Bâle III: combler un trou en attendant qu’un autre s’ouvre

septembre 21, 2010 on 12:37 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, France, International, La Cour des Mécomptes, Poil à gratter | Commentaires fermés

Dire que rien n’a changé depuis la crise financière de 2008 est désormais impossible, le paquet de règles dit « Bâle III » est maintenant connu, et il apporte des changements majeurs par rapport à la situation précédente.

Fondamentalement, là où, avec Bâle II, les banques devaient avoir un minimum de 2% de leurs engagements en réserves « dures », c’est à dire immédiatement liquides et de valeur garantie, elles devront passer graduellement à 7%. Ce qui veut dire que, pour prêter de l’argent, elles devront tripler le montant de leurs réserves, ce qui constituera, dans l’esprit des régulateurs, un matelas de sécurité triple de ce qu’il était avant. Le but de ce matelas étant bien sûr de permettre à une banque de faire face sans risque de faillite, à des non-remboursements de crédits, ce qui arrive toujours en cas de récession. Et qui évitera, nous l’espérons tous, à la prochaine récession de se transformer, comme en 2008, en crise.

Évidemment, la réponse simpliste serait de dire que toujours plus de fonds propres bancaires rendraient le système encore plus stable et sûr, alors pourquoi s’arrêter à 7%? C’est que, plus ce ratio est élevé, moins, à fonds propres constants, une banque peut prêter. Donc à trop élever ce ratio, on limite les crédits qu’une banque peut consentir, et on étrangle l’activité économique.

Il suffirait donc en théorie que les banques lèvent de nouveaux fonds propres et augmentent leur capital pour concilier ratio élevé et forte activité, mais il faudrait rémunérer ces nouveaux fonds propres, et comme ils ne généreraient pas d’activité économique supplémentaire, cela ne pourrait se faire que par un renchérissement du coût du crédit.

On voit donc qu’il faut essayer, avec finesse, de trouver le bon compromis entre sécurité et activité économique.

Le problème, c’est que la crise de 2008 est arrivée sans que les sauvegardes déjà présentes fonctionnent. Et ce, avant tout, parce que de nouveaux instruments financiers, appartenant à la catégorie parfois fort complexe des produits dérivés, n’existaient pas au moment où Bâle II avait créé ces sauvegardes, et n’étaient tout simplement pas pris en compte en termes de risque. On sait ce que cela a donné. Une bulle économique, et notamment immobilière, portant sur des actifs très risqués, et puis un crash.

Les normes de Bâle III vont-t-elles empêcher la répétition de 2008? D’abord il faudrait que les banques américaines les adoptent, ce qui n’est, et c’est un euphémisme, pas gagné d’avance, puisqu’elles seraient les plus « bridées », ayant été, justement, les plus « débridées » en 2004-2008. Ensuite, il faudra s’occuper d’encadrer les hedge funds, ce qui est en cours, et de réformer les agences de notation, et il y a des discussions et des propositions sur ce chapitre aussi.

Mais le problème principal, c’est que la finance est un terrain d’innovation constante et rapide, alimentée par beaucoup des plus brillants cerveaux issus des universités mondiales, attirés par des fortes rémunérations. Et, en période faste, il est aussi clair qu’avant que la banque qui aura trouvé le moyen de prêter plus d’argent sans violer Bâle III fera beaucoup plus de bénéfices que ses consœurs plus conservatrices, ou moins modernes.

Ce n’est donc qu’une question de temps jusqu’à ce que l’invention des financiers ne trouve le moyen « légal » de contourner cette nouvelle barrière, et qu’une nouvelle bulle de crédit, suivie comme toujours de son douloureux éclatement, ne s’ajoute à la longue liste des périodes où les hommes ont cru, comme avec les tulipes hollandaises, que les arbres pouvaient sans dommage monter jusqu’au ciel…

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