Le bal des hypocrites , ou « Sauvons les bonus! »

août 8, 2009 on 6:17 | In Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, International, La Cour des Mécomptes, Poil à gratter | Commentaires fermés

Le scandale est de retour. Et pour cause, les bonus des banquiers, cause supposée de tous nos maux, sont de retour, eux aussi. Et là encore, s’ils le sont, c’est parce que les profits des banques, en tout cas des meilleures d’entre elles, de Goldman Sachs à BNP Paribas, sont de nouveau fort plantureux. Et ce alors même qu’elles n’ont pas pu ne pas faire appel à des aides d’État il y a quelques mois à peine.

Après le scandale causé par Goldman Sachs aux États-Unis, c’est le milliard d’euros déjà provisionné par la BNP au titre des bonus futurs de ses traders qui soulève la tempête.

Outre la répugnance constante de JusMurmurandi de hurler avec les loups et de chasser le bouc émissaire, y-a-t-il scandale à ce milliard? A noter que la BNP n’est peut-être pas le plus mauvais élève de la classe bancaire sur ce plan. Elle a été l’une des rares banques à adhérer aux recommandations du G20, et elle dévoile ce chiffre (ou plutôt elle le confirme après qu’il ait été « fuité » par Libération).

Tandis que, fidèle aux habitudes de l’ère Bouton, la Société Générale de Frédéric Oudéa se mure dans le silence, espérant sans doute que le problème finira par s’en aller de lui-même.

Au premier semestre, les banques sont connu une conjoncture exceptionnellement favorable à leur activité: elles ont pu emprunter à des taux plus bas que jamais avant, tout en prêtant à des taux « normaux ». Résultat, une marge gonflée qui se traduit en profits immédiats. Comme, dans le même temps, ces mêmes banques se montrent prudentes et frileuses dans la qualité des emprunteurs qu’elles acceptent, on voit bien d’où vient leur profit: non d’une prise de risque ou d’un talent particulier, mais bien du fait qu’elles profitent des taux bas consentis pour les aider par les banques centrales pour se refaire une santé, et ceci sans risque. Et non, au passage, pour soutenir ou relancer l’activité économique.

C’est exactement le comportement des cafetiers qui se mettent la baisse de la T.V.A. dans la poche au lieu de la répercuter aux clients comme promis.

A partir du moment où une activité se révèle particulièrement rentable, il est inévitable que ceux qui la mettent en œuvre souhaitent être associés à ce succès, c’est ce qu’on appelle une rémunération variable, ou bonus.

Pour tout ceux qui trouvent ces bonus obscènes, rappelons qu’ils sont nés du dégoût général pour de fortes rémunérations accordées à des cadres et dirigeants même quand leur entreprise se portait mal. La dissonance entre performance d’entreprise et rémunération individuelle est ce qui leur a donné naissance, de façon à ne rémunérer grassement que ceux dont les résultats le méritaient.

Et c’est donc par souci de moralisation, en l’occurrence pour s’assurer que les rémunérations soient en ligne avec les résultats que les bonus sont devenus une règle de bonne gestion. Comme on est loin de la polémique actuelle!

Car, en fait, c’est ce même principe qui a une fois de plus failli. Les banques ont perdu des montants pharaoniques tandis que certains bonus ont continué à être versés (33 milliards de dollars à Wall Street l’année dernière!!!). Et cette culture du bonus a entraîné des prises de risques inconsidérés avec les conséquences que l’on sait.

Au lieu de crier haro sur le baudet des bonus, mieux vaudrait réparer les deux digues qui ont sauté. D’une part revenir à cette nécessité qu’il n’y ait de bonus que quand les performances de l’entreprise sont bonnes, et ensuite que la maîtrise et la limitations des risques soient des contrepoids efficaces aux traders agressifs et carnassiers par tempérament. Ce n’est pas leur faute si leur management a totalement abdiqué…

Car un bonus virtuellement garanti, ce qui est le cas aujourd’hui, où les banques voudraient payer « pour ne pas désespérer leurs meilleurs éléments » et « les laisser partir ailleurs » (où donc y-a-t-il un foyer d’accueil ultra-luxueux pour traders talentueux mais en échec?) cumule les inconvénients d’être déconnecté des résultats de l’entreprise et en même temps de pousser au risque. La suggestion de Christine Lagarde de lier les rémunérations aux résultats sur plusieurs années est l’exemple de ce qui remettrait naturellement les choses dans une meilleure direction.

Et, pour revenir au début de l’article et au milliard d’euros provisionnés par la BNP, il concerne 17.000 personnes soit une moyenne de 60.000 euros par personne. On est loin de Wall Street et de ses traders multi-super-millionnaires à 30 ans. Et les résultats de la division de BNP Paribas ont été atteints pour ce premier semestre, avec un niveau de risque bas. Donc tout le monde est gagnant (État, qui est remboursé, actionnaires sont le cours de l’action monte, banque, dont les profits et les fonds propres se reconstituent, pays, qui touchera sa part sous forme d’impôts sur les bénéfices). Pourquoi les traders seraient-ils les seuls exclus quand, la plupart du temps ce ne sont pas eux qui ont failli?

Ces faits sont si élémentaires que tous ceux qui hurlent au retour des mauvaises pratiques savent parfaitement que ce qu’ils disent est aussi populiste et démagogique qu’irréaliste. Honte aux hypocrites! A soulever ainsi sur des bases fausses la colère du peuple, nous allons tous récolter la tempête! JusMurmurandi ne résiste pas à nommer parmi eux le talentueux Jacques Attali, sans doute trop plongé dans ses activités de micro-crédit et mobilisé par les souhaits de prix Nobel pour avoir bien considéré les conséquences de ses déclarations!

No Comments yet

Désolé, les commentaires sont fermés pour le moment.