Baisers volés, Judas, Clearstream, Piquet, et les repentis…

décembre 17, 2009 on 9:49 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, Europe, France, Incongruités, Poil à gratter | Commentaires fermés

Il y a des baisers amoureux, à la mode des photos de Doisneau ou de films d’Hollywood. Des baisers d’adieu dramatiques, comme celui qui précède le meurtre mafieux. Il y a aussi le baiser de la mort, comme celui de Judas, qui dénonce Christ aux Romains.

C’est ce dernier genre qui a été mis en œuvre par un informaticien de la filiale suisse du géant HSBC, quand il a transmis au fisc français une longue, très longue liste de titulaires étrangers de comptes en Suisse. Lequel fisc français va en faire l’usage que prescrit sa fonction, c’est-à-dire faire payer des impôts aux fraudeurs et autres évadés.

Mais aujourd’hui la Suisse se rebiffe et renonce, pour l’instant, à signer l’accord de co-opération fiscale avec Paris.

Il faut dire que la liste en question est indiscutablement volée. Comme ont été volées les informations des fichiers Clearstream qui ont donné lieu aux poursuites que l’on sait.

Ce qui pose une vraie question de droit. Est-il possible (ou normal, ou juste) de se servir du produit d’un délit ou d’un crime?

Deuxième question: est-il possible (ou normal, ou juste) de rémunérer un délateur d’une façon ou d’un autre?

Ainsi Alain Marland, français réfugié fiscal en Suisse a-t-il dénoncé à la justice américaine une turpitude (au regard de la loi américaine) du Crédit Lyonnais dans l’affaire de la reprise par François Pinault d’Executive Life. Au final cela aura coûté au contribuable français 600 millions d’euros plus les frais, somme dont Marland a le droit de recevoir 10% comme récompense.

Autre exemple de délation rémunérée, Nelson Piquet Junior, pilote de Formule 1 pour Renault, qui a dénoncé l’accident bidon monté pour faire gagner le Grand Prix de Singapour à son coéquipier Fernando Alonso. Tout le monde a été condamné, sauf le délateur, protégé par l’immunité négociée à l’avance.

Enfin la justice, notamment en Italie et aux États-unis, offre à ceux qu’on appelle les « repentis » une combinaison d’amnistie et de nouvelle vie

Éric Woerth, le dit clairement, en tant que Ministre du Budget, comment aurait-il pu ne pas utiliser cette liste?

Sur le fond, il n’y a personne pour défendre les comptes secrets en Suisse, sauf les Suisses, bien sûr. Mais il est clair que laisser un pays utiliser sans frein le produit des délits et des crimes, c’est le rendre complice, et c’est inacceptable.

En fait, il semble que la faute d’Éric Woerth, ce soit surtout d’avoir clamé partout qu’il détenait la fameuse liste pour faire peur aux fraudeurs et les amener à la fameuse cellule de dégrisement de Bercy.

Quand on se compromet avec des voleurs, même pour une juste cause, il faut le faire le plus discrètement possible…

Quant au délateur, qui se sent un rôle juste et moral, il aurait bien fait de se renseigner avant sur l’ingratitude de la société humaine. Non seulement il va tout droit à une condamnation pénale en Suisse, mais je doute fort qu’une entreprise veuille employer un informaticien qui se donne le droit de trahir et de voler son employeur, fût-ce pour une cause qu’il juge bonne. Après tout ignorait-il vraiment tout de la nature des fonds gérés par les banques suisses quand il a accepté le de travailler chez HSBC?

Ni M. X, ni Gabriel Aranda, ni Nelson Piquet Jr n’ont survécu, professionnellement parlant, à leur délation. Le baiser qu’ils ont donné, ils en ont été la première victime.

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