La bulle du Grenelle

janvier 17, 2010 on 8:07 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, La Cour des Mécomptes, Poil à gratter | Commentaires fermés

Il faut être vert, il faut sauver la planète, il faut se préoccuper des générations futures….

Tout ceci est vrai, bien sûr. Mais cela n’autorise pas pour autant à faire n’importe quoi. Voici un bel exemple de n’importe quoi.

L »électricité « verte » a deux avantages: elle est « zéro émission » côté carbone, et elle est renouvelable. Elle peut être d’origine hydraulique, éolienne, solaire, géothermique, etc… Et une convention force EDF à racheter cette électricité à un tarif qui soit rentable pour le producteur, de façon à en stimuler la production.

Comme il n’est pas simple d’avoir chez soi une rivière avec un barrage, une gigantesque éolienne ou une source de chaleur sous-terraine, la grande majorité des systèmes que des particuliers mettent en place pour produire de l’électricité verte sont des panneaux solaires. Ils sont vendus par des entreprises qui se chargent de tout, y compris la constitution du gros dossier requis pour le rachat du courant par EDF.

Comme le décret fixant les conditions de ce rachat allait être modifié, des petits malins ont déposé en vitesse d’innombrables dossiers pour tenter d’avoir leur accord avant l’entrée en vigueur de ce nouveau décret. Alors que le rythme habituel de dépôt de nouveaux dossiers était de 5.000 par an, on est passé subitement en fin d’année à 3.000 par jour!

La raison de cette explosion est simple à comprendre. Si EDF avait dû agréer tous ces dossiers et que tous aient été mis en œuvre, cela seul aurait fait augmenter le cout de l’électricité en France de près de 11%.

L’arithmétique est impressionnante: le kw/h produit par EDF coûte de 6 à 8 centimes, et le décret force l’opérateur à racheter le kw/h vert de 30 à 60 centimes suivant les cas. D’où un malus compensé pour EDF par le contribuable qui eût augmenté de 2,6 milliards d’euros annuels. Une paille! Un demi Kerviel par an, ou une affaire Crédit Lyonnais, ou 100.000 emplois à 26.000 euros par an…

Il y a dans ce mécanisme tous les maux habituels du mélange typiquement français public-privé. A savoir, bien sûr, tous les avantages pour le privé et toutes les charges pour le public, avec, en bout d’arbre, cet éternel dindon, le contribuable.

Par exemple: le tarif français de rachat est le plus élevé au monde. Donc, bien sûr, le plus coûteux pour la puissance publique et le plus rentable pour les petits malins. Et ce alors que l’électricité française, massivement nucléaire, est déjà l’une des plus vertes, et des moins chères au monde!

Autre exemple: le coût de la filière photovoltaïque (panneaux solaires) ne cesse de baisser, notamment grâce au progrès technologique, et aux économies d’échelle générées par la croissance explosive du volume de production. Rien qu’en 2009, les coûts ont baissé de 30% à 50% d’après la Commission de régulation de l’énergie. Forte baisse des coûts sans baisse des prix, on voit tout de suite pourquoi il y a eu formation d’une bulle spéculative.

Parce que, et c’est là sans doute le plus choquant, les dossiers de fin 2009 sont vraiment l’inventaire d’un grand n’importe quoi à la sauce du père Ubu. La seule contrainte règlementaire étant, sous l’ancien décret, que les panneaux soient situés sur un bâtiment clos et couvert, on a fait vraiment n’importe où. En profitant notamment allègrement du droit de construire sans permis en zone agricole. Des « granges » construites tout exprès, sans autre vocation que de traire la vache qu’est le contribuable en produisant de l’électricité au milieu de nulle part, donc avec le minimum d’intérêt pour EDF, un coût de raccordement maximum, sans limite de volume…

Qu’on se rassure, le nouveau décret n’est pas trop féroce avec une profession qui, évidemment, pousse des cris de cochons qu’on égorge. Les prix ne baisseront que progressivement, et les conditions d’éligibilité, si elles ne sont plus inexistantes, restent très libérales. Ceci sous la menace de la profession, de dizaines de milliers de suppressions d’emplois. Éternel chantage qui fait bouillir JusMurmurandi de rage, se souvenant de l’escroquerie menée à bien (!) par les cafetiers et restaurateurs sur la baisse de T.V.A. pour leur profession, qui, par coïncidence, fait presque le même montant, un peu moins de trois milliards annuels.

Le cœur de Philippe Séguin a lâché, privant la Cour des Comptes, censeur du gâchis des deniers publics, de son Président. Faute de quoi, il aurait risqué, sur cette affaire, parmi tant d’autres, de mourir de chagrin…

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