Ce serait presque drôle…

mars 24, 2009 on 11:53 | In Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, International | Commentaires fermés

Enfin, Timothy Geithner, tout récent Secrétaire américain au Trésor, a fait connaître les grandes lignes de son plan pour dégager les banques de son pays de leurs actifs pourris, essentiellement immobiliers.

C’est un peu compliqué, mais vaut le coup de s’y intéresser, compte tenu des enjeux. On parle de 500 à 1000 milliards de dollars, ce qui n’est pas rien. Une approximation de 500 milliards, ce n’est pas rien non plus.

Soit, donc, un actif bancaire de 100$, par exemple, au hasard, un crédit immobilier « subprime ». Il s’agit de le vendre, car il est « douteux ». D’abord il faut le faire évaluer, ce qui sera confié, et c’est une nouveauté, au secteur privé, et mettons qu’il ne vaille « que » 84$. L’idée de Tim Geithner est de trouver des investisseurs privés pour l’acheter, de part à deux avec l’Etat américain, pour mettons, 12$ de cash (6 chacun) et 72$ d’emprunts accordés par l’Oncle Sam.

Donc la banque touche 84 dollars de cash. Comme il est à espérer qu’elle a déjà déprécié cet actif par rapport à ses 100$ initiaux, cela devrait se faire sans perte pour elle. Au contraire, elle va avoir 84$ de cash « libres » qu’elle pourra de nouveau prêter, ce qui contribuera à ranimer l’économie américaine qui a ses vapeurs. Les deux investisseurs vont maintenant espérer que leurs 84$ d’actifs vont repartir à la hausse, portés par la revitalisation de l’économie, ce qui générerait un profit consiérable par rapport à une mise de seulement 12$. Ainsi, si l’immobilier « pourri » remonte de 10%, cela fera 8,4$de plus-value, soit un gain de plus de 60% pour chacun des investisseurs. Si, en revanche, le marché baisse (ou, plus exactement, continue de baisser), ils peuvent rapidement perdre tout l’argent investi.

Cette approche a pour avantage majeur de ne pas laisser les banques américaines enchaînées au boulet de leurs crédits pourris comme l’ont été les banques japonaises des années 80-90, ce qui a contribué de manière déterminanate à 20 ans de stagnation économique.

Et hop! comme eût dit Achille Talon. C’est réglé!

Un petit détail frappe JusMurmurandi. Qui seront les investisseurs privés qui vont ainsi décharger les banques en prenant un fort risque, de gains comme de perte? Probablement des hedge funds, qui sont créés très exactement pour ce genre de situations. Comment? Des hedge funds jouant à fond l’effet de levier? Mais n’est-ce pas l’une des causes principales de la crise actuelle?

Non, l’une des causes principales de la crise actuelle, c’est l’endettement excessif des acteurs économiques, avec trop peu de ressources (pour les particuliers) et de fonds propres (pour les banques) pour faire face à un ralentissement qui fait partie de tous les cycles économiques. Mais, pour financer ce plan de « nettoyage » des bilans bancaires, l’État américain ne s’endettera-t-il pas trop par rapport à ses ressources? Avec un déficit fédéral prévu à 1800 milliards, c’est-à-dire 13% du PIB, excessif n’a tout simplement plus de sens. Surtout quand on en est à 500 milliards de plus ou de moins, comme aujourd’hui avec le plan Geithner.

Accessoirement, il est amusant de voir Martine Aubry, Benoît Hamon et compagnie prendre argument des sommes gigantesques dépensées par l’équipe Obama (en paroles tout au moins jusqu’ici) pour montrer que Sarkozy ne fait rien contre la crise. Ce sont les mêmes qui ont vilipendé pendant toute leur vie le modèle américain, et qui subitement, le prennent en exemple, alors même que la situation des deux pays n’est pas comparable.

En attendant, il est consternant de voir les pouvoirs publics de tous bords faire exactement ce qu’ils reprochent aux banques et aux particuliers d’avoir fait, puis encourager les hedge funds de prendre de fortes positions avec fort risque, tandis que les Banques Centrales créent force liquidité. (fForce liquidité, vu les montants en cause, le mot est faible…). bref, pour sortir de l’éclatement d’une bulle, on créé les conditions d’une nouvelle bulle, encore plus grosse. Exactement ce qu’on reproche aujourd’hui à Alan Greenspan, autrefois adulé comme Chairman de la Réserve Fédérale américaine, d’avoir fait.

Ce serait presque drôle, si ce n’était aussi terrifiant…

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