Boucs émissaires: le temps des charognards et du populisme

mars 25, 2009 on 6:56 | In Best of, Coup de gueule, Economie, France, Incongruités | 2 Comments

Thierry Morin n’a pas de chance: un désaccord stratégique avec ses actionnaires le force à quitter le poste de PDG de Valeo. Compte tenu qu’il y a passé 20 ans, ce n’est pas le renvoi d’un simple mercenaire qui saute de poste en poste, mais l’éjection d’un grognard de l’époque légendaire de Noël Goutard, qui fit de Valéo ce qu’il est aujourd’hui.

Lequel Thierry Morin s’en va, et, comme son contrat le stipule, part avec deux ans de salaire, soit quelques 3 millions d’euros. Soit dit en passant, 1,5 millions d’euros par an, d’ailleurs ramenés récemment à 1,1 millions ce n’est pas le record du CAC 40, loin s’en faut.

Oui, mais maintenant, c’est la crise, et ce qui n’aurait pas valu plus de deux lignes de feuilles de chou pour obsédés de la finance fait aujourd’hui les gros titres de la presse nationale. Car Valeo est un équipementier automobile, et, à ce titre, en difficulté. 5000 suppressions de postes sont programmées, et le contraste avec les millions de Valeo fait désordre.

A partir de là, c’est la curée contre Morin. Nicolas Sarkozy, Laurence Parisot, Luc Chatel, les syndicats, la gauche, tous s’y mettent. Et, en passant, mélangent gaiement bonus et parachutes dorés, Bilger, l’ex-patron d’Alstom, Morin et les dirigeants de la Société Générale.

JusMurmurandi, une fois de plus écoeuré par la lâcheté et la veulerie de ces donneurs de leçons de morale qui ne sont que des leçons de démagogie, voudrait rappeler quelques faits.
- Thierry Morin ne touchera qu’une petite fraction des quelques dizaines de millions d’euros avec lesquels Daniel Bernard a quitté Carrefour, ou des stock options de Jaffré chez Elf. Pourtant il a fait toute sa carrière chez Valeo, alors qu’eux étaient des mercenaires de passage pour quelques années.
- Autant Pierre Bilger peut être tenu pour responsable des difficultés gravissimes d’Alstom, ce n’est pas Thierry Morin qui a inventé la crise automobile
- alors que le plan de stock-options de la Générale a été concocté en pleine tourmente, et donc en connaissance de cause, et que de multiples parachutés dorés sont négociés en dernière minute, Morin demande simplement l’application d’un contrat qui a été rédigé il y a des années

Ceci ne veut pas dire que JusMurmurandi soit insensible à la dissonance entre millions et suppressions de poste. Mais il faut raison garder.

Savez-vous combien touchera un salarié de Valeo licencié économique après 20 ans de maison? Si on tient compte de son préavis, de ses indemnités et de son chômage, auquel Morin n’a pas droit? Plus que Morin, si l’on mesure en années de salaire

Imaginez-vous ce que l’inspection du travail fait à une entreprise qui, au moment d’un licenciement, ne veut pas appliquer une clause de contrat de travail favorable à un employé? Elle la crucifie (le mot n’est pas trop fort). Sans compter le traitement médiatique réservé à l’entreprise par les syndicats devant les micros et caméras complaisantes. C’est pourtant ce qu’on demande à Valeo de faire dans le cas de Morin

JusMurmurandi est effaré de voir à quel vitesse le sentiment anti-patron et anti-riches progresse en France depuis l’arrivée de cette crise. Il est d’ailleurs stupéfiant de voir que la droite s’y adonne avec les mêmes délices que la gauche alors même que c’est contraire à son programme. Le pouvoir met donc en place un bouclier fiscal à 50% et courtise les riches pour qu’ils ne partent pas de France ou y reviennent, non sans succès d’ailleurs. Et, en même temps, ils les laissent se faire dévorer par la vindicte populaire dès qu’ils touchent de l’argent, même prévu à un contrat, même quand ils n’ont pas failli, même quand c’est le salaire d’une vie.

Nous avons souvent critiqué dans les termes les plus nets l’indécence qu’il y a à se servir une forte rémunération en cas d’échec. Mais une politique dominée par un ressentiment populaire attisé par la peur de la crise, lequel balaye le droit, l’équité, la morale et la raison, une telle politique à un nom: c’est le populisme. il y en a des exemples historiques, tel Peron en Argentine, ou contemporains, tel Chavez au Venezuela.

Sur le fond, JusMurmurandi ne dit pas que le populisme soit une voie interdite. Simplement qu’elle n’a jamais réussi, ce qui devrait nous rendre prudents avant d’emprunter ce chemin si tentant par la facilité qu’il offre. Et, accessoirement, qu’il n’y aura jamais de France riche sans Français riches.

PS: ceci n’est pas un plaidoyer pour Thierry Morin individuellement. Un dirigeant est un mandataire social qui connaît les conditions d’exercice de sa fonction, et les risques qu’il y a à mécontenter ses actionnaires.
Accessoirement, il est ironique de voir Morin vilipendé par toute la gauche alors qu’il est un homme d’entreprise, et que l’actionnaire qui a mené la rébellion contre lui est un fonds d’investissement américain focalisé uniquement sur le cours de l’action. Il est évident que son successeur sera recruté pour donner satisfaction à ses actionnaires. JusMurmurandi n’est pas sûr que le coût pour l’entreprise et ses collaborateurs ne fasse pas bientôt regretter Morin par ceux-là mêmes qui aujourd’hui font la une à bon compte en le dévorant à belles dents.

Thierry Morin

2 commentaires

  1. C’est exactement ce que je pense de toute cette histoire, de grâce stop à la démagogie même si il est vrai qu’avec une gauche aussi irresponsable qu’aujourd’hui ça n’aide pas le gouvernement dans sa tâche.

    Commentaire by Sébastien — 25 mars 2009 #

  2. Merci de partager notre avis, cher Sébastien, et de nous le dire. Quand on s’oppose à la démagogie populiste régnante, il arrive de se sentir un peu seul. Mais lisez notre billet de brèves d’aujourd’hui, et vous y trouverez je pense matière à réflexion.

    Commentaire by JM2 — 25 mars 2009 #

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