Cynisme et opportunisme Royal

avril 5, 2009 on 5:44 | In Coup de gueule, Economie, France, Incongruités | 2 Comments

L’opposition politique, en démocratie, a cet avantage immense qu’elle peut dire ce qu’elle veut parce que qu’elle n’a pas la charge des affaires. Ce qui lui permet de s’en donner à cœur joie sur le registre des « yaka ». Yaka distribuer, yaka sauver, yaka interdire, et j’en passe. Et c’est de bonne guerre.

Mais il y a des limites à ne pas dépasser. Notamment fopa (le négatif de yaka) donner des faux espoirs aux gens, ni utiliser de vraies détresses à des fins politiques.

Or c’est exactement ce que fait Ségolène Royal sur le dossier Heuliez. Heuliez est des plus gros employeurs (1000 emplois directs) de la région qu’elle préside, donc il est légitime qu’elle s’en soucie, car Heuliez est au bord du dépôt de bilan. Ce qui n’est pas vraiment une situation exceptionnelle pour une entreprise automobile dans le monde d’aujourd’hui, où General Motors (GM) et Chrysler ont reçu des ultimatums de 30 et 60 jours de leur bailleur de fonds, l’État américain.

Le problème de Heuliez est simple, et commun au secteur: la baisse de volume. En particulier de leur activité de fabrication de voitures en petites séries. Il leur reste une production de 20 Opel Tigra par jour, et ce pour quelques semaines avant que ce modèle disparaisse. Si ce n’est avant, car Opel est une filiale de GM, et donc un client très vulnérable même à très court terme.

Tout ceci serait un drame industriel malheureusement ordinaire en temps de crise, mais Ségolène Royal a choisi de le traiter à la mode dramatisation-show business dont elle est maintenant friande. Elle explique que le sauvetage de Heuliez est nécessaire en raison de la richesse de cette entreprise en innovation et matière grise. Elle a raison. C’est notamment Heuliez qui a inventé et produit le toit ouvrant métallique repliable qui a fait les beaux jours de la Peugeot 206 CC, et qui s’est généralisé à presque tous les constructeurs automobiles, mais pas toujours produits par Heuliez malheureusement.

Mais là où le débat industriel s’arrête pour céder le pas au crique et à la prestidigitation, c’est quand elle explique que la sauvetage de Heuliez, qui rappelons-le est à des jours ou des semaines de la grande culbute, viendra d’un véhicule électrique « révolutionnaire ».

Sans rentrer dans les détails, aucune voiture électrique n’a réussi à se vendre jusqu’ici, sauf en série minuscule. Les batteries sont lourdes, l’autonomie trop limitée, le rechargement long et peu commode. Et, le volume n’étant pas au rendez-vous, le prix est élevé. Des annonces ont été faites que des nouveaux modèles, fondés sur de nouvelles batteries vont enfin sortir de ce cercle vicieux.

Mais un véhicule qui n’est pas encore en production, comme c’est le cas chez Heuliez, ne sort pas des chaînes de montage (lire: ne donne pas de travail ni de chiffre d’affaires) sur un claquement de doigts, fussent-ils aussi féminins que ceux de la présidente de Poitou-Charentes. Il faut des années pour l’industrialisation, l’homologation, la commercialisation. Il n’y a aujourd’hui ni marché, ni réseau de vente, ni logistique de support, ni produit homologué. Et c’est ça, la solution pour une entreprise qui n’a plus que quelques semaines de trésorerie?

Alors, bien sûr, il est plus payant de se payer le Président de la République devant les caméras en arguant que c’est de sa faute, car son ami Vincent Bolloré va sortir un véhicule électrique auquel celui de Heuliez aurait fait de l’ombre, ombre qu’il faut effacer en laissant le concurrent potentiel sombrer, que de prendre le problème à bras le corps et en travaillant sur des solutions réalistes. Même si elles sont douloureuses, ce qui n’a pas forcément sa place dans l’univers fra-ter-nel et paillettes de la candidate de 2012.

