Le fantôme de Lehman Brothers prend ses vacances en Grèce…

avril 24, 2010 on 3:32 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, Europe, France, Incongruités, Insolite, International | Commentaires fermés

Qui se souvient de Lehman Brothers? Une banque d’affaires américaine, autrefois une des plus prestigieuses. La victime la plus connue de la débâcle de la finance mondiale à l’automne 2008. La seule que l’Etat américain n’a pas sauvé directement ou indirectement. La plus grande faillite de l’Histoire par le montant des engagements. Et l’un des plus grandes questions de l’historie financière récente.

Celle de savoir si laisser Lehman couler continue d’alimenter le débat entre économistes. Pour certains, cela a été une catastrophe, en déclenchant un arrêt quasi- total du crédit interbancaire, et en mettant le monde à deux doigts de l’implosion totale de son système financier, un épisode qui a coûté beaucoup plus cher à réparer que n’eût coûté un sauvetage de Lehman. Pour d’autres, sauver la banque n’aurait servi qu’à précipiter dans la crise l’établissement suivant sur la liste des proies vulnérables: Morgan Stanley, Goldman Sachs, Citigroup, toutes beaucoup plus grosses que Lehman. Et le choc de voir couler Lehman a servi de déclencheur pour que le Congrès américain et leurs homologues de par le monde déclenchent des plans de sauvetage sans précédent.

Aujourd’hui, une question similaire se pose: faut-il sauver la Grèce? Les gouvernements de ce pays sont indiscutablement coupables de mauvaise gestion en dépensant de l’argent qu’ils n’avaient pas, comme Lehman en prêtant de l’argent plus qu’ils ne l’auraient du. Et l’un comme l’autre ont présenté des comptes artificiellement « roses » masquant la gravité de la situation pour acheter du temps sur l’air de « encore un moment, monsieur le Bourreau… »

Comme Lehman a failli emporter avec lui en enfer les autres banques de New-York -et, par extension, du monde-, la Grèce, si elle venait à chuter, causerait probablement un effet de dominos sur le Portugal, puis l’Espagne et l’Italie… Le renchérissement massif du coût de la dette souveraine qui s’ensuivrait en quelques heures frapperait à mort les finances de pays très endettés, qui comprennent rien moins que la France, le Japon, le Royaume Uni et les États-Unis. Il y a à peine un an et demie, JusMurmurandi écrivait que les montants mis en œuvre pour le sauvetage du système financier étaient sans précédent et défiaient l’entendement, et voilà que, très peu de temps plus tard, un nouveau défi est là, qui requiert des montants incomparablement plus importants. Car une chose est sûre, si l’État américain a pu sauver Goldman Sachs, Morgan Stanley et Citigroup, ceux-ci sont bien incapables de sauver les finances de l’État américain.

D’autant que ces établissements ont quelques soucis, dont JusMurmurandi s’est déjà fait l’écho. Notamment Goldman Sachs, à qui il est reproché d’avoir dissimulé une partie de la vérité dans une affaire où ses clients ont perdu un milliard de dollars. Mais le plus grave problème de Goldman n’est pas là; il est dans la riposte de leur PDG, Lloyd Blankfein, un homme qui déclare « qu’il fait l’œuvre de Dieu ». Que dit il en réponse au procès que lui fait l’autorité boursière américaine? Que l’attaque contre son entreprise chérie est « purement politique », anti-américaine, destinée à fracasser toutes les banques.

Avec des banquiers comme ça, les banques n’ont plus besoin d’ennemis.

Et on ne s’étonne plus que Lehman Brothers ait coulé non parce qu’il n’y avait pas de plan de sauvetage, ni parce que les conséquences avaient été jugées gérables et préférables à un naufrage, mais parce que, sans doute, sauver Lehman n’eût pas été « faire l’oeuvre de Dieu », ou eût été anti-américain ou purement politique.

Or, si une chose, une seule, est sûre, c’est que dans tout ce dossier de formidables foirages financiers, s’il y a une chose qui ne figure nulle part, c’est bien la pureté…

En attendant, le fantôme de Lehman Brothers pourra prolonger ses vacances en Grèce comme un vulgaire touriste bloqué par un vulgaire nuage.

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