Un peuple de Résistants?

février 23, 2010 on 8:28 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, Poil à gratter | Commentaires fermés

Les salariés des raffineries françaises de Total sont en grève, et le pays est menacé de paralysie sous quelques jours. La cause en est l’annonce de la fermeture prochaine de la raffinerie de Dunkerque.

On pourrait, en l’espèce, se croire dans un classique désespoir des employés devant la fermeture à venir de leur entreprise et la perte de leurs emplois. Ce n’est pas le cas, puisque:
- Total a annoncé qu’il n’y aurait aucun licenciement, 100% des employés étant reclassés
- L’activité industrielle sur le site de Dunkerque sera maintenue
- Aucune autre raffinerie du groupe n’est menacée
Le moins qu’on puisse dire, c’est que, par rapport à de très nombreux autres Français, les « menacés de Dunkerque » sont des privilégiés. Et que la décision de Total n’est pas de délocaliser en Hongrie, comme Philips à Dreux, mais de diminuer sa production dans un marché en surcapacité permanente, et dans une activité qui lui « vaut » presque 2 milliards de pertes par an.

Dans le même temps, les contrôleurs du ciel sont en grève, pour protester contre le projet d’intégration européenne. Ce projet est aussi incontestable que celui de Total, avec un accroissement de la productivité et en même temps une amélioration de la sécurité. Il est en outre indispensable pour faire face à l’augmentation prévue du trafic aérien.

Et le moins qu’on puisse dire, c’est que les contrôleurs aériens sont encore moins menacés que les salariés de Total, et qu’ils pourront garder leur statut et leurs privilèges (travail maximum de 99 jours par an, salaire de fin de carrière équivalent à celui d’un diplômé de l’ENA, etc.) dans la nouvelle organisation.

Pour comprendre ce qui motive ces Français qui n’ont aucune raison d’être désespérés, il suffit de se souvenir de la mythologie française, qui chante la Résistance alors même que la France et son armée se sont effondrées face aux armées nazies. De même, les sportifs français ne sont jamais aussi dangereux que quand ils ne sont pas favoris, comme les footballeurs en 1998 et 2006, ou le XV de rugby en Coupe du Monde face aux All Blacks, tandis que le statut de favori leur est parfois lourd à porter.

C’est dans cette même ligne que le sportif français le plus populaire est Yannick Noah, qui n’a jamais été n°1 mondial, et n’a gagné « que » un seul tournoi du Grand Chelem, alors que d’autres éclaboussaient le monde entier de leur classe, tels Killy, Platini, Tabarly, Prost, Douillet, Longo ou Loeb, sans parler de Zinédine Zidane…

Pourquoi y a-t-il donc dans l’inconscient français plus de gloire à résister qu’à vaincre, ce qui va inévitablement arriver aussi bien pour le contrôle aérien, qui sera bien intégré, n’en déplaise aux contrôleurs, qu’aux raffineries de Total qui seront redimensionnées sur la demande?

C’est que vaincre appartient aux plus forts, alors que tous nous pouvons résister. Le problème, c’est que toutes les résistances ne sont pas la Résistance. Plus encore, et c’est peut-être la clef de cette stance, si l’on demande aux Français, qui a gagné l’affrontement entre Gaulois et Romains, ils seront persuadés que c’est celui qui résiste seul contre tous, le petit village contre l’empire, Astérix contre César.

C’est mignon, attendrissant, même peut-être beau pour un pays qui inspire au poète Alfred de Musset que « les chants désespérés sont les chants les plus beaux ».

Mais c’est oublier que, dans la réalité et non dans la poésie ou la bande dessinée, Vercingétorix a fini battu à Alésia puis étranglé dans sa prison.

Est-ce l’avenir que nous voulons?

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