Bombarder d’argent, Mandela et Mugabe

mars 6, 2009 on 7:12 | In Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, International | 4 Comments

Les bombes pleuvent, tel est le cliché utilisé pour décrire un bombardement particulièrement intense. Il a plu des bombes sur l’Afghanistan, puis sur l’Irak, puis plus récemment sur Gaza. Ces bombes explosent dans le but principal de détruire des infrastructures, ce à quoi elles réussissent fort bien quand elles ne tombent pas sur des cibles autres que celles auxquelles elles étaient destinées.

Le résultat est que, si le décompte des morts d’une guerre « technologique » est beaucoup plus faible aujourd’hui qu’il y a un siècle, le champ de ruines qu’elle laisse est tel que toute vie décente est impossible. Plus d’eau potable, d’électricité, de transports. Pour rétablir un minimum de conditions de vie, il faut donc reconstruire.

Et c’est là qu’on assiste à une étrange démarche: on demande à « la communauté internationale » de payer la note, souvent pharaonique, de la reconstruction. Ainsi 4,5 milliards de dollars ont été promis pour la reconstruction de Gaza, alors même qu’il n’y a eu objectivement qu’une guerre de courte durée dans un tout petit territoire, et ce au milieu d’une crise économique gravissime qui met à mal la capacités financières de tous les États donateurs.

JusMurmurandi ne détestant pas de ressortir des souvenirs de son sac à malice, rappelle que c’est la France, perdante de la guerre de 1870, qui a du en payer les coûts, que c’est l’Allemagne, perdante de la première guerre mondiale qui a été condamnée à des « réparations », et que l’Union Soviétique s’est largement servie dans la partie orientale de l’Allemagne (encore!) après 1945.

On pourrait penser que ces exemples sont périmés, et que le lien entre l’Allemagne écrasée par le poids des exigences des vainqueurs de 1918 et l’Allemagne se donnant à Adolf Hitler qui promettait de la redresser fait que notre monde moderne ne se livre plus à de tels pillages. Erreur. C’est bel et bien l’Irak de Saddam Hussein qui a financé par ses exportations de pétrole le coût de la coalition de la première guerre du Golfe.

Alors au nom de quoi payer aujourd’hui pour Gaza, alors que chaque pays en pleine crise a tant d’autres priorités?

Sans doute au double nom d’une part de notre mauvaise conscience à voir les populations civiles souffrir d’une guerre qu’elles n’ont pas menée et conte laquelle elles ne peuvent rien. Une manière de tenir plus égaux les fléaux de la balance: soutien à Israël d’un côté, reconstruction de Gaza de l’autre. Et Israël ne saurait s’en plaindre, qui sait le prix qu’il y aurait à voir les gazaouis rejoindre en masse les rangs des suicidaires du Hamas. L’autre raison possible est la crainte de voir la guerre à Gaza se traduire par des violences sur le sol français. En attendant, le coût de la reconstruction est bel et bien pour des contribuables qui n’ont rien à voir avec le conflit.

La reconstruction s’impose aussi ailleurs, et plus près de chez nous, puisque c’est de la Guadeloupe qu’il s’agit. Les éructations de M. Domota qui donne aux chefs d’entreprise le choix entre appliquer un accord qu’ils n’ont pas signé et leurs organisations représentatives non plus, et quitter la Guadeloupe, -belle définition de la démocratie- ont sans nul doute causé des dégâts économiques importants. Qui peut aujourd’hui avoir envie de faire du tourisme en Guadeloupe, où les routes sont aussi bloquées que les relations sociales, et où le sentiment général est que la pression peut à tout moment causer une autre éruption?

Bref, là aussi, il va falloir reconstruire. Et là aussi, ce ne sont ni les uns ni les autres sur qui l’on peut payer, mais sur l’éternelle bonne volonté de ceux à qui l’on ne demande jamais leur avis, les contribuables.

Il ne faudrait pas oublier que c’est exactement cette situation, à savoir l’obligation de payer sans pouvoir donner son avis, qui a fait exploser les Révolutions américaine et française. Une majorité de Français sont aujourd’hui favorables à l’indépendance des DOM-TOM. M. Domota, que l’on dit lui aussi favorable à cette idée, ferait bien de mesurer ses paroles et de méditer le sort des colonies qui ont éjecté les Français. L’Algérie en particulier, autrement plus riche que la Guadeloupe grâce à son pétrole, est un exemple de ce qu’il ne faut pas faire, qui autrefois donnait aux Français de la métropole le choix entre la valise et le cercueil.

Un combat de libération et pour les droits de tous a donné au monde le prodigieux Nelson Mandela, dont on peut imaginer qu’il enfièvre l’imagination de M. Domota qui parle à tout moment du mot esclavage. Mais juste à côté, la même lutte a au contraire accouché du misérable Mugabe, qui, comme Domota, n’a que les mots de l’affrontement tandis que Mandela parlait de réconciliation, alors même qu’il sortait de décennies de bagne.

Ce n’est pas exactement la même chose.

Elie Domota

4 commentaires

  1. La différence entre la Guadeloupe et les autres DOM-TOM, et l’Algérie, et les autres anciennes colonies, c’est que la Guadeloupe n’est pas actuellement peuplée de ses habitant originels, les Taïnos ou qque chose comme ça.
    Les Noirs n’ont pas spécialement de droits pour se sentir chez eux, pas plus que les Békés en tout cas.
    Il ne faut pas oublier cet argument quand on discute avec des partisans d’une « certaine » indépendance… Ceux qui chantent « La Gwadloup sé tan nou, la Gwadloup a pa ta yo »…

    Commentaire by Paulot — 7 mars 2009 #

  2. Vous avez tout à fait raison, cher Paulot. Mais il y a un précédent. Les Noirs d’Afrique du Sud ne sont pas les habitants originels, comme vous dites, ce sont les Bushmen (ou bochimans comme on disait dans l’ancien temps). Les Noirs ont été amenés par les Blancs après, comme main d’œuvre. Donc pas de droit d’antériorité.
    Mais, comme en Guadeloupe, le sentiment de culpabilité des Blancs pour leurs années esclavagistes…

    Commentaire by JM2 — 7 mars 2009 #

  3. Question naive : est-ce que Israel fait parti de « la communauté internationale » en question ? J’en doute fort, si je me réfère à toutes les condamnations par cet même instance. Enfin comme d’hab, on va payer pour d’autres. Bien que je préfère payer pour les Gazaoui que les quelques parasites d’outre-mer.

    Commentaire by Thomas — 11 mars 2009 #

  4. Vous aurez noté, cher Thomas, que nous avons écrit « la communauté internationale » entre guillemets, car les donateurs pour Gaza ne sont pas une organisation structurée, mais plutôt une addition de pays au hasard des « bonnes volontés ».
    Quant à nous dire que vous préférez payer pour les Gazaouis que pour les parasites de DOM-TOM, croyez-vous qu’il soit nécessaire d’aller si loin chercher les parasites, et que nous n’en ayons pas (aussi) en métropole?
    Et si vous voulez vous transformer en parasiticide, JusMurmurandi vous accueillera encore plus volontiers que d’habitude, tant c’est une lutte qui nous tient à coeur.

    Commentaire by JM2 — 11 mars 2009 #

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