Heuliez, le Royal grief contre Krief…

février 19, 2010 on 8:38 | In Best of, Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, La Cour des Mécomptes, Poil à gratter | Commentaires fermés

Heuliez, vous connaissez? Une entreprise du secteur automobile, située en Poitou-Charentes. Elle a eu son heure de gloire en produisant la première voiture décapotable de grande série avec un toit en « dur » repliable électriquement, ce fut le coup de génie de la Peugeot 206 CC, aujourd’hui copiée dans le monde entier.

Le problème, c’est que Heuliez n’a pas su breveter un système qui lui garantisse une propriété intellectuelle exclusive et, partant, un volume de production satisfaisant. Car le succès même de la formule a fait que les constructeurs ont gardé pour eux ce volume additionnel, au lieu de le sous-traiter à Heuliez. D’où les difficultés de l’entreprise, qui ne peut survivre sans produire de voitures.

Alors, bien sûr, Heuliez a des projets d’avenir pour attirer des repreneurs après son dépôt de bilan. Notamment un projet de voiture électrique. Comme la société emploie des centaines de personnes en Poitou-Charentes, la présidente de la région, Ségolène Royal, se saisit du dossier et s’y engage à fond. Le tribunal de Commerce accorde la reprise au fond spécialisé BKC, entité du groupe Bernard Krief, et à son charismatique patron, Louis Petiet. Ce qui permet à Ségolène Royal de parader devant les caméras en montrant à quel point elle fait tout pour sauver l’emploi chez elle.

Elle fait également pression sur l’État pour obtenir une intervention en fonds propres aux côtés de BKC et de la région. Elle intéresse également la région Pays de Loire, dirigée par un ami PS, et voilà le plan de financement bouclé. 15M€ pour BKC, 10M€ pour le FSI, « fonds souverain à la française », et 5M€ pour la région.

Sauf que BKC, depuis son engagement à apporter cet argent en août 2009, ne l’a toujours pas fait.Mis au pied du mur, Petiet apporte non du cash, mais ce qu’on aurait appelé sous la Révolution un assignat. Un bout de papier qui ne vaut que la confiance qu’on lui accorde. Et comme cela fait 6 mois qu’il ne tient pas ses promesses, ladite confiance n’est pas vraiment au plus haut.

Mais cette fois-ci, promis-juré, il apportera l’argent le 15 mars. Comme par hasard, juste le temps de réussir son introduction en bourse …aujourd’hui. Il peut y avoir plusieurs explications à ce retard. Peut-être Petiet n’a-t-il jamais eu l’intention ou les moyens de payer, car reprendre une entreprise faillie permet de reprendre le stock et le compte clients à vil prix, et à crédit, et de s’en servir pour générer du cash. On peut donc, si tout va bien, se faire de la trésorerie sans en apporter soi-même, et récupérer le contrôle d’une entreprise qu’on n’a pas payée. Il flotte sur Internet des allégations que Petiet et BKC connaissent très bien cette méthode.

Peut-être Petiet voulait-il donner à Bernard Krief une notoriété et une visibilité supplémentaires pour faciliter son entrée en bourse. Peut-être n’a-t-il pas pu trouver les capitaux auxquels il croyait de bonne foi avoir accès.

Toujours est-il que le FSI a refusé de payer tant que BKC n’a pas mis l’argent promis. Une prudence normale entre professionnels. Sauf que la région Poitou-Charentes, elle, a payé tout de suite, pour le plus grand bénéfice médiatique de sa présidente. Laquelle déclare que l’argent a été mis sous séquestre, et ne sera utilisé que si BKC paye enfin. Sans doute ne sait-elle pas qu’en cas de liquidation d’Heuliez, ce séquestre sera sans effet, et que les 5 millions d’argent des contribuables picto-charentais disparaîtront dans la faillite.

A qui sert donc d’avoir versé si tôt un argent qui ne sert à rien sur son séquestre? Tout rapprochement entre le 15 mars, nouvelle date de BKC, et les dates de son entrée en bourse et des élections régionales ne serait que pure malveillance.

Sauf à imaginer que Ségolène, n’étant pas prudente, ou pas professionnelle, ou les deux, se soit fait tout simplement empapaouter. Fort heureusement, le redoutable Philippe Séguin, Président de la Cour des Comptes, et, à ce titre, gendarme du gâchis d’argent public, est mort. Il ne persiflera donc pas avec une formule dont il avait le secret, qu’Heuliez a atteint le record de coût de chaque emploi non sauvé…

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