Le grand « squeeze » et la grande bagarre

mars 18, 2010 on 7:38 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, France, International, Poil à gratter | Commentaires fermés

En anglais, le verbe « to squeeze » signifie aussi bien pincer, éventuellement gentiment, que prendre en tenaille. C’est ce qui risque d’arriver à une économie mondiale qui n’a pas besoin de ça, parce qu’elle en a eu trop besoin. Et toute la question est de savoir quelle sera l’intensité du pincement.

Car, dans l’ombre, des experts nous préparent des normes de prudence bancaire dites « Bâle 3″, qui vont entrer en vigueur fin 2012, c’est à dire demain.

Schématiquement, les banques prêtent de l’argent qu’elles empruntent. Ce qui fait que si les bénéficiaires des prêts bancaires ne remboursent pas la banque, celle-ci ne peut pas rembourser ses propres emprunts, et c’est la faillite. Et ce sont les fonds propres de la banque qui jouent le rôle d’amortisseur pour éviter la culbute à la première secousse. Donc, si la banque a beaucoup de fonds propres par rapport aux capitaux prêtés et empruntés, elle sera solide et fiable même en cas de secousse conjoncturelle. Mais si elle en a peu, à la première convulsion elle peut « sauter ».

Le « hic », c’est qu’une banque qui prête beaucoup par rapport à ses fonds propres va avoir plus d’activité qu’une autre qui prête moins, donc pourra gagner plus d’argent, ce qui fera monter le cours de son action et son dividende, et, en même temps le prestige et les rémunérations de ses dirigeants.

Ce qu’on a observé en 2006-2008 et qui a conduit à la grande crise financière de 2008 est que les banques ont pris, comme en 1929, beaucoup trop de risques par rapport à leurs fonds propres.

Il y avait des normes à respecter, dites « Bâle 2″, mais l’invention de nouveaux produits financiers leur a permis de croitre sans les violer.

D’où le souhait du comité de Bâle, qui réunit experts et banquiers centraux, d’émettre de nouvelles normes qui encadrent aussi ces nouveaux produits financiers de manière plus stricte pour éviter une répétition de la catastrophe de 2008.

Le problème, c’est que si l’on limite strictement les risques que les banques peuvent prendre par rapport à leurs fonds propres, on assure leur stabilité, mais on limite leur activité, et donc, en même temps, l’activité économique qu’elles peuvent alimenter. Des banques qui prêtent peu, et c’est toute l’économie qui se contracte, raison pour laquelle le gouvernement français a exigé qu’en contrepartie des aides accordées aux banques en 2008 celles-ci continuent de prêter comme avant.

L’objectif de Bâle 3, la stabilité bancaire, est donc contradictoire de celle des États, qui veulent de l’activité et de la croissance.

Il y a bien une solution, ce serait que les banques augmentent leurs fonds propres. Mais ceci suppose (1) qu’il y ait des investisseurs intéressés dans des banques qui ont toutes plus ou moins frôlé la faillite, et (2) que ces banques qu’on force à tourner au ralenti gagnent néanmoins assez d’argent pour verser des dividendes satisfaisants pour les actionnaires.

Et comment gagner plus d’argent si ce n’est en prenant plus de risques? La boucle est bouclée, et le cercle est vicieux.

Ce qui énerve puissamment JusMurmurandi, c’est que ce débat, si important pour notre avenir financier à tous, comme celui sur les réformes du système bancaire, l’encadrement des hedge funds, etc… se fait à huis clos, entre experts non politiques et politiques non experts.

Ainsi, toujours sur le même thème, une bagarre intra-européenne se prépare depuis que Gordon Brown a décidé pour des raisons de convenance électorale, de ne pas donner suite au projet de passeport européen, que Merkel et Sarkozy voulaient créer pour encadrer les fonds européens et limiter l’accès des fonds trop risqués non européens au marché financier de l’Union. Inutile de dire que ce projet constitue un magnifique sujet de discorde avec les Américains qui veulent que leur entreprises financières puissent faire ce qu’elles veulent sur le Vieux Continent.

Et pendant ce temps-là, vous voulez que nous nous intéressions à l’importance des élections régionales?

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