Plus féroces que des requins

avril 20, 2010 on 6:07 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, International | 2 Comments

Goldman Sachs, c’est la Rolls Royce de Wall Street. La banque d’affaires la plus riche, la plus rentable, celle qui recrute les meilleurs et les paye le mieux, puisque la rémunération moyenne, tous employés confondus, atteint 600.000$ par an… Mettre de côté 19 milliards de dollars pour payer des bonus au titre de 2009, une année qu’elle n’a connu que grâce au soutien de l’État américain, il faut oser, non?

Eh bien, Goldman Sachs a un souci. Parce que cette banque a aussi la réputation de monter les coups les plus tordus, sans foi ni loi. Et là, ce qu’on lit n’est pas joli, joli. Il y a trois ans, un gestionnaire de hedge fund, John Paulson, est convaincu que les subprimes sont des crédits pourris qui ne seront pas remboursés par des clients trop endettés à qui on a vendu n’importe quoi. Jusque là, tout va bien. Il cherche donc à gagner de l’argent avec cette conviction, jusqu’ici contraire à ce que pense le marché, pour qui les subprimes sont un moyen de s’enrichir vite et beaucoup.

Il lui faut donc trouver des opportunités de parier contre des subprimes. Or ceux-ci, après émission par une banque qui a fait le crédit au client, sont regroupés par milliers en packages titrisés. Et une banque d’affaires créé un CDO, produit dérivé virtuel dont l’évolution va refléter exactement celles des crédits subprimes. S’ils sont remboursés dans les délais, tout va bien, sinon la valeur du CDO va plonger. Et John Paulson prend un pari massif contre un CDO bien particulier, gavé des pires subprimes, créé et vendu par Goldman Sachs.

Alors, où est le problème? C’est que, pour être sûr, mais alors totalement sûr que ce CDO est bien pourri jusqu’à la moelle,, c’est l’équipe de Paulson qui en a assisté la constitution! Et ce n’est pas exactement ce que Goldman Sachs a raconté aux investisseurs à qui la banque a vendu le CDO. Au contraire, la banque en a vanté la qualité, attestée par le cabinet d’expertise ACA. En « oubliant » de dire qu’elle avait un client désireux de parier contre ce CDO et qui en avait supervisé la composition. Petit détail, qui, s’il avait été porté à l’attention des acheteurs potentiels, aurait plus que probablement fait mauvais effet…

Le résultat est que, sur ce seul CDO (et il y en a eu des dizaines de milliers de créés), le fond de John Paulson a gagné un milliard de dollars (et JP 250 milions à titre personnel !), et les investisseurs perdu…un milliard.

Maintenant, la SEC attaque Goldman Sachs pour information trompeuse, ce qui, en outre, ouvre grand la porte à des demandes de dommages et intérêts. En un mot, ça risque de coûter bonbon à notre Rolls de Wall Street, déjà mise en cause pour avoir fait à peu près la même chose avec la Grèce: un département de la banque conseillait la Grèce, un autre vendait de la dette grecque à ses clients, un troisième spéculait à la baisse sur cette même dette grecque.

C’est très bien si cela leur coûte un max, c’est le seul langage qu’apparemment ils comprennent (voir plus haut l’épisode des bonus). Quand on veut calmer des requins, on ne fait pas appel à une ONG. Des orques, c’est beaucoup plus efficace…

2 commentaires

  1. Vers un nouveau Breton Woods et le Glass-Steagall

    Ce nouveau scandale bancaire, nous rappelle l’urgence d’agir politiquement afin de répondre efficacement à l’effondrement du système bancaire et monétaire internationale.

    Suite à la crise de 2008, ainsi que la dégradation de la situation économique de notre pays ( destruction d’entreprises, destruction d ‘emplois, augmentation de la dette souveraine…). Il est inacceptable de continuer à constater qu’une exception soit faite en faveur des excès d’une profession.

    La responsabilité de nos hommes politiques est de défendre l’intérêt général et le bien commun contre l’empire fou de la finance et des marchés. Nous devons retrouver notre souveraineté économique afin de pouvoir financer les besoins de notre population avec une banque nationale et du crédit productif public, en demandant un nouvel ordre économique international avec un Nouveau Bretton Woods ainsi qu’un retour à Glass-Steagall , afin de séparer les banques de dépôt, des banques d’affaire et des assurances, pour ramener les banques à leur métier, prêter de l’argent afin de soutenir l’économie physique et non de se gaver sur le casino des marchés financiers de la City de Londres ou de Wall Street de New York.

    Une nouvelle commission Pécora : Nous devons sauver les gens et non les marchés !

    Depuis plus d’un an, le mouvement politique Solidarité et Progrès propose aux citoyens de prendre position en signant la pétition : « Appel à constituer sans délai une Commission d’enquête parlementaire sur la crise financière » à l’image de la comission Pécora ordonné par Franklin Delano Roosevelt afin de déterminer les causes de la grandes dépression de 1929 ainsi que d’exposer, aux yeux de tous les citoyens américains, l’emprise mafieuse des intérêts financiers de son temps sur la République américaine, afin d’ouvrir la voie au véritable changement de système économique : Le New Deal.

    Citoyens ! Nous devons refuser la tyrannie des banques, nous devons donc exiger une telle commission aujourd’hui !

    le blog de David C.
    david.cabas.over-blog.fr

    Commentaire by David C. — 21 avril 2010 #

  2. Cher David C., votre commentaire soulève de nombreuses questions. Voici quelques réponses: « sauver les gens, pas les marchés » est une belle formule, mais guère plus. Si on n’avait pas sauvé les banques en octobre 2008, elles se seraient effondrées, et auraient entraîné tout notre système économique avec elles. Là, au lieu d’avoir, grosso modo, 5% de baisse du PNB, on aurait risqué les 30% de baisse des années 30, voire plus.
    Pour ce qui est des causes, elles sont simples. En usant de nouveaux produits financiers et en bénéficiant de la dérégulation américaine des années Clinton et Bush, les banques américaines ont pris des risques démesurés par rapport à la taille de leur bilan. D’autres pays ont eu d’autres configurations (Espagne, Grande-Bretagne, Islande) qui leur ont sauté à la figure avec la crise importée des USA.
    Pour ce qui est de réguler les marchés afin de les empêcher de prendre encore une fois des risques qui entraînent des crises, il ne faut pas oublier, même si ce n’est pas agréable à entendre, que la prospérité des années Greenspan-Bernanke, soit quelques 20 ans, a été largement facilitée et augmentée par la croissance du crédit qu’on condamne aujourd’hui. Il est donc facile et populaire de réclamer changements de système et condamnations des coupables, mais il ne fait pas s’exonérer du fait que nous avons tous applaudi quand tout allait bien….
    Quant au New Deal, les différents plans de relance en sont très proches: sauver les banques pour éviter l’implosion du système et de l’économie, relancer la machine par l’action de l’Etat financée par de la dette, baisse des taux d’intérêts pour stimuler la demande. Manifestement les grands argentiers n’ont pas reproduit la politique catastrophique de l’équipe Hoover, mais au contraire ont largement puisé dans les recettes keynesiennes. L’enjeu de la réforme en cours d’élaboration est maintenant de trouver un nouvel et bon équilibre, qui ne favorise pas (ou ne permette pas) une prise de risques une nouvelle fois excessive, mais aussi n’aille pas trop loin en forçant le système financier à une contraction qui rejaillirait instantanément sur l’économie mondiale…
    Vaste programme! eût dit De Gaulle….

    Commentaire by JM2 — 22 avril 2010 #

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