A quoi sert la finance mondiale?

août 28, 2009 on 11:24 | In Coup de gueule, Economie, Incongruités, Insolite, International | 5 Comments

Le débat sur les bonus des traders prend un tour qui surprend de plus en plus JusMurmurandi, notamment dans la notion, quasi universelle, qu’ils « font prendre des risques aux banques ».

Encore faudrait-il savoir si « la banque est d’accord » ou pas, avec ce risque. Car cela recouvrirait deux réalités bien différentes selon que la réponse est « oui » ou « non ».

Si la banque est d’accord avec ce risque, le trader agit dans le cadre de sa mission, et les éventuelles pertes issues de ses transactions sont à passer au débit de la banque, qui doit en assumer la responsabilité et les conséquences.

Si la banque n’est pas d’accord, le trader a violé les limites qui lui ont été assignées, et il s’agit de faute professionnelle, voire plus.

C’est tout le débat de l’affaire Kerviel. La Société Générale e-t-elle été (1) compétente mais trahie, ou (2) incompétente et Kerviel en a profité à l’insu de la banque, ou (3) peu ou prou consentante ?

Mais l’idée que les traders font prendre des risques aux banques supposerait, pour être vraie, que les banques ne puissent pas encadrer, limiter, plafonner ces risques. Et que donc on en soit réduit à ce que cette prise de risque incontrôlable soit dépourvue d’intérêt pour les traders parce qu’il n’y aurait plus de bonus attaché. Là, franchement, il n’y a plus qu’à hocher la tête, perdu entre ahurissement et incrédulité.

La réalité est toute autre. Les banquiers ont inventé des produits nouveaux et compliqués, dont les caractéristiques de risque étaient « exotiques ». Les dirigeants des banques, peu familiers de ces rivages de la finance pour mathématiciens de haut vol, avaient un choix simple. Ne pas se lancer dans cette nouvelle activité, et passer à côté d’une gigantesque source de profits, ce qui les amènerait à être moins rentables que leurs concurrents avec toutes les conséquences négatives qu’on imagine en termes d’emploi, de rémunération et d’indépendance de leur banque. Soit ils se lançaient, faisaient gagner à leur banque et à eux-mêmes énormément d’argent, et finissaient pas faire face au crash que l’on sait.

Ce ne sont donc pas les traders, sauf peut-être Kerviel, qui ont fait prendre aux banques les risques qui ont eu les conséquences que l’on sait, mais les dirigeants des banques, qui en sont les seuls responsables.

Le débat sur les bonus des traders est donc un faux débat de type chasse aux sorcières démagogique, et qui évite de remettre en cause toute une élite.

Le summum semble avoir été atteint par Lord Turner, président de l’autorité bancaire britannique après avoir été notamment patron des patrons. Il ne craint pas de dire que la City de Londres, c’est à dire le secteur financier, a cru au-delà du raisonnable par rapport à son utilité pour la société. Bref, c’est devenu une sorte de Monopoly. Olivier Besancenot n’aurait pas dit mieux…

Il faudrait quand même rappeler au très brillant Lord Turner que la finance, c’est l’oxygène de l’économie, et que la bulle dont tous déplorent l’éclatement en 2007-2008 a été le moyen de la prospérité mondiale des dix années précédentes au moins. Ne crachons donc quand même pas trop dans la soupe!

5 commentaires

  1. J.M déborde de bon sens … comme d’hab !

    Commentaire by jerome — 28 août 2009 #

  2. Fausse manip – snif …

    Or donc, ne pourrait-il partager ce gros bon sens
    avec nos zélites politico-bancaires ?
    Ca me rassurerait quelque peu :) )

    Commentaire by jerome — 28 août 2009 #

  3. Dans l’état actuel des choses, on voit les tendances suivantes: les banques elles-mêmes n’ont qu’un souhait, revenir au plus vite au statu quo ante. Aucune regret, aucune repentance, aucune leçon apprise de la tornade qui a failli tous nous emporter. Et l’Administration Obama semble faire fort peu pour les en empêcher. En France au contraire, l’accord entre Sarkozy et les banquiers sur le paiement étalé et sur les malus semble intelligent et cohérent. Les Allemands sont d’accord, ce qui est un début. Maintenant il faudra voir ce qui se passe au G20, où les Chefs d’État devront choisir entre le poids des lobbies et la « paix » financière à court terme et la colère des électeurs s’il est trop manifeste qu’ils se contentent de passer l’éponge après que l’ardoise soit assumée par les contribuables.

    Commentaire by JM2 — 29 août 2009 #

  4. Cher Jus, vous nous parlez de  » la tornade qui a failli nous emporter  » …
    Seriez vous sûr qu’elle est passée ?
    J’en doute personnellement : à lire les dépêches d’agences sur les banques et autres crédits et surtout baux commerciaux aux Us, il semble que nous soyons loin de voir le bout du tunnel …

    Oserais-je une question indiscrète ?

    Combien sommes nous à apprécier Jus Murmurandi ?
    Je me sens bien seul ces temps ci … et ce n’est pas le coté Sarkozyste , mesuré, du blog ,qui rend muets les lecteurs, si ? :) )

    Bon Dimanche à tous – enfin, ceux qui ne sont
    point obligés de travailler ( aah, Sarko ! )

    Commentaire by jerome — 29 août 2009 #

  5. Cher Jérôme, la tornade de septembre-octobre-novembre 2008 est bel et bien passée. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en aura pas une autre, ou que les conséquences économiques de ladite tornade soient terminées. Mais on n’en est plus à un stade où les plus grandes banques du monde étaient au bord de l’implosion chaque vendredi soir par manque de confiance.
    Quant au lectorat de JusMurmurandi, il augmente régulièrement (août excepté pour causes de vacances). Pourquoi les lecteurs ne laissent-ils pas de commentaires? Peut-être êtes-vous mieux placés que nous pour le dire…

    Commentaire by JM2 — 30 août 2009 #

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