Mort pour la bonne cause

février 14, 2010 on 9:05 | In Best of, Ca m'énerve, Coup de gueule, Incongruités, International | Commentaires fermés

Les Jeux Olympiques sont l’évènement le plus « populaire » de la planète. Populaire, ici, étant défini comme regroupant du bon peuple devant leurs écrans de télévision. Ces jeux se déclinent en deux versions la grande, l’été, et la moins grande, l’hiver.

La charte des Jeux porte sur l’affrontement loyal des athlètes entre eux. Mais la réalité est toute autre. Il s’agit de prestige, de nationalisme et surtout de fric.

Le CIO, Comité International Olympique, organisateur autoproclamé, est la plus grosse organisation non imposée au monde. Certes il y a la Croix Rouge, l’ONU, et autres ONG ou instances internationales, mais elles ont des buts qui, d’une façon ou d’une autre aident l’Humanité. Alors que le CIO a avant tout pour but de collecter toujours plus d’argent pour lui-même et ses bienheureux membres.

C’est ainsi que les Jeux font l’objet d’un marketing exceptionnel de talent, de rigueur et de rapacité. Rien à voir avec le discours officiel, bien sûr, qui, lui, dégouline de morale et de bonnes intentions.

Ainsi, les Jeux d’hiver de Vancouver, censés être « verts », c’est-à-dire respectueux de l’environnement, se dérouleront exclusivement sur de la neige apportée par camions depuis des centaines de kilomètres. Difficile de faire plus caricatural.

Chaque pays organisateur des Jeux prend des engagements envers le CIO sur tous les sujets touchant à la morale et au respect des droits. Ainsi les Chinois avaient promis de respecter les Droits de l’Homme pour obtenir les Jeux de Beijing en 2008. Demandez aux Tibétains ou aux Uighurs ce qu’il en a été. Sans que le CIO, certainement désolé, bien sûr, proteste. Les prochains Jeux d’hiver, à Sotchi, en Russie, promettent d’être aussi un sommet en matière de farce sur les Droits de l’Homme. Sotchi, pour ceux qui ne le sauraient pas, est voisine de Rostov-sur-le-Don, capitale des forces russes pour le Caucase, c’est-à-dire la Tchétchénie, le Nagorny-Karabagh, l’Ossétie, l’Ingouchie, et autres lieux « sensibles ».

Chaque pays prend aussi des engagements en matière de coûts, pour éviter que les Jeux n’aient l’apparence d’une gigantesque foire à la la splendeur nationale, toujours plus éclatante, toujours plus inaccessible, toujours plus insultante face à la misère du monde. Ainsi ce critère de « modestie » a-t-il été mis en avant par le Comité pour sélectionner la ville qui aurait le privilège de recevoir les Jeux d’été de 2012. Paris s’en tint au cahier de charges, avec un montant prévu de 2,4 milliards d’euros, ce qui est déjà extravagant pour quinze jours de fiestas, dont il ne reste quasiment rien après. Il n’y a qu’à voir les stades vides de Beijing pour s’en persuader. Mais c’est Londres qui fut choisi, malgré son devis nettement plus élevé, de près de 4 milliards d’euros. Ce qui serait après tout une simple différence d’appréciation sur ce que « priorité » veut dire, sauf que le coût réel du projet de Londres est aujourd’hui estimé à 9 milliards de livres, soit près de 10 milliards d’euros. Pour quinze jours, cela fait 700 millions d’euros par jour. Dans le genre modeste, on a fait mieux.

Mais tout ceci après tout n’est qu’affaire de mensonges, de gros (très gros) sous, et d’irrespect de l’environnement. Comme on dit, il n’y a pas mort d’homme. Sauf que, si, un athlète géorgien s’est tué en luge. Là encore, il pourrait s’agir d’un accident tragique, mais imprévisible. Mais celui-ci a fait ressortir que la piste créée par les Canadiens est la plus rapide du monde, et que les avertissements se sont multipliés contre cette piste et cet excès de vitesse. De plus, les Canadiens n’ont donné qu’un accès extrêmement réduit aux autres délégations pour se familiariser avec cette piste de tous les records, de façon à maximiser l’avantage de leurs propres athlètes, qui, eux, la connaissent à fond.

Mais le plus choquant, le plus cynique, le plus dégoûtant, c’est l’empressement de la Fédération internationale de luge, et, par extension, du CIO, à expliquer en détail que l’accident est exclusivement du à la faute du lugeur géorgien, qui n’a pas maitrisé sa trajectoire. Ceci bien sûr afin de ne pas retarder ou perturber le bon déroulement des épreuves. Lesquelles ne manqueront pas d’attirer maintenant encore plus de spectateurs qu’avant, compte tenu de l’atmosphère de corrida que répand l’odeur du sang du pauvre géorgien.

Car n’oublions pas que la nature universelle des athlètes qui participent aux Jeux fait qu’il est inévitable qu’il y ait des écarts de niveau très importants entre les meilleurs athlètes ultra-entraînés des nations reines d’une discipline et ceux, vrais amateurs, de pays pour qui, suivant Pierre de Coubertin, « l’essentiel est de participer ».

Plus dérisoire encore, pour faire semblant de faire quelque chose, on rehausse un mur ici, on matelasse un pilier là, toutes modifications d’un coût quasi nul, et qui eussent pu être largement être menées à bien avant les épreuves pour peu qu’écouter les avertissements et assurer une certaine sécurité eût été une priorité réelle du CIO, et non une priorité à la même mode que la modestie financière, le respect de l’environnement ou celui des Droits de l’Homme.

Ainsi la glace sera modifiée, les hommes partiront du départ des femmes, plus bas, donc moins rapide, et tous les athlètes pourront faire deux parcours d’entrainement complets. Non pas, dit le COVAN (Comité d’organisation des Jeux de Vancouver) parce que la piste est dangereuse, ce qu’ils affirment qu’elle n’est pas, mais « pour rassurer les athlètes ». Tiens donc, pourquoi donc seraient-ils alors inquiets?

Et on se plaint beaucoup de cet accident, qui fait « tache » sur le panorama, qu’on veut d’une blancheur immaculée, des Jeux d’hiver. Tache de sang, bien sûr. Le Président du COVAN explique d’ailleurs, pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris, à quel point il est étranger à ce qui s’est passé: « Je ne suis pas préparé à ce genre de choses. Mon équipe non plus ». JusMurmurandi ne saurait mieux dire.

On imagine sans peine ce que dirait un avocat lors d’un procès en responsabilité civile, voire au pénal pour homicide involontaire, si la partie accusée se défendait en disant: « Je ne suis pas préparé à ce genre de choses. Mon équipe non plus ». Ni responsable, ni coupable, cela va de soi. Pas préparé non plus, c’est nouveau, comme « défense »…

Accident de luge sur la piste des JO

No Comments yet

Désolé, les commentaires sont fermés pour le moment.