Toute vérité est-elle bonne à dire?

novembre 29, 2010 on 11:07 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, Europe, France, Incongruités, Insolite, International, Poil à gratter | Commentaires fermés

Voilà, c’est fait, le site américain Wikileaks vient de mettre en ligne des centaines de milliers de documents confidentiels de la diplomatie américaine. Le quotidien Le Monde s’en est vu attribuer la primeur pour la France, et en diffuse des « morceaux choisis ».

Est-ce une bonne chose?

Bien sûr, les apôtres de la transparence intégrale vont applaudir des deux mains, ainsi que les supporters de la gratuité et de l’absence de régulation totales sur Internet.

Mais, à l’avis de JusMurmurandi, d’apôtre à ayatollah, il n’y a pas toujours grande différence. Et ceux qui se réclament de la prééminence de la légitimité sur la légalité, surtout quand leur légitimité est autoproclamée, se servent surtout de cet argument pour arriver à leurs fins.

Cela rappelle une histoire pas si vieille que cela à JusMurmurandi.

Dans les années 70, il était politiquement correct d’être anti-nucléaire, dans le sillage de l’ONG Greenpeace, très en pointe avec des actions spectaculaires. Des militants s’enchaînaient aux grilles des usines et aux rails de chemin de fer pour dénoncer une industrie aux déchets mortels, le tout soigneusement mis en scène pour les caméras de télévision.

Quarante ans plus tard, que reste-t-il de ce mouvement? Que d’avoir très largement arrêté le développement de nouvelles centrales nucléaires a poussé à l’usage des énergies fossiles, ce qui a augmenté d’autant les émissions de gaz à effet de serre, et accéléré le réchauffement climatique. Greenpeace s’était tout simplement trompé de danger et d’urgence écologiques.

En outre, le danger nucléaire ne venait pas des déchets français, allemands, britanniques ou japonais, pays, dans l’ensemble responsables en la matière, mais des centrales soviétiques, ce qu’a abondamment prouvé le désastre de Tchernobyl et l’enquête qui s’en est suivie. Greenpeace s’était seulement trompé de source de danger.

Il faut dire que c’était infiniment plus facile et moins dangereux de s’opposer aux efforts occidentaux sous l’œil complaisant des média qu’en Union Soviétique, où cela menait tout droit aux prisons sibériennes. Le monde était en effet fortement dissymétrique entre les démocraties d’un côté et un empire totalitaire de l’autre.

Le monde est tout aussi dissymétrique aujourd’hui, avec les mêmes démocraties qu’il est toujours aussi facile de clouer au pilori, et des adversaires, et JusMurmurandi pense aux fanatiques islamiques qui ne manqueront pas d’utiliser les documents mis au jour par Wikileaks pour leur propagande, qui se gardent bien de la moindre transparence en ce qui concerne leurs méthodes et leurs crimes. Les abus américains dans les prisons en Irak et en Afghanistan sont déplorables, mais on n’a aucune image des prisons iraniennes où la mort sous la torture est couverte par les autorités religieuses.

Évidemment, il est triste de voir que les informations que les services de sécurité américains avaient et dont la circulation interne aurait peut-être pu empêcher le 11 septembre ont été gardées beaucoup plus secrètes que les secrets de la diplomatie américaine, apparemment dévoilés par un simple soldat idéaliste qui s’ennuyait en Irak.

Évidemment, on ne peut que se réjouir de voir dévoilée l’hypocrisie des régimes monarchiques arabes, qui demandent en secret aux Américains de faire exactement l’inverse de ce qu’ils demandent en public.

Ceci dit, on en peut pas se réjouir de ces accès à de la « politique-réalité » et se désoler de voir les enregistrements des conversations de Mme Bettencourt ou les PV d’auditions de police diffusés aussi. Être voyeur ou ne pas l’être, telle est la question…

PS: Julian Assange, le fondateur et leader de Wikileaks, est poursuivi en Suède pour des accusations de viol, et Greenpeace a été financé par l’Union Soviétique. Ça, ce ne sont pas des fuites, mais des documents « officiels ». Cela veut-il dire pour autant que ce soit vrai? Eh bien, en fait, à dire vrai…p’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non…