Le « referendum » de la Poste va-t-il créer une nouvelle SNCF ou une nouvelle EDF?

septembre 27, 2009 on 7:03 | In Best of, Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, Poil à gratter | Commentaires fermés

Le Gouvernement veut changer le statut de la Poste pour lui donner celui de société anonyme. Un statut qui permet de lever de l’argent, que cela soit par des par emprunts, des émission d’obligations ou une privatisation partielle ou totale.

Les syndicats sont vent debout contre ce changement, dont ils anticipent qu’il n’est que le préalable à une privatisation.

La méthode qu’ils ont choisie pour manifester leur opposition, entre autres, est celle d’un prétendu référendum, où les Français qui le souhaitent pourront dire s’ils souhaitent ou non la privatisation de la Poste. Peu importe qu’il ne s’agisse pas du changement mis en œuvre par le Gouvernement, lequel assure que la Poste restera à 100% dans le giron du public. Il est évident que les opposants seront très largement majoritaires à cette « votation populaire », car c’est le propre des opposants d’être beaucoup plus militants que la « majorité silencieuse », à supposer qu’elle existe puisqu’on ne l’entend par définition jamais.

Peu importe aussi que les assurances de Mme Lagarde sur le capital de l’opérateur postal n’aient pas le sens qu’on imagine au premier abord. Elle affirme que l’État veut conserver l’intégralité du capital. La réalité est qu’il n’y a selon toute probabilité aucun autre choix. Quel actionnaire sain d’esprit voudrait entrer au capital d’un service public au moment où celui doit affronter pour la première fois de son existence la concurrence, avec ce que cela comporte de remise en cause de pratiques non concurrentielles? Il faudrait être fou…

JusMurmurandi, qui a la désagréable habitude de rappeler des souvenirs impertinents, parce que, justement, pertinents, se souvient que les arguments des « anti » étaient exactement les mêmes pour la privatisation de France-Telecom, à savoir le démantèlement à venir du service public, la chute de l’emploi, la fin de l’accès pour tous et partout, etc…

Aujourd’hui, ce sont les mêmes qui hurlaient contre toute privatisation qui « exigent » que le Gouvernement concède une quatrième licence de téléphone mobile, et vocifèrent que les réticences de Nicolas Sarkozy à le faire sont causées par ses amitiés avec Martin Bouygues, opérateur du 3e réseau cellulaire, à qui un accroissement de concurrence vaudrait une réduction de ses profits. En d’autres termes, privatiser France Telecom allait être un scandale et un désastre, mais, quinze ans plus tard, on réclame sans vergogne plus de concurrence… Va comprendre, Charles….

Car il y a une alternative à faire ce qui a été fait à France Telecom, et qui, accessoirement, n’est pas si mal, puisque c’est aujourd’hui le deuxième opérateur européen de téléphone mobile, et une entreprise dont l’impôt sur les bénéfices fait du bien aux caisses affamées de l’État. C’est faire ce qui a été fait à la SNCF, c’est à dire tout autre chose.

La SNCF bénéficie de subventions colossales. D’abord l’Etat a annulé toute sa dette en la transférant sur Réseau Ferré de France, entreprise structurellement déficitaire, mais qui continue à investir dans de nouvelles lignes à haute vitesse, ce qui donne au TGV un avantage énorme par rapport à ses concurrents que sont les autoroutes et les avions.

Mais là où il y a une concurrence directe, la SNCF n’a cessé de perdre et de l’argent et des parts de marché, c’est avec le fret, qui est aujourd’hui ultra-dominé par le transport routier. Lequel transport routier est ultra-concurrentiel, dans tous les sens du terme. Les pertes de la SNCF dans le fret sont telles qu’elles plombent ce mode de transport, pourtant autrement plus écologique que le camion, et qu’il va « falloir  » lui attribuer quelques 5 milliards d’argent public, probablement obtenus grâce au fameux Grand Emprunt à venir, pour stopper cette perdition.

Est-ce ce qu’on veut comme avenir en peau de chagrin à la Poste, qui va devoir, comme la SNCF, affronter des concurrents étrangers autrement plus affûtés parce qu’ayant déjà effectué leur révolution culturelle?

Ce ne serait pas charitable de rappeler à la gauche qui, aujourd’hui, hurle au charron, que c’est elle qui a accepté à Bruxelles la concurrence dans les services jusqu’ici publics. Ni que la Commission qui a mis en place cette politique était présidée par l’emblématique Jacques Delors, père de Martine Aubry.

Il ne faut surtout pas mentionner non plus que les tarifs de téléphonie se sont effondrés en France avec l’arrivée de la concurrence, même si celle-ci est encore trop réduite, et ce pour le plus grand bénéfice des consommateurs. Qui, demain, bénéficieront aussi de service postaux moins chers et plus variés, sans qu’il soit possible de les délocaliser, l’emploi de M. Besancenot n’étant pas menacé par un quelconque postier polonais…

Mais trouver que cette baisse de prix serait un avantage serait se soucier du consommateur plus que de l’électeur militant. Un choix que la France, championne du monde de la grande distribution partout sauf en France, où elle est encadrée par un carcan de lois de droite comme de gauche plus rétrogrades et restrictives les unes que les autres, a toujours soigneusement refusé.

JusMurmurandi se demande ce que répondront les auteurs du pseudo-référendum pseudo-populaire aux postiers désespérés quand ceux-ci leur demanderont pourquoi ils sont devenus devenus, comme les employés de la SNCF fret, des gens à l’avenir bouché et au présent incertain, et non pas des employés d’une EDF ou d’un France Telecom conquérants.

Olivier Besancenot

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