Laisser couler la Grèce…

avril 28, 2010 on 9:06 | In Best of, Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, Incongruités, Poil à gratter | Commentaires fermés

La Grèce est maintenant au bord de la faillite. Les taux à 10 ans sur ses emprunts dépassent 10%, les taux à 2 ans ont atteint 18%. Il n’y a aucune chance qu’elle puisse faire face seule à ses besoins de financement pour le mois de mai.

De toute façon, même si elle y parvenait, à ces taux là, le coût de sa dette est insupportable, venant en plus de la réduction indispensable de son déficit.

Par contraste, les manifestations et autres grèves et déclarations belliqueuses des syndicats grecs sont surréalistes. S’il n’y a plus d’argent en caisse pour les salaires de mai, qui paiera les fonctionnaires en large surnombre?

Le problème est que, pendant des années des politiciens populistes ont cédé à toutes les revendications et les ont financé avec de la dette. C’est-à-dire qu’ils ne les ont pas financées, et, qu’en, plus ils ont obéré l’avenir des charges d’intérêts, ce qui rend la situation chaque année plus ingérable.

D’où la perception qu’ont les Grecs que les programmes politiques ou les grèves peuvent changer les choses, et, d’une façon ou d’une autre, transformer les facteurs économiques. Et que, donc, l’activisme revendicatif paie.

Il paie, oui, mais en monnaie de singe. Ou, quand on disait du temps de Law, il paie, mais en assignats.

Cela étant, ce n’est pas à une faillite « classique » que nous convie la Grèce, et ce à cause de l’Euro. En temps ordinaire, la Grèce aurait massivement dévalué sa monnaie, feue la drachme, et s’en serait sortie comme cela. Avec l’Euro, ça ne marche pas. Et comme la dette grecque est libellée en Euros, sortir de la monnaie unique pour dévaluer quand même fait exploser le coût de la dette en monnaie locale, ce qui rend l’opération catastrophique.

Ce qui fait qu’avec l’Euro, il y a maintenant une nouvelle configuration: une monnaie indévaluable, et, en même temps, des taux d’intérêts élevés.

Avant, quand une monnaie souffrait de taux d’intérêts élevés, au moins, on pouvait, en contrepartie, laisser filer la monnaie. Comme le franc français dévalué 3 fois en 3 ans par François Mitterrand quand il avait laissé filer les dépenses publiques « à la grecque », et commencé à creuser le trou auquel la France fait face aujourd’hui.

C’est pourquoi le paradigme prêté à l’Euro de doter même les pays faibles d’une monnaie forte, et notamment de taux d’intérêts beaucoup plus faibles que ceux qu’ils auraient « mérité » à eux seuls, se révèle faux. Même avec l’Euro, les dettes souveraines des États continuent de coûter leur juste prix, c’est à dire le prix fort pour les pays faibles.

Cette configuration de taux élevés et de monnaie non dévaluable est donc particulièrement impitoyable pour les pays faibles, et JusMurmurandi se demande vraiment quelle solution imaginer, la Grèce n’étant pas susceptible de passer brutalement d’une ultra-cigale à une hyper-fourmi, ce qui passerait par, notamment, la contraction brutale d’une classe de fonctionnaires totalement hypertrophiée et la chasse efficace à une économie souterraine qui représente des dizaines de pour cent de p.i.b. qui échappent à tout impôt.

Cela étant, voir un pays de navigateurs de légende couler est un spectacle peu réjouissant.

Surtout que, si vous croyiez, cher lecteur, que cet article parlait de la Grèce, c’était par licence poétique (si l’on peut parler de poésie, l’ambiance étant plutôt à la tragédie).

Il parlait de la France….

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