Précipitation du haut du perchoir

septembre 28, 2010 on 9:49 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, France, Incongruités, La Cour des Mécomptes, Poil à gratter | Commentaires fermés

Nicolas Sarkozy est bien un fin manœuvrier politique. Quand il a nommé un membre du Parti Socialiste à la position éminente de Président de la puissante Commission des finances de l’Assemblée Nationale, rares ont été ceux qui ont compris le sens de cette ouverture, finalement peu médiatique, mais qui donne au PS une tribune à partir de laquelle tirer à boulets rouges sur la majorité.

Jusqu’ici, JusMurmurandi n’avait lui non plus, pas vraiment compris le sens de cette ouverture, sauf à supposer que Sarkozy soit vraiment acquis à une certaine dose de partage du pouvoir entre la majorité et l’opposition, ce qui est une idée beaucoup trop positive pour que qui que ce soit de censé puisse la lui prêter.

Mais depuis aujourd’hui tout s’éclaire. En effet, Jérôme Cahuzac, au cours d’un entretien à BFM a déclaré, notamment, que maintenir la réduction de la TVA sur la restauration coûtait 3 milliards d’euros par an, alors que le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne rapportait que 500 millions, et que, donc, il pensait que cette mesure, qui coûtait 5 à 6 ans de restriction du nombre des fonctionnaires, était beaucoup trop coûteuse et aurait due être annulée.

Or ce que M. Cahuzac ne comprend pas, c’est que la baisse de la TVA est annuelle, alors que l’économie sur la baisse du nombre de fonctionnaires est cumulative, soit 500 millions la première année, puis un milliard la deuxième, puisque le nombre de fonctionnaires aura diminué pendant deux années de suite, donc deux fois plus, puis un milliard et demie, et ainsi de suite. Son calcul, du niveau d’un problème de brevet, est donc faux, et M. Cahuzac montre que les chirurgiens (c’est sa formation) coupent mieux dans le ventre de leurs patients que dans les dépenses de l’État.

Ceci pourrait n’être qu’un lapsus, mais voilà que le Président se met à parler d’une autre « largesse » que le Gouvernement a maintenue. Et il indique que ce genre de largesse peut se comprendre en temps de prospérité économique, mais pas avec les finances publiques dans l’état dans lequel elles sont aujourd’hui. Ce que ne sait pas notre chirurgien girondin, c’est que justement les périodes de vaches grasses alternent avec les périodes de vaches maigres, et que, distribuer toutes les recettes pendant les premières mène à la ruine pendant les deuxièmes. C’est exactement ce qu’ont fait MM. Rocard et Jospin, ses collègues socialistes, comme les cigales de La Fontaine.

Ces déclarations sont un tel pain béni pour la majorité, et pour le futur candidat de l’UMP à la Présidentielle de 2012, que cela vaut largement de laisser M. Cahuzac pérorer, car ces incongruités serviront d’excellentes munitions pour une campagne où l’économie jouera, n’en doutons pas, un grand rôle.

Comme Lénine disait de ses adversaires qu’il allaient lui vendre la corde avec laquelle il les pendrait, Sarkozy, lui, leur offre un perchoir du haut duquel il les précipitera.

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