Du bon usage de Nietzsche en période de blocages d’université

mars 20, 2009 on 7:44 | In Best of, Coup de gueule, France | Commentaires fermés

JusMurmurandi observe avec amusement et désolation le cortège grotesque d’étudiants encore adolescents, bloquant à quelques dizaines l’accès de leur université aux milliers d’autres qui souhaiteraient aller y étudier. Les inénarrables AG, soviets navrants et enflammés où une poignée de casseurs incultes décide de voter sans rire l’interdiction du libéralisme ou l’invalidation de l’élection de Nicolas Sarkozy, font désormais partie du paysage français, et illuminent chaque année, alors que reviennent le printemps et son lot de poussées hormonales urbaines incitant les porteurs de pancartes à battre le pavé sous le regard ému et bienveillant de professeurs complices, ce qu’il est désormais convenu d’appeler le « printemps social ».

 

Mais si ce cirque tout aussi cocasse que prévisible creuse chaque jour un peu plus la tombe de la France maquillée sous le nom usurpé mais rassurant de révolte, il n’en demeure pas moins amusant de regarder s’égosiller ces bandes d’adolescents dont les méthodes d’intimidation rappellent que, loin d’être des idéalistes, comme le disent à l’envi des media fascinés par le miroir de leur propre jeunesse, ce sont là des réalistes pragmatiques, capables de paralyser en quelques heures l’ensemble de l’enseignement supérieur d’un pays, grâce aux réseaux qu’ils ont patiemment tissés en vue d’être désormais les véritables maîtres de l’université contemporaine.

 

Minoritaire numériquement, certes, mais infiltrés à chaque poste stratégique, et dotés d’une volonté sans faille d’en découdre avec le système dont ils oublient qu’ils sont le produit le plus navrant. Nourris aux pensées du soupçon, adulant les Bourdieu, Foucault, Derrida et autres Lyotard, ils brandissent Nietzsche comme l’étendard vibrant de ce qu’ils croient être l’expression de leur révolte. Ces anarchistes venus de SUD et de la CNT, réclament à tue-tête à un Etat dont ils nient la légitimité, de l’argent, des droits, de la justice, du bonheur. Ils vont mal, ils sont malheureux, mais il leur faut un coupable : ce coupable, ce ne peut pas être eux, ce ne peut être que l’Etat bourgeois, vendu au diable lui-même, soutenu en sous-main par Laurence Parisot qui, selon les slogans en vogue, « nuit gravement à la France ». Alors le remède à leur mal-être ne pourra être à leurs yeux que la dénonciation du coupable à cause duquel ils souffrent, et toute leur lamentable existence se transformera en haine à l’encontre de bouc-émissaires hypostasiés en démons auxquels on signale, chaque jour, l’illégitimité de leur pouvoir et, parfois même, de leur existence. S’ils n’en sont pas convaincus, on le leur rappellera par l’envoi de menaces de morts, délicatement accompagnées de balles de 9mm.

 

Alors, à tous ces apprentis anarchistes qui croient se réclamer de Nietzsche et du soupçon, JusMurmurandi aimerait rappeler que ce dernier, dans le Crépuscule des idoles, livre qu’ils n’ont pas dû lire puisque leurs camarades de 2005 en ont détruit les exemplaires dans les bibliothèques universitaires que, de toute façon ils ne fréquentent guère, avait eu les mots suivants à leur encontre :

 

« Quand l’Anarchiste, en tant que porte-parole de couches décadentes de la société, exige avec une belle indignation le « Droit », la « Justice », l’ « Egalité des Droits », il n’agit que sous la pression de son inculture, qui ne sait comprendre pourquoi il souffre au fond, et de quoi il est pauvre, c’est-à-dire de vie… C’est l’instinct de causalité qui l’emporte chez lui : s’il se sent mal, il faut quelqu’un soit en soit cause… De même, sa « généreuse indignation » lui fait déjà du bien. C’est pour tous les pauvres diables un vrai plaisir que de pouvoir proférer des injures – cela donne une petite ivresse de puissance. Les plaintes, déjà, et le simple fait de se plaindre, suffisent à donner à la vie assez de charme pour qu’elle soit supportable. Il y a dans toute plainte une subtile dose de vengeance : à ceux qui sont faits autrement, on reproche son mal-être, ou, le cas échéant, sa bassesse, comme une injustice, comme s’ils jouissaient d’un privilège illicite. « Si je suis une canaille, tu devrais aussi en être une. ». » 

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Cela se trouve au § 34 du Crépuscule des idoles, mais savent-ils seulement qu’il existe des nombres autres que 17, 36 et 68 ?

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