Croire au Père Noël…

mars 5, 2011 on 4:30 | In Ca m'énerve, Coup de gueule, Economie, Europe, Insolite, International, La Cour des Mécomptes, Poil à gratter | Commentaires fermés

Souvenez vous, c’était il y a trois ans, JusMurmurandi qualifiait de stupéfiante la décision de l’armée américaine de renouveler une partie de son parc suranné d’avions ravitailleurs par des avions européens.

Bref rappel, les avions en lice sont le Boeing 767 dont la ligne est près de s’arrêter faute de commande, après 1.000 appareils vendus en trente ans, face à l’Airbus A330, vendu à 1100 exemplaires en 20 ans et toujours en production.

En février 2008 donc, les Américains sous l’impulsion du sénateur Mc Cain (futur candidat républicain aux élections présidentielles contre Obama) ont remis en cause l’attribution du marché à Boeing et ouvrent les portes au concurrent européen dont l’avion est plus récent, plus gros, plus cher mais plus moderne.

Sur les quatre appels d’offre internationaux récents, Airbus a fait cartons pleins, les remportant tous.

En se voyant dessaisi du marché suite à l’appel de Boeing, JusMurmurandi est toutefois convaincu qu’Airbus a remporté une victoire.

Commençons par souligner inénarrable médiocrité de l’administration américaine qui, en plein appel d’offres, n’a rien trouvé de mieux à faire que d’envoyer des parties de l’offre d’Airbus à Boeing et inversement….

Soit.

Avec un pays qui sort de la crise avec un chômage élevé, le siège de Boeing qui est maintenant à Chicago, ville d’où vient Obama, qui, en dehors de ceux qui croient au Père Noël, aurait pu croire que l’avionneur européen allait gagner ??

Mais alors, pourquoi Airbus ne fait il pas appel ?

De l’avis de JusMurmurandi pour plusieurs raisons.

D’abord parce que le 767 plus vieux, plus petit, sera nécessairement moins cher, sans parler du protectionnisme américain.

L’objectif sera donc ailleurs.

Faire une offre crédible, au ras des pâquerettes pour le prix, mais pas cassé permet à Airbus de s’assurer que Boeing ne gagnera pas un cent de plus que nécessaire sur un contrat qui ne représente « que » 15 avions supplémentaires par an quand il en livre plus de 500.

D’autre part, cela permet à Airbus de se concentrer sur la bataille qui l’intéresse vraiment à savoir l’aviation civile. Les plaies de l’A400M sont encore ouvertes, et la distraction crée par la nécessité de développer la version militaire du 767 va pénaliser Boeing et le mettre sous pression pour respecter délais et coûts sous peine de pénalités.

La division civile de Boeing se porte très moyennement.

Régulièrement battue en nombre de commandes reçues et avions livrés chaque année, on voit

  • un 787 qui compte, à présent, plus de trois ans de retard, certains clients qui s’impatientent et se tournent vers l’A330 disponible
  • un 737 (dont le premier vol remonte à 1968 !) qui doit soit être remplacé soit modernisé pour la…quatrième fois face à un A320 fringant dont les caractéristiques vont évoluer sensiblement dans les prochaines années avec la version NEO (New Engine Option, une remotorisation et amélioration des ailes qui devrait réduire la consommation de 15% à coût réduit pour le constructeur par rapport à un modèle entièrement neuf),
  • le 747 dont les nouvelles versions sortent cette année (passager et fret) n’ont pour ainsi dire pas de client en version passager (10% du portefeuille de l’A380)
  • un 777 qui se verra prochainement concurrencé par le nouvel A350 et dont la naissance remonte déjà à 1995, donc en attente de mise à jour pour rester dans la course.

Le 767 de l’armée américaine n’étant qu’un avion papier à l’heure actuelle, ajouter ce développement à ce qui précède va encore charger la mule.

Et donner de l’air à Airbus qui n’a pas le temps de se distraire non plus (mise au point de l’A400M, développements des A320 NEO et A350, et finalisation de l’industrialisation de l’A380).

Bref, dans la mesure où Airbus n’a pas remporté l’appel d’offre, on peut dire qu’ils ont fait carton plein. Une offre moins disante de deux milliards de dollars avec des coûts de développement estimés supérieurs pour Boeing, l’avion n’existant pas, c’est tout bénéfice pour Airbus, non ?

Quant à nous, pauvres contribuables que nous sommes, nous continuerons à croire au Père Noël, à savoir des Américains qui achèteraient le meilleur avion ravitailleur donc l’avion européen comme même le Wall Street Journal l’affirme, et des armées européennes qui n’auraient pas fait développer à un avionneur civil un avion de transport de troupes militaires et achèteraient pour une fraction du prix le modèle américain disponible (C130J).

Pour cela, il faudrait juste y croire, au Père Noël…

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