Chine, Lénine, bonus bancaires….

janvier 31, 2010 on 8:38 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, Incongruités, International, Poil à gratter | Commentaires fermés

Alain Peyrefitte avait eu beaucoup de flair en écrivant son célèbre livre « quand la Chine s’éveillera » bien avant que quelques signe visible pour le commun des mortels ne donne à penser qu’il y avait là un futur géant planétaire.

Mais maintenant la Chine veut plus, et ne manque pas une occasion de le faire savoir. Tout d’abord et avant tout, elle veut qu’on la laisse faire la pluie et le beau temps chez elle, y compris quand elle sinise avec un cynisme brutal le Tibet, ou pacifie par la force les ouïghours. Où quand elle « oublie » tous les engagements de libéralisation qu’elle avait pris pour obtenir le droit d’organiser à Beijing les Jeux Olympiques de 2008.

Et justement, pour la Chine, Taïwan, c’est chez elle. Donc, quand les États-Unis concluent la vente de 6 milliards de dollars de systèmes d’armes « défensifs » (hélicoptères et missiles anti-missiles Patriot) à Taïwan, la Chine s’estime agressée (ou dit s’estimer agressée), et prend des mesures de rétorsion contre les États-Unis. Peut-être n’est-ce qu’en apparence, parce qu’en réalité la Chine s’accomode du statu quo. Peut-être ne sont-ce que des menaces pour que les États-Unis ne vendent pas, en plus, des avions F16 et des sous-marins que les Taïwanais veulent et ont les moyens d’acheter.

Toujours est-il que la Chine fait aujourd’hui partie de l’échiquier mondial, échiquier dont la crise a bien montré à quel point tous les acteurs sont interdépendants. La Chine finance avec son gigantesque excédent le tout aussi gigantesque déficit américain. Que la Chine arrête d’acheter des Bons du Trésor aurait des conséquences gravissimes pour les Américains. A commencer par leur impossibilité d’importer des biens chinois et stopper la progression de leur industrie, et la création d’emplois urbains dont elle a un besoin vital pour que son exode rural se passe relativement pacifiquement.

Bref, on est dans un jeu classique de « je te tiens, tu me tiens pas la barbichette »…

Là où cela devient plus curieux, c’est quand la Chine, au nom du droit absolu qu’elle s’arroge de faire ce qu’elle veut chez elle, lance des cyber-attaques extrêmement sophistiquées contre Google pour avoir accès au contenu des comptes de courrier électronique G-mail de Chinois qu’elle veut surveiller. Car là, la Chine ne veut plus seulement faire la police chez elle, mais bien se donner des droits universels. On est dans le même schéma de totalitarisme mondial que quand l’Union Soviétique s’estimait le droit de tuer ses opposants même à l’étranger, y compris à coups du célèbre « parapluie bulgare ».

Et renoncer à se battre avec la Chine, donc avec son plus gros fournisseur et créancier, ce serait vérifier la formule de Lénine suivant laquelle le capitalisme vendra la corde pour le pendre, sauf qu’il s’agit ici d’acheter et d’emprunter…

D’où la méfiance américaine en notant que la Chine est désormais devenue le premier pays producteur de panneaux solaires et d’éoliennes, donc de matériel destiné à la production d’électricité d’origine renouvelable. Car là les États-Unis n’ont pas envie de remplacer leur dépendance au pétrole importé par une autre dépendance en énergies de remplacement. Mais, pour cela, encore faudrait-il que les entreprises américaines soient capables d’être compétitives sur le plan industriel au lieu de se contenter d’écouler des importations d’origine chinoise.

Une production compétitive requiert de bons ingénieurs, que les universités américaines diplôment en nombre important. Le problème est que, depuis des décennies, les plus doués de ces jeunes diplômés rêvent tous d’aller travailler chez Goldman Sachs, paradis de l’ultra-bonus, y compris en 2009, et pas chez General Motors, failli en 2009.

Décidément, tout se tient dans un monde devenu tout petit.

No Comments yet

Désolé, les commentaires sont fermés pour le moment.