Besson le vichyste, à la même table que Kouchner le dénoncé?

février 8, 2009 on 3:16 | In Coup de gueule, France, Incongruités, Insolite | 4 Comments

Imaginons la scène suivante: dans un wagon de RER, un groupe de jeunes moleste une personne âgée pour lui voler son sac. Personne ne proteste ni ne s’interpose. Une fois leur sale coup fait, les voyous descendent à la prochaine station et disparaissent.
La police enquête et demande aux autres passagers d’aider à constituer un portrait robot des assaillants. Déjà mal à l’aise de n’avoir rien tenté, même verbalement, ils en remettent une couche en disant ne se souvenir de rien. En fait, ils ne veulent surtout pas s’exposer à des représailles s’ils étaient appelés à témoigner à un éventuel procès.

Nous dirions tous: »Honte! quelle belle bande lâches! », et nous aurions raison. Personne ne verrait à redire, bien au contraire, à ce que les témoins coopèrent avec la police. C’est tout aussi vrai dans des cas d’enlèvement d’enfant ou de viol par exemple, et de nombreux autres crimes crapuleux.

Pendant ce temps, Eric Besson suggère que les immigrés clandestins qui coopèreraient avec la police en dénonçant les réseaux de passeurs pourraient se voir donner des papiers de régularisation. Et là le cœur des bonnes âmes de vaticiner que l’on revient au temps les plus sombres de Vichy.

Pourquoi dans un cas la coopération avec la police est-elle un devoir moral et civique, et dans l’autre une indignité?

Pour mémoire, les passeurs de clandestins sont des ordures. Ils prélèvent des sommes exorbitantes en faisant des promesses mirifiques d’un Eldorado garanti, alors que les conditions de transport sont telles qu’il y a souvent des morts, comme dans ces bateaux dramatiquement surchargés qui dérivent en Méditerranée. Et ensuite ils font trimer les clandestins dans des conditions lamentables pendant des années pour « rembourser » leur passage.

Frédéric Lefebvre, porte parole de l’UMP, a donné une première réponse en expliquant la différence entre « dénonciation » et « délation ». La première s’applique aux coupables, la seconde aux innocents. La première est donc citoyenne, la seconde déshonorante. Et, bien sûr, seule la seconde est marqué de l’infamie vichyste. Sauf que c’est habile, mais faux. Car, sous Vichy, la loi était antisémite. Et donc dénoncer des Juifs était un devoir légal. Comme de Gaulle l’a montré, c’était illégitime, comme les pasteurs protestants l’ont prêché, c’était inhumain, mais c’était légal.

JusMurmurandi propose une autre explication. Violer, voler, frapper sont des crimes et délits unanimement reconnus. En revanche ne pas avoir de papiers ou frauder le fisc ne sont pas perçus comme des manquements à la loi. Au contraire, ils seraient presque une preuve de « débrouille » intelligente.

On ne saurait évidemment tenir rigueur aux associations de vouloir que la seule générosité guide l’action de la France, et que soient régularisés tous les clandestins passés, présents et à venir, mais agiter le spectre de Vichy à toute tentative de progresser dans la lutte contre les passeurs paraît plus que déplacé.

D’autant que les lois sur les repentis ont donné de spectaculaires résultats tant aux Etats-Unis qu’en Italie, deux pays qui ont ainsi porté des coups très durs à leurs crimes organisés (mafia, cosa nostra, n’drangheta etc.). Là il s’agit rien moins que d’absoudre des délinquants et criminels en échange de leur collaboration. Alors que Besson ne propose de régulariser « que » des clandestins, ce qui, à tout prendre, est moins grave que les crimes de sang qui sont la plupart du temps reprochés aux repentis.

JusMurmurandi voudrait poser une question. Que diraient ces associations, quasiment toutes très à gauche, qui hurlent au vichysme bessono-sarkozyen, ce qui soit dit entre nous est un non-sens pour qui voit le culte que le Président rend à toute occasion à la Résistance, culte qui scandalise aussi cette même gauche dans l’affaire de la lettre de Guy Môquet, si on leur proposait d’accorder immunité et pardon, ce qui est une forme de régularisation, à des banquiers qui en dénonceraient d’autres, coupables de turpitudes ayant joué un rôle dans la crise financière internationale?

On s’en doute. On ne parlerait pas de Vichy, mais de morale publique. Publique. Comme le comité de salut du même nom, présidé par un certain Maximilien Robespierre. J’en connais qui postulent déjà pour le rôle. Car l’exécution en règle de Bernard Kouchner, elle, est un vrai scandale digne d’une république bananière. Et là, la gauche, qui n’avait pas de mots assez durs contre l’auteur de ce livre à scandale quand il avait révélé le passé d’extrême droite de Mitterrand sur lequel celui-ci n’avait cessé de mentir, le trouve subitement divinement inspiré contre « ce pauvre Bernard » au motif que celui-ci a été travailler avec Sarkozy.

Et celui qui a bavé sur Kouchner à l’auteur du livre-torchon, il a commis une dénonciation ou une délation?

Amusant aussi de constater le point commun entre Kouchner et Besson. Deux hommes ex-PS. Et si ça comptait beaucoup plus aux yeux de certains que la réalité des faits? Le Comité de Salut Public, je vous dis.

Eric Besson

Bernard Kouchner

4 commentaires

  1. De quels « pasteurs protestants » faites-vous allusion ?

    Commentaire by Thomas — 9 février 2009 #

  2. Voici cher Thomas la réaction de l’Eglise Réformée de France (ERF):
    Le signe de la rupture avec le régime de Vichy fut, en mars 1941, provoqué par les mesures antisémites. Le 22 septembre 1942, le conseil national de l’ERF adresse aux pasteurs une lettre à lire, en chaire, le 4 octobre dans toutes les paroisses, qui déclare notamment : « l’ERF ne peut garder le silence devant les souffrances de milliers d’êtres qui retrouvent asile dans notre sol (…).L’Évangile nous ordonne de considérer tous les hommes sans exception comme des frères ( …). L’Église se sent contrainte de faire entendre le cri de la conscience chrétienne ».

    Maintenant si vous voulez me faire dire que ma formule « pasteur protestant » est un pléonasme, vous avez raison, et je bats ma coulpe :-)

    Commentaire by JM2 — 9 février 2009 #

  3. Oh je ne suis pas mesquin à ce point.

    Disons que cet exemple précis ramené à la religion protestante est intriguant, vu qu’on parle (et cela est vrai) des ecclésiastiques en général. Bien des églises ont cachés des familles juives durant la dernière grande guerre.

    Commentaire by Thomas — 9 février 2009 #

  4. Vous avez raison, Thomas, les Protestants n’ont pas eu le monopole des actions en faveur des Juifs. Comme de Gaulle, que je cite aussi, n’a pas été le seul à résister à l’illégitimité de Vichy. Ce sont des exemples que j’ai cités parmi de nombreux autres, individuels ou collectifs, tous estimables.

    Commentaire by JM2 — 11 février 2009 #

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