La cavalerie américaine arrive à temps pour la Société Générale

mars 21, 2009 on 6:45 | In Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, Insolite, International | Commentaires fermés

Certaines institutions ont, presque autant que des humains, du caractère. Dans certains cas, mauvais caractère, dans d’autres un caractère particulier. C’est le cas d’une banque qui ne fait jamais rien tout à fait comme les autres, la Société Générale. Si bien qu’elle devrait changer de nom pour s’appeler la Société Particulière, car son cas est tout sauf général.

Cette semaine éclaire une fois encore les particularismes de cette vénérable banque. D’un côté, elle figure au 2e rang sur la liste des banques que l’assureur américain AIG n’a pu rembourser que grâce aux fonds injectés par l’Etat américain. 11,9 milliards de dollars, une paille! Seule Goldman Sachs a reçu plus, qui, soit dit en passant, est l’ancienne boutique de Henry « Hank » Paulson, le secrétaire d’Etat au Trésor de l’Administration Bush qui a décidé de sa survie et de ne pas aider Lehman, le rival honni.

11,9 milliards de dollars d’argent du contribuable américain, soit presque exactement 2 Kerviel. Il est clair que la Société Générale n’aurait jamais pu survivre si elle avait du faire une croix sur cet argent. En tout cas, pas comme banque indépendante. Elle doit donc une fière chandelle à Henry Paulson et aux contribuables américains qui l’ont tiré d’un mauvais pas.

Vous direz qu’après tout, AIG n’a fait qu’honorer ses contrats, et que la Générale n’a donc rien reçu de particulier. Mais, quand une banque vous refuse un prêt, c’est qu’elle estime ne pas être sûre d’être remboursée, et donc qu’il y a trop de risque. Et que c’est son métier de ne pas prendre trop de risque. Là, quoique la somme soit un peu plus élevée (!), la mécanique est la même. La Générale a prêté, donc pris un risque. Et ce risque a failli la couler. Elle ne dira jamais assez merci à l’Oncle Sam.

Pendant ce temps-là, les dirigeants de la Générale se sont voté, on l’a appris hier, un généreux plan de stock-options. Alors certes ils l’ont étendu à 4200 personnes pour éviter les critiques. Mais quand même, des stocks options, d’un montant qui atteint plusieurs millions d’euros pour les principaux dirigeants alors que (1) la Générale a quand même la même année subi la perte Kerviel et failli couler avec AIG, et que (2) elle est sous perfusion d’argent public.

Mais sur quelle planète vivent donc ces cadres? Si, dans ces conditions ils se votent des stock-options, n’y en a-t-il donc aucune où ils considèrent que leur performance aura mérité zéro? On comprend Nicolas Sarkozy quand il dit que les entreprises qui auront mendié (il n’y a pas d’autre terme, même s’il n’est pas commun dans les salons feutrés du capitalisme financier) l’aide de l’Etat ne sauraient distribuer aucune « rémunération variable » (stock option, bonus, etc..) tant que durera ce soutien.

On imagine que la Société Générale et ses dirigeants se contrefichent de ce que dit Nicolas Sarkozy, comme à l’époque où il estimait que Daniel Bouton devait partir en tant que PDG au moment de l’affaire Kerviel. Bercy exige d’ailleurs, dans la foulée du Président, que les bénéficiaires de ce plan ne touchent rien tant que le soutien de l’Etat sera nécessaire. La SG s’y plie d’autant plus volontiers que l’une des conditions des stocks options étaient qu’elles ne puissent être exercées avant 2012, ce qui fait que les conditions de Bercy ne changent rien. En attendant 2012, la valeur des stocks options continue de courir, et, comme elles auront été émises à un cours particulièrement bas, elles ont des chances de rapporter d’autant plus à leurs heureux bénéficiaires. Qui, s’ils n’ont pas su gérer de façon à éviter Kerviel et AIG, savent en revanche très bien compter quand leur intérêt est en jeu. A titre d’exemple, le petit rebond du titre SG en quelques jours vaut déjà, en théorie, une plus-value sur papier de 600.000 euros pour M. Oudéa, son directeur général. On n’en attendait pas moins du successeur de Daniel Bouton à ce poste.

Mais JusMurmurandi se pose une question aussi impertinente que taquine. Si la Générale a été sauvée par le renflouement d’AIG, qui lui a permis de récupérer ses 11.9 milliards de dollars fort aventurés, elle est donc un des bénéficiaires de l’aide publique américaine. Et donc n’est-elle pas astreinte au conditions qui y sont attachées?

On rappellera que le Congrès américain vient de voter l’imposition à 90% de toutes les rémunérations variables des dirigeants d’entreprises ayant reçu l’aide de l’Etat américain.

90% sur le produit des bonus et des stock-options? Cela montre qu’aux Etats-Unis, temple du capitalisme, mais aussi pays très religieux, le pardon des fautes passe par la repentance. Et, comme l’a rappelé encore récemment le pape, par une bonne vieille période d’abstinence. Et la SG, après avoir accepté l’argent de l’Oncle Sam, peut difficilement ne pas accepter aussi la leçon de morale. Sinon, ce serait mordre la main qui l’a nourrie…

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