L’Europe, c’est la paix, ou la peur?

novembre 9, 2009 on 10:07 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, Europe, France, Incongruités, International | Commentaires fermés

Napoléon III disait: « l’Empire, c’est la paix », et on sait ce qu’il en est advenu, notamment en 1870 à Sedan. Depuis, en « oubliant » ce précédent fâcheux, il est devenu habituel de détourner cette citation pour affirmer « l’Europe, c’est la paix! »

De ce point de vue là, l’Union Européenne est une réussite spectaculaire. Plus de 60 ans sans guerre majeure en Europe, c’est exceptionnel, et il est bon de se le rappeler pour mieux s’en réjouir, même si l’Europe n’est forcément pas la seule cause de cette paix

Maintenant que le traité de Lisbonne a enfin été signé et ratifié par tous, l’Europe va avoir son Président. Oh, certes ce ne sera pas un Président à la française. Il ne sera pas élu par les Européens, et il n’aura pas grand pouvoir exécutif. Mais enfin, l’Europe cessera d’être une bureaucratie sans visage, qui faisait dire en 1975 à Henry Kissinger « si je veux parler à l’Europe, à qui est-ce que je téléphone? ».

Le problème, c’est que ce Président, il faut le choisir, et à 27 pays, ce n’est pas simple. Disons, grosso modo qu’il y a deux choix possibles. Soit un leader dont le charisme, les réalisations, le programme bousculent les particularismes des composantes de son électorat. C’est comme cela que se sont fait élire, notamment Nicolas Sarkozy et Barack Obama. Ou une personne qui réunit des votes sur son nom faute d’avoir quelques ennemis, ni des rivaux plus charismatiques.

C’est ce deuxième choix que semblent choisir les chefs d’États européens, qui s’orienteraient, dit-on, vers le Belge Herman van Rompuy. Il est de fait qu’un Belge, compte tenu de la profonde division entre Flamands et Wallons qui menace à tout moment l’unité de son pays, doit être devenu, à l’usage, un expert es compromis. Mais quand même, et sans faire offense à ce cher Monsieur, n’y a-t-il pas des choix plus symboliques pour présider pour la première fois l’Europe qu’un sujet d’un petit royaume menacé d’implosion?

Déjà des noms éminents viennent contraster avec M. van Rompuy, tels le Finlandais Ahtisaari, prix Noble de la Paix pour ses talents de médiateurs de conflits, ou l’irlandaise Mary Robinson, non seulement ex-présidente de son pays, mais aussi ancienne Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme, ou encore Tony Blair, charismatique ancien Premier Ministre travailliste de Grande Bretagne

Mais, comme toujours, il est tentant d’argumenter que le temps des géants européens est passé. Où sont les Monnet, Schuman, de Gaulle et Adenauer d’aujourd’hui? Eh bien, il y a des occasions où, parce que nous vivons le quotidien avec ces grandes personnalités, nous ne sentons pas passer le vent de l’Histoire. C’est comme cela que de Gaulle a été chassé en 1969 pour un referendum perdu sur deux sujets de peu d’importance, ou que Churchill a perdu les élections en 1945.

Car, si l’Europe compte 27 membres, c’est qu’elle s’est beaucoup étendue à l’Est. Et si cela a été possible, c’est grâce à la chute non seulement du Mur de Berlin, il y a 20 ans aujourd’hui, mais de tout le Rideau de Fer. Et s’il est tombé, c’est notamment sous l’action d’un homme d’exception, un homme dont le nom sera retenu par l’Histoire bien après que celui de ses contemporains n’intéressera plus personne, un homme dont la stature physique projette une ombre aussi longue que sa stature historique.

Cet homme, qui a réunifié les deux parties de sa nation, par delà d’éventuelles erreurs, c’est Helmut Kohl, bien sûr. Et, grâce à lui, il est évident que la cause de la paix a progressé en Europe. Un progrès de quelques 2000 kilomètres vers l’Est. Avec lui, on peut dire: l’Europe de l’Est en Europe, c’est la paix ».

Helmut Kohl, Président de l’Europe c’est donc une évidence qui s’impose à JusMurmurandi. Sauf qu’il risquerait de faire de l’ombre aux dirigeants nationaux, jaloux de leur pouvoir local. Et que ce que Nicolas Sarkozy veut faire aux édiles locaux en leur coupant un peu les ailes, il ne veut surtout pas qu’on le lui fasse à lui. D’où le choix probable de M. Van Machin.

Car si l’Europe, c’est la paix, c’est aussi la peur d’un trop grand dirigeant…

Helmut Kohl

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