Petit cours de paradis fiscal, de fraude, de chantage et d’histoire

février 24, 2009 on 3:24 | In Economie, France, Incongruités, Insolite, International | Commentaires fermés

Voilà un sujet sulfureux à souhait. On y trouve quasiment tous les tabous de la civilisation occidentale, tous les interdits, tous les scandales. Toutes les démagogies aussi. C’est pourquoi, après avoir chaussé ses cuissardes et enfilé son scaphandre étanche résistant aux contaminations nucléaires, bactériologiques et chimiques, Jusmurmurandi vous offre un petit abécédaire de ce dont on parle.

Paradis fiscal: se dit d’un pays où une activité où un actif ne paye pas (ou presque pas) d’impôts. Ainsi, pour les bateaux, le Panama est un paradis fiscal,raison pour laquelle, en termes d’immatriculations, le Panama a une des plus puissantes flottes commerciales au monde. Ceci n’a rien à voir avec un quelconque secret ou une quelconque fraude ou illégalité, uniquement avec l’absence d’impôts. Autre exemple: pour les citoyens monégasques, il n’y a pas d’impôts sur le revenu. Sur ce créneau là, Monaco est donc un paradis fiscal.

Évasion fiscale: se dit d’un flux ou d’un montant d’argent dont le propriétaire veut éviter qu’il ne paye de l’impôt, mais, à la différence d’un paradis fiscal, une évasion fiscale se fait en contournant ou en violant la règlementation fiscale d’un pays. Ainsi, si un exportateur se fait payer une partie de son prix de vente ailleurs que dans son propre pays pour éviter d’y payer cette partie de ses impôts, c’est de l’évasion fiscale. Il va de soi que l’évasion fiscale a tendance à se multiplier dans les pays à très forte fiscalité, et vers des paradis fiscaux. Pourquoi en effet détourner des capitaux d’un pays à faible imposition vers un autre où elle serait plus forte?

Fuite des capitaux: se dit de capitaux dont leur propriétaire organise qu’ils quittent un pays jugé risqué. Ceci peut se faire légalement, comme un investissement dans un pays étranger, ou illégalement par le biais de transaction occultes. Ainsi, le déclenchement de la mini-guerre avec la Géorgie a-t-il déclenché une maxi-fuite des capitaux de Russie par des citoyens inquiets.

Blanchiment de capitaux: se dit de capitaux d’origine illégale, souvent criminelle, que leur détenteur veut « légaliser » afin de pouvoir les utiliser. C’est l’argent des commissions occultes, de la drogue, de la prostitution, du racket, et autres activités de même nature. Pour « blanchir ces capitaux, il faut disposer d’une activité publique qui acceptera des rentrées le plus souvent en billets de banque, mais aussi en virements bancaires d’origine injustifiables, le tout sans poser de questions. Dès lors que les fonds seront recyclés par cette activité publique, leur provenance ne pose plus problème, ils sont « blanchis ». Ainsi un restaurant peut déclarer des recettes supérieures à son chiffre d’affaires réel, en les complétant par du liquide censé avoir été déposé par des clients en réalité fictifs. Le restaurant va donc faire un bénéfice artificiellement gonflé, lequel pourra être distribué le plus légalement du monde, en apparence tout au moins. Cet exemple est celui d’un blanchiment au petit pied, mais le même mécanisme fonctionne souvent à beaucoup plus grande échelle.

Comptes anonymes et secret bancaire. Ce sont des comptes dont le titulaire reste anonyme, protégé par le secret bancaire du pays où est le compte, comme la Suisse, le Luxembourg ou le Liechstenstein pour ne citer que l’Europe. Évidemment l’anonymat du compte peut servir à protéger de l’argent en fuite, ou illégal. Mais le secret est aujourd’hui levé quand l’origine criminelle des capitaux peut être alléguée. Et tout aussi évidemment, ce secret et cet anonymat se complètent bien avec une pression fiscale très faible.

Régulation: quand un pays veut attirer des capitaux, il peut choisir de compléter son attractivité principale, celle d’un paradis fiscal, par une régulation très limitée, ce qui permettra à des opérateurs de faire ce qu’ils veulent (y compris n’importe quoi, à commencer par des prises de risques exagérées), alors que ce serait interdit dans des pays à régulation plus développée.

