Une gauche mal initiée

février 26, 2009 on 7:50 | In Best of, France, Insolite | 2 Comments

Le tout-Paris politico-médiatique est en révolution. Le patron du futur ensemble issu de la fusion à venir Banques Populaires-Caisses d’épargne devrait être François Pérol, jusqu’ici conseiller du président Sarkozy aux affaires économiques.

L’opposition commune PS-MoDem clame qu’il s’agit là d’une forfaiture, d’un viol des institutions, et que sais-je encore. Ils ressortent les mêmes arguments que quand le texte sur l’audiovisuel a mis entre les mains de l’exécutif la nomination du président de France Télévisions.

Qu’imaginent-ils? Que Nicolas Sarkozy va choisir un de ses ennemis, justement pour éviter de se voir critiquer pour avoir choisi un de ses amis?

De toute façon, si un de ses ennemis acceptait un tel poste, et donc le devoir d’exécuter une mission avec laquelle il ne serait pas d’accord, puisque les députés PS et MoDem votent contre tous les textes gouvernementaux, y compris celui sur le sauvetage des banques, ce serait donc par pur opportunisme, pour ne pas dire vénalité. Or les socialistes ne sont pas sensibles à l’attrait de l’argent, des postes et du pouvoir, c’est bien connu. Quant au MoDem, la question ne se pose pas dans les mêmes termes car acheter un si petit parti ne serait pas d’un grand rapport.

Plus sérieusement, la pratique de nommer ses partisans aux postes de pouvoir est aussi vieille que la politique et répond à une logique claire. Il est plus facile d’appliquer une politique avec un groupe soudé et qui y croit qu’avec un ensemble aussi hétéroclite que la coalition gauloise qui a tenté de s’opposer à la conquête de la Gaule par Jules César. On sait comment cette alliance-là a fini.

Politiquement parlant, les socialistes sont sérieusement gonflés d’oser protester contre la nomination de Pérol, et ce, pour deux raisons. L’une est que, quand le plan Sarkozy de sauvetage des banques a été dévoilé, ils ont poussé des cris d’écorchés contre le fait que l’État soutenait et garantissait, mais sans prendre de pouvoir au sein des banques, comme des sièges de conseils d’administration. Maintenant que l’État s’implique dans les deux établissements français les plus atteints et va participer directement au capital, il faudrait que cette-fois-ci, pour les socialistes, et alors que les deux directions ont failli et doivent être remplacées, il ne prenne pas le pouvoir, contrairement à ce que les socialistes ont réclamé cette fois-là?

L’autre raison est que l’histoire devrait leur enseigner un peu plus de modestie. Après tout, ce sont eux qui ont nationalisé en 1981 pas moins de 40 banques. Combien de présidents ont-ils viré et remplacé par des socialistes bon teint? 40. Et dans l’audiovisuel, non seulement le président de l’audiovisuel public (il n’y en avait pas d’autre à l’époque) était nommé par le Conseil des Ministres, mais il y a eu une chasse aux opposants en bonne et due forme dans les rangs des cadres et des journalistes, virant et placardisant gaiement pour promouvoir les fidèles et récompenser les amis méritants. Jean-Pierre Elkabbach s’en souvient encore.

Il est utile de rappeler à ces socialistes à la mémoire décidément très sélective comment ils ont utilisé ce réseau de copains placés aux postes de commandement économique pour dénoyauter les entreprises privatisées avec des noyaux durs concoctés en son temps par Edouard Balladur. Et le retentissant scandale qui est résulté d’une tentative infructueuse d’appliquer cette méthode à la Société Générale, avec raid boursier, délit d’initiés et comptes à l’étranger. Et l’autre scandale issu de la même équipe, à savoir les délits d’initiés sur les titres d’une société américaine achetée par le français Péchiney. Délits d’initiés qui ont été commis non seulement par le meilleur ami de François Mitterrand, mais aussi par l’un des co-fondateurs de la FNAC, Max Théret.

Lequel Max Théret vient de mourir à 96 ans, après un parcours atypique pour celui qui s’est toujours dit homme de gauche. Un temps trotskyste, combattant les franquistes dans les ranges des républicains espagnols, fondateur de la FNAC, coopérative pro-consommateur depuis tombée dans le giron du très capitaliste François Pinault, fondateur du journal « investir », ce qui n’est quand même pas la même chose que « Lutte Ouvrière » ou « Rouge », et puis ce délit d’initié qui lui valut une condamnation correctionnelle pour avoir profité d’un tuyau trop bon pour être honnête.

Une histoire de délit d’initiés sur Péchiney-Triangle que la gauche a des raison d’avoir bien connu car, à l’époque, un des cadres dirigeants de cette entreprise alors leader mondial de l’aluminium, n’était autre que celle qui aujourd’hui joue les vierges effarouchées, le premier secrétaire du PS, Martine Aubry.

François Pérol

Martine Aubry

2 commentaires

  1. En attendant, il n’y a aucune logique à fusionner deux banques (qui échouent) pour après s’étonner qu’elles soient trop grosses pour ne pas les sauver.

    Quand va-t-on commencer à retenir des leçons de cette crise ?

    Commentaire by Thomas — 27 février 2009 #

  2. Le réponse à votre commentaire n’est pas binaire, cher Thomas. D’un côté vous avez raison, le fait de fusionner deux banques dont les équipes ont failli ne donnera pas par miracle une équipe surdouée.
    En revanche, la fusion de deux banques donne des économies d’échelle importantes au niveau de tout ce qui aujourd’hui est dupliqué à l’identique. Notamment tout ce qui est la gestion de l’épargne et des capitaux, qui est une part vitale de toute banque de dépôts. On peut aussi s’attendre à ce que la taille joue un rôle positif au niveau du rating de l’ensemble, et donc du coût des ses ressources, autre clef de voûte de la performance bancaire.
    Enfin le fait de réunir les deux actionnaires de Natixis leur permettra de reprendre le contrôle de cette filiale qui aura été le naufrage de la banque française dans le crise de 2008 (Dexia, l’autre catastrophe, est franco-belge). Natixis est quand même un paquebot de 24.000 personnes, dont il est urgent de maîtriser la capacité à perdre de l’argent.

    Commentaire by JM2 — 28 février 2009 #

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