Comme les comptes sont secrets, on peut dire n’importe quoi…

septembre 10, 2009 on 1:21 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, Incongruités, La Cour des Mécomptes, Poil à gratter | Commentaires fermés

Eric Woerth n’a pas la réputation d’un rigolo, ce qui vaut d’ailleurs mieux pour un ministre du budget. Pourtant ses déclarations sur la fameuse « liste des 3000″ ne font pas sérieux.

Il détiendrait ces 3000 noms de fraudeurs de leurs banques qui les auraient cédées à l’État à la suite d’un contrôle fiscal. Et le Crédit Suisse serait une des 3 banques. Or, si le Crédit Suisse, qui le nie formellement, ou toute autre banque de ce beau -et discret- pays faisait ou avait fait ce que suggère Eric Woerth, il violerait la loi suisse sur le secret bancaire. Inutile de dire qu’aucune banque suisse ne s’aventurerait sur cette voie suicidaire. Les récentes négociations entre l’UBS et le gouvernement américain ont bien montré les limites des concessions que l’Etat suisse autorise ses banques à faire, sauf pour elles à ruiner tout un pan de l’économie nationale.

Alors, Eric Woerth bluffe-t-il purement et simplement? Comme deux députés ont eu le privilège de voir la fameuse liste, du moins l’affirment-ils, on peut penser que non. Simplement, il ne dit pas toute la vérité, ou peut-être la dit-il de la façon qui l’arrange le plus pour tenter de faire peur et de ramener des fraudeurs dans le droit chemin.

Il est clair que les filiales françaises des banques suisses sont assujetties à la loi française, pour laquelle il n’y pas de secret bancaire. Et donc, qu’une demande de Bercy des noms de tous les particuliers et entreprises ayant transféré de l’argent en Suisse doit être satisfaite. Que la banque qui reçoit cette demande soit suisse, française ou autre.

Donc on peut, sans tomber dans le fantasme dont foisonne ce sujet, supposer que Bercy a la liste de 3000 français ayant transféré de l’argent en Suisse par simple virement, et qu’il va leur en demander la cause, et la justification.

Inutile de dire que tout conseiller fiscal un peu sérieux et toute banque un peu prudente ne peuvent que déconseiller une telle méthode de fraude, qui, si elle existe, est le propre des âmes simples, innocentes, et mal conseillées. Bref, du menu fretin.

C’est d’ailleurs ce qui transparaît dans les rares chiffres donnés par Bercy. La cellule dite de régularisation aurait récupéré un demi million d’euros sur les vingt premiers (vingt, une misère!) dossiers volontairement régularisés par les fraudeurs. Soit vingt cinq mille euros en moyenne par dossier. La encore, une misère par rapport aux trois mille milliards d’euros de cible visée par le ministre: 0,0000015%, ou à peu près…

Non, si le Ministre du Budget voulait faire autre chose que de la gesticulation populiste pour montrer qu’il est aussi inlassable dans sa chasse aux gros fraudeurs riches que Raymond Domenech à l’est se déclarer satisfait des matches nuls de l’Équipe de France de foot-ball, il pourrait se demander quoi faire pour rapatrier ces capitaux.

Et s’inspirer des exemples belges ou italiens, qui moyennant une « punition » limitée à 15% et 20% des capitaux rapatriés ont réintroduit des sommes significatives dans leurs économies et rempli un peu les caisses du pays. Ce qui serait, c’est le moins que l’on puisse dire, utile en période de déficit budgétaire et d’asthénie économique.

Mais, vous l’aurez compris, faire cela, ce serait faire de l’économie au détriment de la politique.

Alors que toute l’histoire de la France depuis le départ du regretté Raymond Barre, c’est faire de la politique -pour autant que l’on puisse appeler politique de dépenser plus, puis beaucoup plus, puis infiniment plus que les recettes- au détriment de l’économie…

Eric Woerth

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