas où le juge d’instruction a poursuivi envers et malgré le parquet, une affaire qui, sans cela eût été enterrée. Des cas où le juge d’instruction a non seulement instruit uniquement à charge, mais encore a poursuivi des innocents et les a envoyé en prison avec une instruction manifestement défaillante.

Le fait est que les prisons françaises sont « peuplées » à plus de 50% de prisonniers en détention préventive, ce qui est un scandale. Surtout quand on connaît la propension des juges à condamner à due concurrence de la préventive pour éviter qu’il puisse y avoir à reconnaître une erreur et à en indemniser les conséquences. Comme si l’argent pour reconstituer une vie brisée.

Toute mesure qui ira dans le sens d’une plus grande équité de l’instruction est donc bonne pour JusMurmurandi, car on sait bien que la charge du juge d’instruction d’instruire « à charge et à décharge » est aujourd’hui mieux remplie à charge que l’inverse.

Il y aura donc une enquête menée par le parquet et surpervisée par un juge de l’instruction, et une défense qui aura immédiatement accès au dossier, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, se traduisant par un « habeas corpus » à la française.

Ce qui pose un problème. Si, avec le nouveau système, une erreur se produit, et il y en aura sans nul doute, il ne sera pas simple de trouver le coupable que réclame toujours plus fort l’opinion publique et les victimes réelles ou autoproclamées; Car aujourd’hui, le juge d’instruction est le coupable tout désigné, et un bouc émissaire parfait.

Supprimer un bouc émissaire si parfait, le Président aurait-il perdu l’esprit? Ce qui reviendrait à supposer qu’il s’intéresse plus à la justice qu’à être approuvé par l’opinion publique. Insensé, vous dis-je. Au moins, si je me trompe, n’est-ce qu’un erreur. Et pas une faute.

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