Noté: zéro pointé!

avril 3, 2009 on 6:32 | In Best of, Coup de gueule, Economie, Incongruités, International, Poil à gratter | 5 Comments

Enfin, le G20 a accouché d’une résolution pertinente. Pas les 1100 milliards de dollars promis pour la relance immédiate, ni les 5000 milliards à terme, ni le quadruplement des ressources du Fonds Monétaire International, quoi que toutes ces mesures soient loin d’être négligeables. Pas les mesures de supervision des hedge funds, quoi que ceci soit certainement une étape dans la bonne direction. Pas l’exigence que tous les pays imposent une supervision des risques des acteurs économiques qui s’y trouvent, mettant ainsi fin aux paradis fiscaux incontrôlés, quoique cela aussi ne puisse que réduire les menaces contre la stabilité du système financier mondial.

Ce que JusMurmurandi a vu avec ravissement, c’est un petit paragraphe de 3 lignes et demie concernant les agences de notation. Car il ne faut pas sous-estimer leur rôle dans la crise actuelle.

C’est parce qu’il existe des agences de notation que des milliards de dollars peuvent être investis dans des actifs auxquels l’investisseur ne comprend rien. Il lui suffit de se fier à la note délivrée par l’agence.

Les autorités locales anglaises, comtés et municipalités ont confié des milliards de livres à des banques islandaises sans avoir jamais mis les pieds en Islande, lesquels milliards sont maintenant menacés de couler avec toute l’économie islandaise. Ils ne l’auraient jamais fait si les banques islandaises n’avaient pas été bien notées par les agences de notation.

Le marché des CDS, ou credit default swaps, n’aurait pas atteint le niveau faramineux de dizaine de milliers de milliards de dollars (il n’existe pas de chiffre précis et concordants sur le sujet!) si les agences n’avaient pas béni le fait que ces CDS permettaient de se débarrasser d’un risque trop important. Demandez donc à Lehman ou à AIG si ça a vraiment fonctionné comme ça…

Le marché de la titrisation n’aurait jamais permis de disperser des actifs au quatre coins du monde financier si ces actifs titrisés n’avaient pas bénéficié de bonnes notes des agences, suscitant une confiance dont les événements ont montré ce qu’elle valait.

Les crédits subprimes ne se serait jamais développé si les agences n’avaient pas noté au mieux des paquets de ces crédits simplement parce qu’ils avaient été garantis par la signature d’un assureur en tant que réhausseur de crédit. A preuve qu’il ne reste plus un seul réhausseur de crédit important aux États-unis qui n’ait été sauvé par l’État, à commencer par les gigantesques -et indispensables- Fanny Mae et Freddie Mac.

Bref, les agences qui ont régné sur un monde où leurs notes faisaient la pluie et le beau temps, ces agences ont mérité un zéro pointé. Un peu comme si les restaurants notés « trois étoiles » par le guide Michelin ou « 19/20″ par le Gault et Millau avaient servi de la viande tellement avariée que des centaines de clients se soient retrouvés aux urgences, en réanimation et en unité de soins intensifs.

Et pourtant, quel pouvoir a été le leur! Tous les PDG devaient servilement suivre la politique préconisée par tel ou tel analyste pour espérer continuer à bénéficier d’une bonne note. Ce sont les agences qui ont imposé les normes de bénéfice, voire carrément les plans de restructuration. Et oser différer, se cabrer, c’était se faire sabrer, et voir sa note dégradée, comme un officier dégradé devant le front des troupes. L’humiliation et le rétrogradation totales, signe évident pour un Conseil d’administration de l’échec du PDG. Qui devait donc aller à Canossa et ramper aux pieds de l’analyste tout-puissant.

Le plus hallucinant de tout le montage, c’est que c’étaient les entreprises qui devaient payer les agences qui les notaient. Imaginez que ce soient les parents d’élèves qui payent directement le professeur de leurs enfants… On appelle cela poliment un conflit d’intérêt. JusMurmurandi, à qui ces agences n’inspirent pas forcément une grande charité chrétienne, rappelle simplement qu’Enron a bénéficié de la meilleure note possible jusqu’à peine quelques semaines avant sa retentissante faillite. Note sans aucun rapport, on s’en doute avec le fait qu’Enron avait rapporté gros aux agences qui le notaient si bien…

Il est donc essentiel que le G20 impose enfin un code de transparence et de régulation à ces agences.

