Un sondage pour quoi faire? Du journalisme, ou donner du foin aux ânes?

mars 1, 2009 on 1:48 | In Best of, Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, Insolite | 1 Comment

Oui, vraiment, à quoi sert un sondage? Réponse simple: à savoir ce que pensent les Français. On sait ce qu’il faut en penser, quand un journal (le Parisien-Aujourd’hui en France) titre que Sarkozy n’a pas convaincu une majorité de Français lors d’une intervention télévisée, sur la foi d’un sondage qui interrogeait des Français, qu’ils aient écouté/regardé ou non ladite intervention.

Autre exemple aujourd’hui de ces sondages qui semblent avoir pour but de faire dire quelque chose de précis aux Français:le même Parisien-Aujourd’hui en France interroge les Français (en tout cas, un panel dit « représentatif ») par le truchement de l’institut CSA, et titre: « l’affaire Pérol choque les Français ». Le journal affrme que 48% des Français jugent cette nomination « choquante », contre 38%… et 14% qui ne se prononcent pas.

Le propos de JusMurmurandi n’est pas de se prononcer sur la nomination de François Pérol, mais sur le traitement journalistique avalisé par le sondage. D’abord le titre: quand il dit « les Français », le Parisien « oublie de dire qu’ils ne sont qu’une minorité (48%), ou une majorité relative. Ce ne sont pas « les Français ». Ensuite, le journal ne dit pas à quelle question les sondés ont du répondre. Si évidemment la question était: « jugez-vous choquante ou parfaitement normale la nomination à la tête de la deuxième banque française de François Pérol, proche conseiller et ami de Nicolas Sarkozy, qui a d’ailleurs contribué au rapprochement entre les deux banques qui créera cette banque géante quand il travaillait pour la richissime banque Rothschild? », on peut se dire que n’avoir « que » 48% de Français choqués serait…choquant. Donc, sans énoncé de la question, nul ne peut se faire d’opinion sur ce à quoi les Français ont répondu, d’autant que le journal ne dit même pas quelle alternative a été proposée aux sondés à « choquante ». Lequel journal ne semble pas avoir de ces délicatesses ou pudeurs quand il tire pourtant de ce sondage ce titre vengeur.

JusMurmurandi se demande d’ailleurs ce que peuvent répondre les Français, quand ils ne savent pas grand-chose des conditions d’accession à la fonction de président de grande banque. Combien se font par parachutage, combien par promotion interne, etc… Et qu’en plus, comme l’opinion publique voit en eux en ce moment les auteurs et les fauteurs de la crise, soit Pérol n’est pas un banquier, et sa nomination montre une inexpérience coupable, et donc une nomination par la faveur du prince choquante, ou c’en est un, et c’est un faquin et un coquin. Et qu’en outre l’impopularité de son Président de patron le prédestine à une même impopularité.

Plus amusant encore, le sondage demande aux Français si la prise de participation de l’Etat est « plutôt une bonne chose ou une mauvaise » (réponse: 49% bonne, 41% mauvaise), et ceux qui y sont favorables disent « qu’ainsi l’Etat pourra surveiller l’utilisation des fonds publics ». M. de la Palice doit se réjouir, lui qui n’aurait pas manqué de faire remarquer que, s’il n’y avait pas de prise de participation, il n’y aurait pas de fonds publics dont il faille surveiller l’usage.

Bref, on le voit, tout est bon pour justifier un titre convenu à l’avance: il faut condamner la nomination de Pérol. Et c’est d’autant plus facile que le rapprochement ne permettra de redresser la situation des deux banques mal en point que si la nouvelle direction fait des changements. Dont certains ne peuvent manquer d’être douloureux: renvoi de certains dirigeants qui auront fauté ou failli, suppressions d’emploi pour faire des économies, dont celles que permet la fusion en supprimant des « doublons » entre les deux banques pour la partie que ne verra pas le client. Bref, redresser les comptes ne sera pas affaire d’enfant de chœur.

Autant d’occasions de montrer à ses lecteurs qu’ils avaient eu raison, en tant que sondés ou assimilés, de trouver choquante la nomination d’un banquier ami de l’Elysée qui se livre à des pratiques aussi scabreuses, voire dégradantes.

Des lecteurs avisés, informés par un journal éclairé. Cet éclairage, c’est sans doute ce qu’il convient d’appeler de la lumière artificielle. Artificielle comme la survie de la presse quotidienne française qui n’est due qu’à la perfusion de fonds publics. Ceci n’a bien entendu aucun rapport avec cela. Sauf à imaginer que les lecteurs ne soient moins bêtes que les journalistes ne le croient qui leur servent pareil foin comme s’ils n’étaient que des ânes…

François Pérol

Un commentaire

  1. Ca me fait penser à ce récent sondage sur la « popularité des fonctionnaires », textuellement, Aimez-vous les fonctionnaires ?
    Outre que la question est franchement niaise vu qu’on imagine mal quelqu’un répondre détester une catégorie de personnes aussi éparse, l’article ne précise pas la part de fonctionnaires parmis les sondés. Quand on sait que ça tourne autour de 25% dans ce pays, le résultat dithyrambique de 73% est pour le moins cocasse. Séance d’auto-thérapie ?

    le lien : http://www.20minutes.fr/article/306505/Emploi-Fonctionnaires-les-Francais-vous-aiment.php

    Commentaire by Thomas — 4 mars 2009 #

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