La Suisse n’a pas bonne mine

décembre 1, 2009 on 10:08 | In Best of, Economie, Europe, France, Incongruités, Insolite, Poil à gratter | 1 Comment

Invraisemblables! Les commentaires sur le referendum suisse interdisant de nouvelles constructions de minarets dans le pays sont invraisemblables.

D’abord, le résultat était prévisible. Si on demande à n’importe quelle population s’ils sont d’accord pour l’édification de nouvelles tours, de nouveaux aéroports, de nouvelles décharges, de nouvelles gares, la réponse a toutes chances d’être « non ». Pourquoi voudriez-vous qu’en tant qu’individus les électeurs acceptent des désagréments individuels causés par a proximité de ces infrastructures au nom d’un intérêt général impalpable? C’est à l’État que revient d’imposer cet intérêt général face à l’égoïsme illustré par la formule américaine NIMBY (not in my back yard, ou pas dans mon jardin). Il est évident que, si l’on faisait un référendum identique, en Suisse ou ailleurs, sur la possibilité de créer de nouveaux impôts; la réponse serait aussi « non », et pas seulement à 57%…

Deuxièmement, bâtir un minaret n’est pas bâtir une mosquée. Le minaret, apparemment est plus coutumier qu’autre chose, n’étant pas une prescription religieuse. Pas plus qu’un clocher chrétien, d’ailleurs. Il est donc tout à fait loisible de continuer à construire des mosquées en Suisse, et c’est très bien comme ça. Il est plus que probable d’ailleurs que les auteurs de ce referendum scabreux le savaient très bien, et aient reculé devant un texte qui aurait interdit la construction de mosquées. Parce que là, le sujet n’aurait plus été largement symbolique, mais bel et bien réel et majeur, avec pour enjeux la liberté de conscience et de religion. Un sujet avec lequel il n’est pas bon de faire joujou, tel l’apprenti sorcier. Alors que là, le pays et ses électeurs ont joué à se faire peur, mais sans vrai enjeu. Sauf que les commentateurs et hommes politiques, en faisant semblant de croire au grand méchant loup anti-musulman, sont tombés pile dans le piège qui leur était tendu…

Troisièmement, cette votation (le terme suisse) montre les limites de la démocratie directe, et de la manie législative. La loi est nécessaire, indispensable, mais pas pour tout. Un minaret est un appendice non indispensable d’un bâtiment indispensable. Cela relève autant de la loi que la burqa ou le voile à l’école. La construction d’un minaret est encadré par les plans locaux d’urbanisme. Si l’on ne veut pas de tour, le p.l.u. municipal n’a qu’à l’interdire. De même la burqa. La loi n’a pas sa place dans notre code vestimentaire. En revanche, les arguments religieux n’ont pas leur place dans une société laïque pour soustraire tel ou tel citoyen à leurs obligations et comportements sociaux.

Le problème n’est donc pas plus le minaret que la burqa, mais bien ce au nom de quoi ils pourraient être « réclamés », à savoir une « loi religieuse » auto-proclamée « supérieure » à la loi locale, et faisant, disent leurs partisans, partie intégrante et nécessaire de la liberté de conscience et de culte. Le seul référendum qui ferait du sens, et serait une contribution majeure à tout débat sur l’identité nationale,serait un referendum sur la primauté de la loi civile, c’est-à-dire en fait sur la laïcité. Sauf que, là, d’autres populations risqueraient de se sentir mal à l’aise. On peut penser notamment à la tolérance pour les coutumes juives (nourriture casher, pratique du Sabbat) au sein de nombreuses entreprises et établissements de la République. Laquelle tolérance (avec, aussi, ses limites) est infiniment plus appropriée que la loi, raide et brutale.

Incidemment, pour ceux qui pensent que ce débat sur la laïcité, et, par extension, sur l’identité française est une exception de notre cher et beau pays, feraient bien de ne pas oublier qu’en Grande-Bretagne, ce pays à la fois libre et religieux, puisque la Reine est le chef suprême de l’Église anglicane, la mollesse, pour ne pas dire la lâcheté a fait que des décisions de juges islamiques jugeant suivant la charia sont reconnues… Pas sur tous les sujets, mais par exemple en matière de divorce, ce qui n’est pas rien quand on connait le peu de droits de certaines femmes dans des interprétations « dures » de la loi islamique.

Reste que la Suisse, à tort ou à raison, a passé une votation perçue comme peu ou prou anti-musulmane ce qui en devrait pas arranger ses affaires avec les États islamiques, et notamment les riches pays et habitants du Moyen Orient. Sauf si ceux-ci, qui ont des avoirs importants en Suisse, considéraient qu’il y a une loi plus importante que la loi d’Allah, la Loi de l’Argent…

Un commentaire

  1. http://formermuslimsunited.americancommunityexchange.org/2009/12/01/former-muslims-united-applauds-swiss-referendum-victory-banning-minarets-%E2%80%9Cthe-bayonets-of-islam%E2%80%9D/

    Commentaire by bilbothobbit — 4 décembre 2009 #

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