Euro-mystère, ou euro-misère?

mars 4, 2009 on 4:29 | In Economie, Europe, France, Incongruités, International | Commentaires fermés

Il n’est pas toujours bon d’avoir de la mémoire, cela permet trop souvent de rappeler à d’aucuns, experts en particulier, des prédictions qui ne se sont pas réalisées.

JusMumurandi se souvient en particulier de tous les prédictions apocalyptiques qui ont accompagné la naissance de l’Euro. Une monnaie unique pour des pays ayant des politiques économiques divergentes ne saurait survivre, affirmaient toutes les sommités en matière économique.

Le fait est là, une tornade d’une ampleur sans précédent a balayé le système financier mondial, et l’euro est toujours là. Et il suffit de regarder le sort des monnaies restées « indépendantes » de l’euro pour voir la différence. Forint, zloty, couronne ont perdu de 15% à 30% de leur valeur face à l’euro depuis novembre, non pas dans une volonté affirmée de dévaluation compétitive, ou à cause d’une baisse des taux d’intérêts pour vigoureuse que chez nous pour mieux relancer la machine, mais à cause d’une fuite devant ces « petites » monnaies assises sur des économies nationales que la crise fragilise. Quant au rouble, il combine grande faiblesse et taux d’intérêts élevés, un couple véritablement infernal pour l’économie et la population russes

Et c’est à ce moment qu’on assiste à une double interrogation en apparence contradictoire: certains pays sont en difficulté avec leur appartenance à la zone euro, comme la Grèce, ou, à un moindre degré, l’Italie, et des articles de presse commencent à évoquer leur possible abandon de la monnaie unique pour revenir à une monnaie nationale. Et, dans le même temps, des pays d’Europe centrale, Pologne notamment, demandent une accélération du calendrier de leur adhésion à la même monnaie unique.

Quel est donc cet euro-mystère?

Tout simplement, les finances publiques grecques sont, avant même la forte dégradation qu’entraînera la crise, en état lamentable. Trop de déficits, trop de dette publique accumulée font que le remboursement de cette dette est aujourd’hui considéré comme incertain, et que la Grèce peut être tentée de se demander si ne pas la rembourser n’est pas une option attractive. Comme la Grèce avait déjà menti outrageusement sur la réalité de ses performances financières pour obtenir son accession à la zone euro, ce précédent de flibuste financière n’inspire pas particulièrement confiance aux investisseurs. D’où des difficultés pour la Grèce à trouver preneur pour ses émissions de dette souveraine, ce qui n’est évidemment pas bon pour l’euro, monnaie actuelle de la Grèce.

Quel avantage la Grèce pourrait-elle trouver à sortir de l’euro? Le « droit » de dévaluer sa monnaie, ce qui la rendrait plus compétitive à l’exportation. Les vacances en Grèce, par exemple, seraient plus compétitives que celles, aujourd’hui mois chères, en Croatie voisine. Et, évidemment, qui peut dire que la perspective de ne pas payer ses dettes ne présente pas d’attrait pour les mauvais sujets? Ceci dit, comme toujours, une telle dévaluation compétitive se paye par une inflation importée, et une augmentation immédiate du poids de la dette étrangère.

Tandis que l’adhésion de la Pologne, par exemple, à l’euro, se traduirait par la fin de la baisse de sa monnaie, et la capacité améliorée à lever de la dette, vu le plus grand appétit des investisseurs pour la dette en euros qu’en zlotys. Cela dit, les inconvénients subis par les Grecs seraient alors ressentis par les Polonais: dans un premier temps il faut assumer une devise forte, qui ne permet pas d’ajuster son cours à la baisse quand les voisins et concurrents le font. Ensuite, s’ils lèvent trop de dette, l’euro devient comme un corset qui ne leur laisse plus les libertés louches qu’on peut prendre avec sa propre devise.

Et, après avoir beaucoup emprunté, ils pourraient se retrouver à leur tour tentés d’en sortir pour retrouver leur liberté de manœuvre.

Cela veut-il dire que tous les pays de la zone euro seront attirés, à un moment ou à un autre, par l’idée de quitter la monnaie unique, source de leurs euro-misères?

Comme le dit l’adage:  » quand je me regarde, je me désole (et comme c’est vrai en ce temps de crise), quand je me compare, je me console ». Force est de constater, si l’on mesure l’intensité de la crise à la « croissance » (vu qu’elle a été négative partout, j’ai du mal à employer ce mot, mais parler de « décroissance » ne serait pas encore clair pour vous tous, nos lecteurs) du 4e trimestre 2008, la comparaison de la zone euro avec la Grande Bretagne, le Japon, la Corée ou les Etats-Unis montre que cela va encore nettement plus mal chez les autres grandes économies occidentales que chez nous.

Mais enfin, un grand européen, Jules César, qui, lui, a réussi à inclure l’Angleterre dans l’Europe qu’il a construit, a dit qu’il préférait « être premier dans un petit village italien que deuxième à Rome ». Peut-être la Grèce préfère-t-elle être bannie par les marchés financiers et ligotée par les exigences du FMI, mais libre de sa monnaie que de participer à l’auberge espagnole de l’euro?

Cela montrerait que certaines choses sont sans prix. Surtout à un moment où la monétisation à outrance de notre mode de vie et de notre civilisation montre ses limites, le relais peut-il être pris par autre chose que par le retour de valeurs plus essentielles?

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