Une rupture, une!

novembre 1, 2010 on 10:29 | In Best of, Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, Elections présidentielles 2012, France, Incongruités, Insolite, La Cour des Mécomptes, Poil à gratter | 2 Comments

Ne pas comprendre à quel point la bataille pour la réforme des retraites a été une rupture totale avec des décennies de pratique politique et sociale en France serait une erreur. Et ceci non seulement sur un plan, mais sur deux.

Le premier plan, bien sûr, c’est celui qui met à mal des formules aussi sacralisées que les « acquis sociaux », ou « avantages acquis ». Il y avait une espèce de conviction partagée que l’Histoire ne pouvait aller que dans un seul sens: toujours plus de droits et d’avantages. Toujours moins de travail, toujours plus de retraite, de temps libre et de congés. Manque de chance, pour avoir toujours plus de retraite, avant tout grâce aux formidables progrès de santé de la société française, il faut, pour une fois, plus de travail.

Avec un humour grinçant, on ne peut pas ne pas voir que cela honore la promesse sarkozyenne de « travailler plus pour gagner plus (de droits à la retraite) ».

Le second plan est, il faut s’en souvenir, que, même en choisissant le terrain qui lui est le plus favorable, l’alliance politico-syndicale de gauche n’a pas pu faire plier le gouvernement. Pourtant, ils ont tout essayé: manifestations massives, grève des transports, et blocage de ce supposé point faible de notre société: le carburant. En d’autres temps, cela eût indiscutablement fonctionné, et le projet de loi eût été renvoyé à une obscure commission qui l’aurait enterré dans une discrétion honteuse et amère.

MM. Giscard d’Estaing, Mitterrand et Chirac en ont fait la douloureuse expérience.

Pourquoi cela n’a-t-il pas fonctionné, j’allais écrire « comme d’habitude »?

D’abord parce qu’à la base, quel que soit leur attachement viscéral à leur retraite et à leurs avantages acquis, les Français savaient qu’il y avait un problème, et qui n’avait rien à voir avec un gouvernement plutôt qu’un autre. Il n’y avait qu’à écouter les invraisemblances socialistes dont certains affirmaient qu’il était possible de revenir à la retraite à 60 ans et d’autres que c’était grotesque pour voir que cette cacophonie prouvait l’existence d’un « souci ». Il est d’ailleurs possible que Martine Aubry y ait définitivement laissé tout espoir de gagner en 2012, tant sa posture était intenable.

Ensuite parce que JusMurmurandi, dont la mémoire n’est pas limitée aux quinze derniers jours, contrairement à celles de tant de journalistes et de médias, se souvient des grandes manifs qui ont fait plier des gouvernements. Contre la fin de l’école libre de François Mitterrand et Pierre Mauroy en 1983, contre le plan Chirac-Juppé de redressement des comptes sociaux (déjà!) en 1995, ou contre le CPE de Chirac (encore!) et Villepin en 2006. Pour qu’il y ait 3 millions de gens dans les rues, il en faut au moins un million et demie à Paris. Une vague humaine qui recouvre les rues et les avenues, et dont le ressac affole les sismographes gouvernementaux. De tout temps, c’est à Paris que se joue le sort des mouvements populaires, et, cette fois-ci, Paris n’a pas répondu. Il y avait indiscutablement beaucoup de monde, mais, de tsunami, point. Ce qui fait, que, pour afficher 3 millions de personnes dans les rues, les syndicats ont recouru à des affirmations incantatoires, comme à Marseille, où ils affichaient 300.000 manifestants quand la police en comptait moins de 24.500 et des observateurs indépendants moins de 20.000.

Enfin, parce que la technique de la prise d’otages par blocage n’a pas fonctionné. Qui ne se souvient de ces interminables heures de trajet au milieu d’embouteillages géants qui ont fait plier Juppé? On voyait partout les Français redécouvrir de nouvelles solidarités en prenant des autostoppeurs à bord. Là, aucune nouvelle solidarité n’a eu à se manifester parce que les transports en commun ne se sont pas arrêtés. La loi sur le service minimum a peut-être quelque chose à y voir. L’auteur de cette loi? Un certain Nicolas Sarkozy…

Forts de cet échec (ou plutôt, faibles de cet échec), les syndicats ont tenté le blocage par pénurie de carburant, assistés, il faut le dire, par la panique de précaution des Français qui a créé une pénurie artificielle. Cela, non plus, n’a pas fonctionné. Les Français ont eu du mal à trouver du carburant, mais ils en ont trouvé. Et cela pour deux raisons: la police a débloqué les dépôts bloqués illégalement, et les camionneurs ne sont pas entrés dans la danse.

JusMurmurandi se souvient du temps où les camionneurs constituaient un groupe de pression qui terrifiait tous les gouvernements. Qu’ils se mettent en grève, et, subito presto! on accédait à leur demande, et leur leader informel, surnommé Tarzan, faisait la une des médias. Ceci jusqu’à l’arrivée d’un ministre de l’Intérieur qui leur a fait savoir, très calmement, que leurs actions illégales ne seraient pas combattues par la police ou l’armée, un affrontement dont les camionneurs étaient déjà sortis vainqueurs, mais qu’elles constituaient des infractions justifiant leur retrait de permis de conduire.

Le nom de ce Ministre de l’Intérieur qui a tout changé? Nicolas Sarkozy…

Allez dire après cela, quoi qu’on en pense, qu’il n’y a pas de rupture. Il suffisait d’entendre les miaulements de chattemite de Villepin, souhaitant sans le dire mais en le pensant tellement fort que cela s’entendait, que Sarkozy se « plante » comme il s’était lui-même « planté ». Il doit se dire, comme cet homme de main qui rate son coup dans « Tintin et l’oreille cassée »: Caramba! Encore raté!

Nicolas Sarkozy

2 commentaires

  1. Vous avez raison, une fois de plus, cher Jus ; mais votre sarkozysme primaire ressort, une fois de plus : ça me fait de la peine ! :(

    Commentaire by jerome — 1 novembre 2010 #

  2. Cher Jérôme, en lecteur avisé, vous aurez sans doute noté que notre article n’approuve ni ne désapprouve ce qui s’est fait, ni la réforme, ni la lutte pour l’imposer. Mais le fait est que des méthodes qui avaient rythmé des décennies de conflit ont cette fois-ci échoué, et c’est cette nouveauté qui selon nous devait être soulignée par un papier. On en pense ce qu’on veut, mais c’est un fait. De même que la cacophonie socialiste est aussi un fait, qu’elle nous plaise ou non.
    Sur le fond, vous aurez aussi noté que JusMurmurandi a plusieurs fois écrit que la réforme actuelle ne fournit pas de ressource nouvelle au système, ni n’en réduit les dépenses, ce qui veut dire que le déficit structurel n’est modifié que parce qu’en fait le rallongement de l’âge de la retraite, à économie égale, baisse le nombre d’ayant-droits à une retraite pleine. Je veux bien croire qu’en cette période d’anti-sarkozysme exclusivement haineux, écrire ceci puisse être considéré comme du sarkozysme primaire, mais quand même…:-)

    Commentaire by JM2 — 1 novembre 2010 #

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