Benoît XVI, pape de la laïcité?

janvier 26, 2009 on 5:41 | In Incongruités, Insolite | Commentaires fermés

Benoït XVI a décidé de désexcommunier les fidèles de Saint Pie X, c’est-à-dire le groupe de Chrétiens qui, pour pouvoir continuer à pratiquer « à l’ancienne », avaient choisi de suivre Mgr Lefèbvre, lequel avait été excommunié pour avoir, en tant qu’archevêque, ordonné des évêques sans l’accord de la papauté.

Cette réintégration ne serait pas un sujet pour JusMurmurandi si elle se bornait à cela, c’est-à-dire à un choix théologique impactant une toute petite famille de la chrétienté (500 prêtres, 150.000 fidèles).

Mais il y a plus, car l’excommunicateur des lefèbvristes n’est autre que le défunt et très charismatique pape Jean-Paul II, dont on pensait qu’il avait été en tout le mentor de l’actuel pape Benoit XVI, et dont le fait d’avoir été le plus proche collaborateur du pape polonais fut probablement pour beaucoup dans son élection. Or ce geste a été fait sans que les lefèbvristes en fassent un, comme celui de reconnaître le Concile Vatican II, qu’il détestent en ce qu’il a modernisé et ouvert l’Eglise. Il y aurait donc du Brutus chez Benoït XVI…

Bien sûr il est tentant de se dire que Benoît fait ce qu’il peut pour récupérer des âmes perdues au sein d’une Église en perte de vitesse face à la modernité du monde et en butte à un Islam dont le dynamisme en Europe et dans le monde contraste avec le vide croissant des églises.

Ce serait oublier que Benoit XVI est avant tout un théologien, lequel a dénié aux communautés protestantes le statut d’Eglises, au nom d’un « trop faible contenu théologique », choquant au passage des millions de chrétiens, et rejetant à plus tard, beaucoup plus tard, toute possibilité de réunification des deux plus grandes branches de la chrétienté. L’ouverture à l’aile ultra-conservatrice de Benoît XVI n’est donc pas une tentative d’embrasser plus large pour mieux résister aux défis de l’époque.

Mais là où l’affaire devient passionnante, c’est que, parmi les désexcommuniés, figurent les 4 évêques lefèbvristes, et notamment un certain Mgr Williamson. Lequel a embarrassé toute la catholicité en déclarant cette semaine à une radio suédoise que les preuves historiques vont « massivement à l’encontre de six millions de Juifs gazés délibérément ». Entre autres horreurs négationnistes.

Et là, bien évidemment, l’idée de réintégrer un homme professant de telles idées et, qui plus est, sous couvert de son autorité morale épiscopale, est insupportable à beaucoup, qui condamnent le Vatican dans les termes les plus violents. Et rappellent, histoire de jeter de l’huile sur le feu, l’appartenance qui fut celle du jeune Ratzinger, aujourd’hui Benoît XVI, à la Hitlerjugend, ou jeunesses hitlériennes.

Or il n’y a rien, là, qui choque JusMurmurandi, alors même que nous réprouvons absolument tout ce qui, de près ou de loin, représente la moindre tolérance pour les abominations nazies, qu’elles soit en actes ou en paroles. Pourquoi? Parce qu’il suffit de se souvenir que l’Eglise catholique et romaine n’a jamais excommunié les nazis en tant que tels. Pas plus que d’autres monstres ou dictateurs. Où a-t-on vu que, par exemple, tous les condamnés des assises, les assassins, les violeurs, se verraient excommmuniés? Au contraire, les aumôniers des prisons veulent absolument ramener à la Foi les criminels. Et Jésus Christ dit que, comme le médecin vient pour les malades et non pour les bien portants, il est venu non pour les justes mais pour les pécheurs.

Ainsi, en ne reculant pas devant les déclarations de l’évêque britannique, l’Eglise catholique affirme qu’elle n’est pas comptable des pensées de ses membres, et pas juge de leurs actions. Qu’elle se « contente » des âmes, de leur foi et de leur pratique religieuse, et non des actes terrestres tels que la politique. Qu’elle condamne des pratiques légalement acceptables, dans le domaine sexuel notamment, alors qu’elle accepte des pratiques que la loi condamne, en matière idéologique et politique notamment.

A l’Etat britannique de condamner, s’il le juge bon, et comme le ferait l’Etat français, les déclarations de Mgr Williamson. Mais pas question de lui refuser le pardon des péchés. Chacun chez soi et les vaches (ici, les fidèles) seront bien gardées, montrons bien la séparation de l’Eglise et de l’Etat

Cette position porte un nom, que Benoît XVI déteste pourtant. Cela s’appelle la laïcité.

Benoît XVI

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