Le problème avec Ségolène, c’est qu’on ne sait jamais, quand elle profère une ânerie, si elle s’en rend compte. Peut-être croit-elle effectivement à la solution qu’elle propose. Mais alors elle est d’une telle ignorance de la moindre réalité industrielle et commerciale qu’elle est plus digne de remplacer la co-animatrice de la Roue de la Fortune sur TF1 que de présider aux destinées de la France.

Ou alors, si elle n’y croit pas, ce dont JusMurmurandi, par égard à la France, à l’ENA dont elle est sortie et aux millions de Français qui ont voté pour elle, la crédite volontiers, et alors elle surfe sur la détresse et fait naître des espoirs totalement factices dans le seul but d’un passage positif à la télé. Et ramène la politique française à sa seule dimension de bac à sable (j’aide mes copains, qui sont pas les tiens, na!), qui est son niveau zéro.

On en viendrait presque à plaindre Martine Aubry, qui, elle, ne fait pas vraiment dans le genre séduction superficielle.

2 commentaires

  1. Si S.Royal avait un physique disons moins « théâtral », ses dires intéresseraient moins les journalistes dont pas un n’a assez de cran pour la pousser à faire la démonstration concrète de ses idées. Du vide, rien que du vide. Je suis comme vous, j’hésite entre une superficialité ou un cynisme. Dans les deux cas, la retrouver à la tête de l’état me fait peur. Si, comme elle le prétend, la société Heuliez est prête à mettre sur le marché en 2010 des véhicules électriques qui répondent à l’attente du public, le tribunal qui va statuer sur un éventuel dépôt de bilan peut donc accorder du temps à l’entreprise (en théorie) d’autant que l’état est prêt à mettre la main à la poche (le ministre a l’air de s’y engager). Mais qu’elle ne nous serve pas le couplet Bolloré qui sent trop le « je n’aime pas les riches » de son ex F.Hollande. Elle ferait mieux en sa qualité de présidente du Poitou de participer aux différentes discussions qui vont s’engager sur ce dossier, avec les représentants de gouvernement, les syndicats et les salariés, au lieu de rester dans la posture actuelle du P.S complètement embourbée dans un anti- Sarkozy inquiétant. Je pense qu’aujourd’hui, nous n’avons pas les moyens de céder aux sirènes de l’idéologie de tous bords, et que nous devons d’abord redresser le bateau qui gîte dangereusement, quitte ensuite à accoster d’autres terres étrangères où l’ultra-libéralisme ne règnera plus en maître….mais nous en sommes encore loin.

    Commentaire by josephyne — 5 avril 2009 #

  2. Vous avez raison en (presque) tout chère Jospéhyne. Le problème vient quand vous évoquez des véhicules électriques répondant à l’attente du public. Il n’y a pas d’attente spécifique du tout. Donc il faut des véhicules concurrentiels avec les moteurs à explosion en termes de coût d’acquisition de coût au kilomètre, de fonctionnalité, de facilité d’emploi, etc…, ou qui le deviennent par la grâce d’une aide fiscale
    Et, de ce point de vue-là, la chute des prix de l’essence complique les choses par rapport à il y a un an.
    Par ailleurs, croyez-vous que, si Heuliez détenait des brevets de classe mondiale capables de faire bouger les choses en matière de voiture électrique, tout le monde le laisserait tomber? Les brevets étant par nature publics, tous les concurrents ont eu le loisir de se pencher sur ceux d’Heuliez. Comme le tour de table recherché se monte à une quarantaine de millions d’euros, c’est-à-dire très, très peu pour un métier où l’unité de compte est le milliard, je suis obligé de conclure que l’opinion des entreprises de ce métier est que les brevets Heuliez ne valent pas tripette. Et que donc on a servi à Ségolène un grand n’importe quoi qu’elle nous ressort tel que, tout juste assaisonné de son chabichou médiatique et de son anti-sarkozysme binaire.

    Commentaire by JM2 — 5 avril 2009 #

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