Il est de bon ton en ce moment de taper sur les paradis fiscaux. Il y en a même un qui tape avec un très gros bâton, c’est l’Oncle Sam. Le fisc américain a réussi à prouver que la banque suisse UBS, par ailleurs déjà estropiée par la crise financière et mouillée jusqu’au cou dans le scandale Madoff, a aidé 300 de ses clients américains à frauder le fisc. Il a donc mis en demeure UBS de livrer le nom de ses clients et de payer une forte amende, ou de perdre sa licence bancaire américaine, ce qui lui interdit les clients américains, les actions et obligations et bons du trésor américains. Pour la première banque de gestion de fortune au monde, c’est quasiment un arrêt de mort. La banque a donc transigé, et, avec l’accord des autorités suisses, dérogé au célèbre secret bancaire pour livrer les noms des fraudeurs. Mais les autorités américaines en veulent plus, et somment UBS de livrer les noms de 52000 clients US, propriétaires présumés illégaux de 18.000 milliards de dollars.

Il va sans dire que l’Union Européenne s’engouffrerait dans une pareille brèche et réclamerait aussi les noms de tous les clients européens soupçonnés de pratiquer l’évasion fiscale en Suisse. Ce serait alors le plus retentissant scandale financier de l’histoire, car l’on constaterait que la Suisse abrite une formidable collection de tous les puissants de la terre. Les crapules en merde massive (pourquoi seul l’or serait-il massif?), narco-traficants, dictateurs cachant là le fruit de leur corruption et autres prévarications, trafiquants d’armes, proxénètes et ainsi de suite. Mais aussi de nombreux hommes riches plus soucieux de payer moins d’impôts que de suivre la loi à la lettre. Et on pourrait aussi trouver des sommes appartenant encore aux familles juives massacrées par les Nazis, sommes que les banques suisses n’ont restituées aux ayant-droits que sous la plus extrême contrainte (déjà!) et partiellement.

On y trouverait sans aucun doute aussi de nombreux politiciens de tous bords, y compris pourquoi pas des Démocrates du bord de ce même Obama dont l’administration menace UBS. Ainsi JusMurmurandi, toujours taquin, ne peut s’empêcher de constater que 2 des candidats retenus par le Président américain pour des postes importants ont du se récuser quand ils ont été confrontés à leur « oubli » d’avoir payé tel ou tel impôt. Même Timothy Geithner, aujourd’hui tout-puissant Secrétaire américain au Trésor a eu quelques soucis de ce côté-là, mais a néanmoins été confirmé par le Sénat.

On voit donc que les débat sur les paradis fiscaux a toutes les chances de se révéler croustillant. On commence fort civilement par vouloir réguler des place-fortes de la prise de risque sans limite, on continue par vouloir exploiter une des dernières ressources fiscales non encore mises à contribution, celle de la fraude et de l’évasion fiscales. On en profite pour jeter tout ce beau monde en pâture à la populace en mélangeant cette fraude fiscale qui n’est même pas un délit dans certains pays, avec la crise financière, les hedge funds, Madoff, les dictateurs et autres trafiquants. Et on va découvrir plus de secrets d’alcôve financière qu’il n’y a de contrôleurs fiscaux pour redresser tout ce joli monde, dont les démissions vont dépeupler le gotha de la finance et de la politique dans le monde entier.

Enfin ils vont, si la suisse « autorise » UBS à céder aux Américains. Car, pour sauver ainsi sa plus grande banque, la Suisse torpillerait une florissante industrie, ce qui n’est pas exactement dans leur nature. On peut donc s’attendre à une féroce résistance de la part d’un pays dont les défenses -ainsi que l’accueil par regardant du tout à leurs capitaux- a fait reculer les Nazis d’Adolf Hitler.

La suite promet d’être intéressante; JusMurmurandi se prépare à compter les coups, surtout s’ils sont bas.

No Comments yet

Désolé, les commentaires sont fermés pour le moment.