La toute-puissance américaine

février 27, 2009 on 5:35 | In Economie, Europe, Incongruités, Insolite, International | 2 Comments

Oh, c’est vrai, le titre a de quoi provoquer. On lit en effet partout que la crise financière est le dernier clou dans le cercueil de la toute-puissance américaine, que ce soit sur le plan idéologique, avec la faillite du capitalisme libéral, ou sur le plan géopolitique.

Si on le lit déjà partout, vous n’avez pas besoin de le lire aussi sur JusMurmurandi :-)

Mais vous ne venez sans pas ici non plus pour lire systématiquement le contraire de ce que vous lisez par tout. Ce serait du négationnisme. Et pour cela, en politique ordinaire il y a déjà François Bayrou et l’hebdomadaire Marianne, et en crimes contre l’humanité il y a Mgr Williamson, qui en remet encore une couche ce matin en s’excusant pour les conséquences de ses déclarations, mais pas pour leur contenu.

Mais il se trouve que l’actualité donne en ce moment à voir un autre visage que celui généralement donné à lire sur les média internationaux. Et là, JusMurmurandi s’invite à la table de discussion.

Les craintes se multiplient de voir des pays d’Europe centrale sombrer dans la crise. Non pas souffrir, comme nous, mais sombrer, avec implosion financière, faillite de banques, évaporation, de l’épargne, fuite devant la monnaie, et le cortège de misère sociale qui en résulterait. Ou alternativement, ne pouvoir s’en sortir qu’avec l’aide du FMI mais se retrouver ligoté dans le corset de contraintes que celui-ci exige pour prix de ses prêts. Déjà la Hongrie et l’Ukraine sont passés sous ses fourches caudines, et d’autres pays semblent devoir y avoir recours.

La cause de la plus grande dureté de la crise dans cette région d’Europe est simple: pour se rebâtir après des décennies de communisme et d’économie centralisée et planifiée, ces pays ont misé sur les investissements étrangers et les exportations. Un exemple parmi mille, l’industrie automobile. Peugeot fait des petites voitures en partenariat avec Toyota en Tchéquie, et tout seul en Slovaquie, tandis qu’Audi fait des moteurs en Hongrie, Renault, outre sa production slovène, dévelope le roumain Dacia à marches forcée, tandis que Volkswagen fait de même avec le tchèque Skoda, etc. Et l’immense majorité des productions de ces usines est exportée, notamment en Europe occidentale, à des coûts moins élevés qu’une production locale.

Et la crise, en asséchant le marché automobile, a asséché leur plan de charge, conduisant à du chômage partiel et à des licenciements en masse. Les nouveaux investissements, qui venaient année après année soutenir la croissance de ces économies, se sont aussi taris, entraînant la fin des créations d’emplois.

JusMurmurandi ne peut s’empêcher de rapprocher ces situations de celle du Japon, autre pays dont le renouveau de croissance après deux décennies d’asthénie était lui aussi fondé sur les exportations. Lesquelles sont en baisse de plus de 40% en décembre 2008 et janvier 2009 par rapport aux mêmes mois de l’année précédente. un effondrement qui dépasse la capacité de n’importe quelle entreprise fondée sur les exportations à survivre.

Et la Chine, dont 30 millions de travailleurs migrants ont déjà perdu leur emploi, et dont la moitié des fabricants de jouets a déjà fermé, tout ceci pour cause de baisse des exportations, alors même que là, le marché intérieur reste relativement dynamique pour autant que les chiffres officiels aient le moindre rapport avec la réalité, ce qui est moins sûr là que dans d’autres régions du monde.

Dans toutes ces situations, un talon d’Achille, les exportations, et, le cas échéant, un facteur aggravant, les investissements étrangers.

Or quel est le marché qui n’a pas ce problème de dépendance aux exportations ou aux investissements étrangers? Celui qui a au contraire le plus gigantesque déficit commercial que le monde ait connu, et qui donc exporte les licenciements que la baisse de son marché induit. Les Etats-Unis bien sûr.

Longtemps il a été de bon ton de dauber sur la fragilité américaine parce que ses énormes déficits étaient financé par les achats étrangers de Bons du Trésor (par les Japonais puis par les Chinois). Et d’imaginer qu’un jour ces pays puissent mettre l’Oncle Sam à genoux avec la seule menace de ne plus en acheter.

Sauf que maintenant ce sont eux qui sont à genoux depuis que les citoyens de l’Oncle Sam n’ouvrent plus les cordons de leur bourse pour acheter leurs produits.

Si bien qu’on pourrait imaginer le président Obama mettre en demeure Chine et Japon de financer une partie du plan de relance américain, tant il leur est indispensable. Vu l’ampleur [les mots me manquent pour décrire ce qui requiert un superlatif de tous les superlatifs] du déficit budgétaire qu’il soumet au Congrès, cela pourrait vite se révéler aussi inévitable que révolutionnaire.

L’Europe pourrait se retrouver dans la même situation, à un moindre degré, entre ses parties occidentale et centrale-orientale.

Vous avez dit: crépuscule de la toute-puissance américaine?

Un courant d’opinion, appelé « conspirationniste » a tendance à voir derrière chaque catastrophe la preuve d’une conspiration. Le plus célèbre exemple est l’assassinat de John Kennedy à Dallas en 1963, le plus récent est le 11 septembre, que ces dingos attribuent au gouvernement américains lui-même.

JusMurmurandi leur donne matière à exercer leur imagination enfiévrée: et si, tant le résultat est de rabaisser les concurrents de l’Amérique, la crise économique était partie des Etats-Unis non pas comme le produit d’institutions financières trop dérégulées, de cadres trop rapaces et de risques trop mal appréciés, mais comme un tour de force du machiavélique gouvernement américain pour mettre ses concurrents à genoux?

2 commentaires

  1. Une dose de conspirationite ne m’a pas rendu « dingo »
    Cher Jus … et vous avez pris une grosse dose,si je
    lis bien cette longue et judicieuse note :)

    Commentaire by jerome — 28 février 2009 #

  2. Tout ce que la conclusion sur les conspirationnistes voulait montrer, cher Jérôme, est que, pour peu que vous preniez des faits isolés et soigneusement choisis, ils peuvent par une juxtaposition orientée donner une image fausse. Ainsi ici: la crise est partie des Etats-Unis (incontestable), elle ruine les rivaux de la toute-puissance américaine, Chine, Japon, Russie (incontestable encore), donc il s’agit d’un plan américain délibéré. Comme, au passage, il ruine des centaines de millions de gens pour ce faire, il est machiavélique, limite satanique. CQFD!

    Commentaire by JM2 — 28 février 2009 #

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