Et qu’elles commencent non seulement à noter des comptes, mais aussi à en rendre. JusMurmurandi attend avec impatience de voir ces entreprises jusqu’ici si arrogantes, les Standard & Poors, Moody et autres Fitch devoir se justifier.

Cela ressemblera à certains enseignants-chercheurs qui veulent bien noter les travaux de leurs étudiants, mais absolument pas qu’ils soient eux-mêmes notés.

Ah, non! Voilà que JusMurmurandi fait maintenant du mauvais esprit. Cela n’a rien à voir, bien sûr…

5 commentaires

  1. Je veux bien croire à une moralisation (ouh, le gros mot!!!!)de nos banquiers, et pourquoi pas à une police des agences de notation…..ce qui m’effraie, ce sont ces milliards de dollars qui tombent du ciel tout à coup. Un vrai miracle. Qui va vraiment en bénéficier si tant est qu’ils existent.La vulgate des économistes qui n’ont rien vu venir continue de pérorer sur les ondes, se demandant combien de temps la crise va durer et faisant presque des paris alors que d’autres criaient au loup mais n’avaient pas l’honneur des invitations des journalistes qui, comme on peut le constater aujourd’hui, sont de piètres sires ne connaissant pas leurs dossiers. Il parait qu’ils sont jaloux des blogs qui fleurissent sur la toile et leur coupe l’herbe sous le pied. Mais comme dirait l’autre, on a les journalistes qu’on mérite.

    Commentaire by josephyne — 3 avril 2009 #

  2. Entièrement d’ accord avec vous, cher Jus !
    Mais ces agences ont-elles – ou avaient elles – les moyens techniques et légaux pour faire leur boulot correctement ? Quand on voit les difficultés étonnantes qu’ ont certaines commissions parlementaires chez nous pour obtenir la vérité dans certaines administrations ou entreprises, je me demande si ce qu’ on leur demande est seulement réaliste ?? Hum ?

    Commentaire by jerome — 3 avril 2009 #

  3. Je précise que le sort de ces officines m’ importe peu : les quelques minuscules actions qui sont miennes n’ ont pas besoin de leur avis ! Donc je ne les défend pas , mais …

    Commentaire by jerome — 3 avril 2009 #

  4. Vous avez raison, Joséphyne, il y a une étrange floraison de milliards en ce début de printemps. D’où viennent-ils? Très simplement, presque partout, c’est de la création monétaire par endettement des Etats. Ils sont à mettre en face de la perte de richesse qu’entraîne la crise (baisse des Bourses, de l’immobilier, et, en général, de toutes les classes d’actifs, et aussi baisse des « leviers » dans le système financier, donc baisse des crédits disponibles pour les particuliers et les entreprises.
    Bref, un équilibre très difficile à trouver entre apparition et disparitions…
    Quant aux « experts » qui n’ont rien vu venir, s’ils l’avaient vu, ils seraient aujourd’hui sur une île paradisiaque, en train de profiter du produit de leurs prévisions si sagace. Le reste est bavardage.

    Commentaire by JM2 — 4 avril 2009 #

  5. Les agences de rating avaient-elles les moyens de bien faire leur travail, cher Jérôme? A posteriori, il est tentant de dire « non », bien sûr. Mais cela ne leur vaut, de ma part, aucune indulgence. Elles n’avaient qu’à pas émettre d’opinion, pas donner de note. Sauf que, bien, sûr c’eût été moins glorieux, et surtout moins rentable. Alors trouver des circonstances atténuantes à ces armées de jeunes analystes qui croyaient détenir la Vérité et avoir le « droit » de faire danser le monde des entreprises comme bon leur semblait? Alors qu’en fait ils étaient en plein conflit d’intérêt, et se sont remplis les poches par des notes qui ont conduit à ce que les nôtres se vident? Comme le dit si bien Cyrano: Non, merci!

    Commentaire by JM2 — 4 avril 2009 #

Désolé, les commentaires sont fermés pour le moment.